Fonds souverain, fonds d’avenir : sortir la rente de la dépendance..
Au cœur du dispositif, un principe simple et puissant : extraire la rente, l’extérioriser du budget courant, l’investir au-delà des frontières et ne jamais puiser au-delà d’un taux de retrait soutenable. Cette règle d’or – environ 3 % du capital par an – a l’élégance de lisser les cycles pétroliers, d’éviter la surchauffe domestique et de financer, sans à-coups, l’État-providence. L’éthique d’investissement, la publication des positions et la séparation nette entre rente et dépenses courantes constituent une infrastructure de confiance rare. Résultat : un “dividende collectif” virtuel par citoyen, une assurance macroéconomique contre la volatilité des cours, un filet de sécurité qui a tenu bon quand d’autres pays rentiers vacillaient.
Mais la réussite financière ne dit pas tout de la vitalité économique. La courbe de la productivité hors hydrocarbures progresse faiblement ; les absences pour maladie grimpent ; l’endettement des ménages s’épaissit. Ce ne sont pas des drames, c’est une dérive statistique : chacune de ces tendances, prise isolément, paraît gérable ; leur conjonction signale une forme de satiété qui s’invite dans le corps social. L’égalitarisme culturel – formidable moteur de cohésion et de confiance – peut, à la marge, décourager la prise de risque visible. Quand la société protège efficacement contre l’aléa, l’incitation à l’effort entrepreneurial décroît. Quand l’échec n’expose plus, la réussite n’aimante plus.
La tentation serait de répondre par plus de financement public à l’innovation. Ce serait méconnaître la nature du problème. La Norvège ne manque ni de capital, ni d’infrastructures, ni de talents ; elle manque d’un imaginaire de rupture qui rende socialement acceptable l’ambition individuelle et l’incertitude qu’elle charrie. La comparaison avec des voisins plus “agiles” en matière de start-up rappelle une évidence : l’écosystème entrepreneurial ne se décrète pas par décrets, il se fabrique par tolérance au risque, par marchés domestiques ouverts à l’expérimentation, par des règles qui récompensent l’audace autant que la conformité.
L’horizon stratégique s’élargit encore avec la mise en valeur potentielle de ressources minières critiques. Là aussi, la saine tentation serait d’appliquer la même mécanique : extraire, capitaliser, diversifier. Pourtant, l’enjeu n’est plus seulement financier ; il est technologique et industriel. Les matières stratégiques sont le carburant de la transition énergétique et de la géopolitique des chaînes de valeur. Saisir cette fenêtre exige des compétences de transformation, des alliances industrielles et une R&D domestique capables de capter plus que la rente d’extraction : la rente de conception.
Mais la réussite financière ne dit pas tout de la vitalité économique. La courbe de la productivité hors hydrocarbures progresse faiblement ; les absences pour maladie grimpent ; l’endettement des ménages s’épaissit. Ce ne sont pas des drames, c’est une dérive statistique : chacune de ces tendances, prise isolément, paraît gérable ; leur conjonction signale une forme de satiété qui s’invite dans le corps social. L’égalitarisme culturel – formidable moteur de cohésion et de confiance – peut, à la marge, décourager la prise de risque visible. Quand la société protège efficacement contre l’aléa, l’incitation à l’effort entrepreneurial décroît. Quand l’échec n’expose plus, la réussite n’aimante plus.
La tentation serait de répondre par plus de financement public à l’innovation. Ce serait méconnaître la nature du problème. La Norvège ne manque ni de capital, ni d’infrastructures, ni de talents ; elle manque d’un imaginaire de rupture qui rende socialement acceptable l’ambition individuelle et l’incertitude qu’elle charrie. La comparaison avec des voisins plus “agiles” en matière de start-up rappelle une évidence : l’écosystème entrepreneurial ne se décrète pas par décrets, il se fabrique par tolérance au risque, par marchés domestiques ouverts à l’expérimentation, par des règles qui récompensent l’audace autant que la conformité.
