L'ODJ Média



La pratique journalistique et la nécessaire moralisation

Autorégulation de la profession, es-tu là ?


Rédigé par Salma Chaoui le Mardi 2 Mai 2023

Faut-il mesurer l'information à l'aune de sa valeur démocratique ou bien de sa valeur strictement marchande et concurrentielle ? C'est face à ce dilemme que des médias dits professionnels, bousculés comme ils le sont par les réseaux sociaux et autres supports numériques débridés, sont de plus en plus confrontés. Or, "vendre" de l'information dans la conception marchande du terme pour faire du chiffre, dégager des profits et préserver une place au soleil, entraîne immanquablement une soumission à des attentes peu valorisantes des rapports entre l'outil d'information et le citoyen.



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Par Jamal HAJJAM

Il est consternant de constater dans ce sillage que des médias classés professionnels se sont laissé emporter par la vague. Ne pouvant résister à la tentation, ils emboîtent le pas aux réseaux sociaux peu regardants sur les normes éthiques qui régissent l'acte d'informer, de commenter et d'analyser.

Le spectaculaire, le sensationnel, l'émotionnel, le "people" bas de gamme pour faire le "buzz", finissent par prendre le dessus alors que la déontologie, l'éthique et la responsabilité sont allègrement sacrifiés, étant perçus comme non "vendeurs" ou financièrement peu rentables. 

Pendant ce temps, les structures professionnelles et d'encadrement sensées organiser et moraliser la pratique journalistique - c'est bien de journalisme qu'il s'agit en définitive -, sont quasi-inopérantes, faisant que la profession s'enfonce de plus en plus dans l'anarchie, sans repères. Et c'est notre fragile démocratie qui trinque.

Il est de toute évidence important d'agir et d'oeuvrer, par voie structurelle, réglementaire et pratique, pour réinsuffler du sens dans l’information en tant que telle, pour habituer à dissocier l’information authentique du brouhaha, du bruit médiatique qui brouille le débat d’idées et éloigne les consciences de la perception de l'utile pour le pays et pour la société. 

Dans le même esprit, le professionnel de l'information, le faiseur d'opinion, a le droit d'être serein dans l'exercice de son métier loin des harcèlements de quelque ordre que ce soit.

Tout comme il est indispensable de combattre les délits de presse, plus exactement ceux se rapportant à des écrits diffamatoires ou attentatoires aux constantes nationales, par la formation adéquate et la prise de conscience d'abord, par la dissuasion ensuite, avant d'en arriver à la sanction qui ne doit intervenir, dans les cas extrêmes, qu'en dernier ressort.

Dans la foulée, il importe de couper court à cette fâcheuse et populiste tendance à "victimiser" les coupables d'atteinte à la vie privée des gens ou aux valeurs sacrées des Marocains et à en faire des “stars” objet de manifestations de solidarité, rien que pour le fun. Cette fâcheuse mode, souvent animée par des "objecteurs de conscience" autoproclamés justiciers, ne sert ni la vérité, ni la profession, ni la démocratie.  


 

Tout ceci doit relever de la compétence d'un Conseil national de la presse (CNP) réellement indépendant, agissant et efficace. Un Conseil entouré des garanties de l'efficience nécessaire à l’autorégulation de la profession, à la prévalence du respect des règles déontologiques, à la défense de la liberté de la presse, à la contribution à la production des textes de lois relatives au secteur, et à la conduite de missions d’arbitrage et de médiation entre les organismes de presse et des tiers. 


Le Conseil dont le mandat s'est achevé en octobre 2022 sans pouvoir renouveler ses membres (représentants des journalistes professionnels et ceux des éditeurs de journaux) et qui a bénéficié d’une "solution exceptionnelle et temporaire" de prorogation de son mandat de 6 mois avant de se voir, contre toute attente, "momentanément" remplacé par une "Commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur" pour un mandat fixé à deux ans, n'a manifestement pas rempli le rôle pour lequel il a été initialement institué, mis à part la mission administrative d'octroi des cartes de presse et celle d'élaboration d'une charte de déontologie de la profession sans toutefois veiller sur son respect.

Loin de la polémique qui a entouré la désignation de la "commission provisoire" composée de presque les mêmes membres du Conseil sortants, à l'exception toutefois des représentants de la Fmej et de la Fenajic (un mystère), disons que la scène journalistique va encore devoir patienter au moins deux années, avant de voir s'installer, comme espéré, un Conseil indépendant, démocratiquement élu, doté d'une législation qui renforce et définit clairement son rôle et, par conséquent, le rend apte à produire des règlements qui assurent l’exercice de la profession de presse dans l'observance de ses principes et règles déontologiques, ainsi qu'à faire respecter lesdits règlements par les professionnels.

Un Conseil qui soit tout aussi en mesure d'examiner dans la transparence et l'équité les affaires disciplinaires concernant les entreprises de presse et les journalistes professionnels qui auront manqué à leurs devoirs professionnels, ou qui auront enfreint le code de déontologie.

La voie du salut pour la profession passe en grande partie par là.

Rédigé par Jamal HAJJAM

 





Mardi 2 Mai 2023

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