Une manœuvre de rattrapage diplomatique
Dans ce contexte, la lettre du Polisario ressemble à une manœuvre de rattrapage diplomatique. En se présentant comme prêt à « partager la facture de la paix », le mouvement tente de réintroduire un langage de compromis, à la fois pour séduire le secrétariat général de l’ONU et pour éviter d’apparaître comme la partie la plus rigide du conflit.
Mais cette posture, si habile soit-elle, ne change rien à la faiblesse structurelle du projet sahraoui : l’absence de base politique, l’usure d’une génération de dirigeants et la dépendance totale vis-à-vis d’Alger.
L’illusion du référendum et la nostalgie des années 1990
Or, le référendum est mort de sa propre irréalisabilité. Depuis le différend sur le corps électoral, aucune mission onusienne n’a pu en tracer les contours concrets. Les diplomates eux-mêmes, au fil des rapports successifs de Guterres et de son envoyé personnel Staffan de Mistura, n’en parlent plus que comme d’un souvenir administratif.
La « solution politique mutuellement acceptable » a remplacé le référendum dans toutes les résolutions depuis quinze ans. En réclamant son retour, le Polisario s’enferme dans la nostalgie des années 1990, celles où l’ONU croyait encore possible de soumettre le destin d’un territoire à un vote binaire. Mais le monde a changé : les cartes se redessinent selon les logiques d’intégration économique et de sécurité régionale, non plus selon les vieilles grilles idéologiques de la décolonisation.
Une rhétorique pacifiste à visée symbolique
Car le contenu reste inchangé : le maintien du principe d’un État sahraoui indépendant, la référence constante au « droit inaliénable à l’autodétermination », et la reconnaissance implicite de la « République arabe sahraouie démocratique » comme entité étatique à part entière.
Sous couvert d’ouverture, le texte réaffirme la vieille fiction de la symétrie : deux États, deux légitimités, deux protagonistes égaux. Cette équation, pourtant, n’existe plus. Le Maroc a intégré le Sahara dans sa matrice institutionnelle, juridique et économique ; il y investit massivement, y organise des élections, y érige des infrastructures de rang continental. La communauté internationale, même lorsqu’elle maintient une prudente neutralité verbale, traite désormais Rabat comme l’acteur de référence sur le terrain.
La facture de la paix
La vraie facture, celle qui compte, est celle du développement : des routes qui relient Tan-Tan à Dakhla, des zones industrielles qui attirent les capitaux étrangers, des programmes de formation qui transforment une jeunesse jadis marginalisée en acteurs économiques.
Ce sont là les dividendes tangibles d’une paix construite, non réclamée. Le Polisario, lui, continue de brandir les mots sans construire les réalités. Il parle de justice, mais vit dans les camps d’un autre âge ; il évoque la dignité, mais nie à ses propres populations la liberté de mouvement et d’expression. Dans un monde où la légitimité se mesure aux résultats, la comparaison est sans appel. La paix ne se signe pas, elle se construit jour après jour, pierre après pierre.
Le Maroc la paie à travers le développement, la diplomatie et la patience. Le Polisario la retarde par le verbe et la nostalgie. Entre le Maroc qui bâtit et le mouvement qui écrit, le monde a choisi. La lettre d’Ibrahim Ghali ne changera rien à cette dynamique. Elle restera dans les archives des Nations Unies comme tant d’autres : polie, datée, stérile.
Car la paix, la vraie, n’a pas besoin de signatures, mais d’actes. Et dans ce désert que le Maroc a transformé en horizon, c’est déjà le réel qui parle.
PAR RACHID BOUFOUS/MAROC DIPLOMATIQUE.NET












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