L’horizon stratégique s’élargit encore avec la mise en valeur potentielle de ressources minières critiques. Là aussi, la saine tentation serait d’appliquer la même mécanique : extraire, capitaliser, diversifier. Pourtant, l’enjeu n’est plus seulement financier ; il est technologique et industriel. Les matières stratégiques sont le carburant de la transition énergétique et de la géopolitique des chaînes de valeur. Saisir cette fenêtre exige des compétences de transformation, des alliances industrielles et une R&D domestique capables de capter plus que la rente d’extraction : la rente de conception.
Que faire pour qu’un modèle déjà excellent ne se fossilise pas dans sa propre réussite ?
Premièrement, “verdir” la règle budgétaire par l’investissement productif : sanctuariser le 3 %, mais réserver une part explicite des revenus financiers à l’accumulation d’actifs de connaissance nationaux — recherche appliquée, deeptech, formation scientifique — avec des critères d’évaluation indépendants, transparents, et pluriannuels. L’idée n’est pas de dépenser plus, mais de transformer une fraction de revenu financier en capital immatériel mesurable.
Deuxièmement, moderniser la concurrence domestique : faciliter l’accès aux marchés réglementés pour les nouveaux entrants (santé, énergie, mobilité), raccourcir les délais d’expérimentation (“regulatory sandboxes”), et alléger le coût de la conformité pour les jeunes pousses sans renoncer aux standards. La meilleure politique industrielle pour un petit pays ouvert reste une politique de marchés ouverts et prévisibles.
Troisièmement, corriger les signaux qui encouragent la dette des ménages et la spéculation foncière : taxer l’inactivité du capital plutôt que sa prise de risque, rééquilibrer l’incitation fiscale au profit de l’épargne longue en actions/innovation, renforcer le coussin contracyclique des banques pour lisser le crédit immobilier. La robustesse sociale n’a rien à gagner d’un patrimoine surendetté.
Quatrièmement, travailler l’imaginaire collectif : réhabiliter socialement l’essai-erreur, porter sur la place publique des réussites entrepreneuriales “ordinaires”, valoriser l’excellence scientifique comme un bien commun. On n’oppose pas solidarité et ambition ; on les articule.
La grande force norvégienne n’est pas l’argent, c’est la discipline : planification lisible, transparence radicale, respect des règles à travers les alternances. C’est aussi sa grande chance : un pays qui sait se doter de contraintes s’auto-impose une trajectoire. La question n’est donc pas “faut-il changer de modèle ?”, mais “comment injecter du futur” dans un modèle qui fonctionne déjà. Si l’on parvient à convertir une petite part du confort en énergie d’innovation, la rente restera un tremplin — et non un matelas.
Deuxièmement, moderniser la concurrence domestique : faciliter l’accès aux marchés réglementés pour les nouveaux entrants (santé, énergie, mobilité), raccourcir les délais d’expérimentation (“regulatory sandboxes”), et alléger le coût de la conformité pour les jeunes pousses sans renoncer aux standards. La meilleure politique industrielle pour un petit pays ouvert reste une politique de marchés ouverts et prévisibles.
Troisièmement, corriger les signaux qui encouragent la dette des ménages et la spéculation foncière : taxer l’inactivité du capital plutôt que sa prise de risque, rééquilibrer l’incitation fiscale au profit de l’épargne longue en actions/innovation, renforcer le coussin contracyclique des banques pour lisser le crédit immobilier. La robustesse sociale n’a rien à gagner d’un patrimoine surendetté.
Quatrièmement, travailler l’imaginaire collectif : réhabiliter socialement l’essai-erreur, porter sur la place publique des réussites entrepreneuriales “ordinaires”, valoriser l’excellence scientifique comme un bien commun. On n’oppose pas solidarité et ambition ; on les articule.
La grande force norvégienne n’est pas l’argent, c’est la discipline : planification lisible, transparence radicale, respect des règles à travers les alternances. C’est aussi sa grande chance : un pays qui sait se doter de contraintes s’auto-impose une trajectoire. La question n’est donc pas “faut-il changer de modèle ?”, mais “comment injecter du futur” dans un modèle qui fonctionne déjà. Si l’on parvient à convertir une petite part du confort en énergie d’innovation, la rente restera un tremplin — et non un matelas.












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