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La fin des baronnies parlementaires au Maroc


Par Rachid Boufous

Il y a des phrases qui passent inaperçues dans le tumulte parlementaire, puis il y a celles qui, par leur portée, ouvrent soudain une brèche dans la routine politique.

Abdelouafi Laftit, ministre de l’intérieur a déclaré devant la Commission de l’Intérieur à la chambre des représentants : « Il n’est permis à aucun député de siéger plus de deux mandats législatifs consécutifs, et la durée totale ne peut dépasser trois mandats, qu’ils soient successifs ou séparés. »

C’est un séisme silencieux, un coup de pioche dans le mur séculaire du clientélisme et de la rente politique.

Depuis des décennies, le Parlement marocain est marqué par une forme de sédimentation oligarchique : les mêmes visages, les mêmes familles, les mêmes réseaux s’y succèdent, verrouillant des territoires entiers comme des féodalités modernes. Le député n’y est plus un représentant ponctuel du peuple ; il devient un notable enraciné, parfois indéboulonnable, qui occupe son siège comme une concession minière.

Le renouvellement des élites, pourtant vital dans toute démocratie vivante, s’étouffe sous le poids de ces permanences. La déclaration de Laftit vient précisément fissurer cette inertie.



Qu’on soit d’accord ou non avec la limitation des mandats, elle pose une question fondamentale :

À quoi doit ressembler un Parlement moderne, efficace, représentatif, capable d’incarner un Maroc de 2025 et non celui de 1997 ?

Indéniablement, la réforme brise un tabou : la politique n’est pas un métier à vie. Elle est un service temporaire à la Nation, et non une rente transmissible par clan.
 
Mais limiter les mandats n’a de sens que si cette mesure s’inscrit dans une transformation plus profonde. Car un Parlement renouvelé mais incompétent, ou renouvelé mais dominé par les mêmes réseaux derrière de nouveaux visages, ne servirait à rien.

La vraie question n’est donc pas combien de mandats un député doit faire, mais comment s’assurer que chaque député, chaque groupe parlementaire, chaque parti produit enfin de la compétence, de l’intégrité et du travail législatif sérieux.
 
Cela implique d’abord un choc culturel dans les partis politiques, trop souvent réduits à des coquilles électorales, sans formation, sans idéologie réelle, sans vivier de cadres.

Si l’on impose un maximum de trois mandats, alors il faut simultanément imposer une préparation réelle des candidats : une école de la fonction parlementaire, des bilans annuels publics, des obligations de présence et de performance, des sanctions pour négligence, l’interdiction stricte du népotisme dans les équipes, une transparence totale sur le financement des campagnes.

Il faut ensuite réviser le mode de scrutin, qui favorise encore des micro-circonscriptions devenues des bastions privés où la politique se fait à coups de réseaux, de notables et parfois d’argent frais.

Un scrutin modernisé, intégrant une proportionnelle nationale plus forte, ouvrirait les portes du Parlement aux compétences : économistes, ingénieurs, juristes, diplomates, chercheurs; qui restent aujourd’hui à l’écart, découragés par les pratiques locales.
 
Le Maroc a besoin d’un Parlement jeune, formé, responsable, capable de débattre, de contrôler, de proposer. Un Parlement qui ne soit plus une récompense, mais une mission.

Un lieu où l’on n’entre plus pour durer, mais pour servir. Un Parlement qui fonctionne, enfin, comme une institution de la modernité et non comme un marché politique.
 
La phrase de Laftit n’est donc pas un détail. Elle ouvre une porte ; reste à savoir si les partis, les institutions et surtout le pays auront le courage de la franchir. Car la démocratie n’avance pas par la simple rotation des visages, mais par l’irruption de la compétence, de l’éthique et de la responsabilité.

Si la limitation des mandats devient la première pierre d’un chantier plus vaste, alors le Maroc aura fait un pas décisif vers un Parlement digne des enjeux du XXIᵉ siècle.

Si elle reste isolée, elle ne sera qu’un symbole de plus, perdu dans les archives d’une réforme inachevée.
 
Il appartient désormais au pays de transformer cette annonce en véritable renaissance parlementaire.
 



Lundi 1 Décembre 2025



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