La crise qui secoue actuellement le recouvrement des taxes locales illustre les dérives d’une réforme précipitée. Depuis la circulaire du 11 novembre 2025, demandant le transfert immédiat des missions, des locaux et des archives de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) vers 92 nouvelles perceptions communales, le système tourne au ralenti. De nombreux services sont paralysés, entraînant un ralentissement notable du recouvrement d’une douzaine de taxes locales. Pour les collectivités, c’est un manque à gagner potentiellement significatif ; pour les agents, une période d’incertitude professionnelle.
Au cœur du blocage, un désaccord institutionnel. Le ministère de l’Intérieur a engagé un calendrier serré, estimant que les communes doivent prendre en main le recouvrement conformément à la loi 14.25. La TGR, elle, se retrouve contrainte de remettre locaux, équipements, systèmes et dossiers dans des délais jugés irréalistes. Les syndicats dénoncent une réforme « imposée par le haut » sans garde-fous ni phase transitoire. Mohamed Daidaa, du SND-CDT, décrit un « bras de fer » entre Abdelouafi Laftit et les services du Trésor, qui laisse les fonctionnaires « sans visibilité sur leurs droits, leur statut et leur avenir ».
Les conséquences sont déjà visibles : des locaux vidés, des archives en attente de transfert, et surtout l’absence de percepteurs communaux formés et nommés à temps. Le ministère de l’Intérieur évoque la création de 92 perceptions communales, mais la formation des agents, la prise en main des systèmes et l’accueil du public exigent un temps incompressible. D’où le recours transitoire — quoique contesté — aux agents de la TGR, qui soulève des questions statutaires majeures : détachement, mutation, primes, retraite. Sans garanties claires, la défiance monte.
Dans des zones comme Casablanca-Hay Hassani, la restructuration fusionne plusieurs perceptions en une seule. Résultat : certains agents ne savent plus d’où ils dépendent, ni quelles tâches leur incombent. Les risques de surcharge, de conflits internes et de pertes de compétence sont réels. Face à la colère, le ministère des Finances tente d’apaiser : il affirme que tous les droits acquis seront protégés et garantit l’accompagnement administratif. Une promesse qui, selon les syndicats, n’est valable que si elle s’accompagne d’un texte clair, officiel et contraignant.
Sur le fond, la modernisation du recouvrement est largement saluée. Rapprocher la perception du citoyen, aligner les pratiques administratives sur la décentralisation et améliorer la collecte sont des objectifs nécessaires. Mais la méthode employée donne l’image d’une réforme conduite à marche forcée. Faute de plan transitoire solide, les risques sont multiples : rupture temporaire des recettes, désorganisation des services, mécontentement social et perte de confiance dans la décentralisation.
Les syndicats maintiennent la pression : demandes d’explication, réunions d’urgence, menaces de sit-in et actions locales en préparation. De son côté, le gouvernement doit désormais prouver qu’il peut transformer une réforme fragile en chantier maîtrisé. La publication rapide de garanties écrites, une feuille de route lisible et un échéancier réaliste pourraient désamorcer la crise.
Si la réforme du recouvrement des taxes locales peut moderniser durablement la gouvernance territoriale, elle rappelle surtout que toute transformation institutionnelle doit commencer par une règle simple : ne jamais perdre de vue celles et ceux qui la font vivre chaque jour.












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