Un sachet noir accroché à une branche, une canette lancée depuis une voiture, des déchets qui s’accumulent au pied d’un panneau « Interdit de déposer des ordures »… Au Maroc, le jet de détritus dans l’espace public est devenu un geste automatique, désinvolte, presque culturel. Selon l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025, plus de 84 % des Marocains interrogés jugent que l’habitude de jeter les déchets dans la rue est fréquente à très fréquente. Seuls 3,4 % estiment qu’elle est rare. Le constat est sans appel : le Maroc est sale. Non pas par manque de moyens, mais par abandon de conscience civique.
Une saleté chronique, normalisée
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’aggrave. Partout, les rues se remplissent de restes alimentaires, de plastiques, de papiers gras, de mouchoirs usagés. Les plages, les forêts, les souks, les parkings, les jardins publics… aucun espace n’y échappe.
La banalisation est telle que personne ne s’étonne plus de voir quelqu’un ouvrir la fenêtre de sa voiture pour jeter un sachet, ou de finir un sandwich en le “laissant là”. Le réflexe est ancré : “Ce n’est pas chez moi, donc ce n’est pas grave.”
La banalisation est telle que personne ne s’étonne plus de voir quelqu’un ouvrir la fenêtre de sa voiture pour jeter un sachet, ou de finir un sandwich en le “laissant là”. Le réflexe est ancré : “Ce n’est pas chez moi, donc ce n’est pas grave.”
Un désastre environnemental et sanitaire
Les répercussions de ces incivilités sont à la fois profondes et préoccupantes. Elles se traduisent par une dégradation manifeste de l’esthétique urbaine et des paysages naturels, l’obstruction des réseaux d’évacuation par les résidus plastiques, ainsi que par la prolifération de nuisibles tels que les moustiques, les rongeurs ou les chiens errants attirés par l’insalubrité ambiante.
Plus insidieusement encore, les infiltrations toxiques menacent la qualité des nappes phréatiques, tandis que la santé publique se trouve exposée à une recrudescence de pathologies telles que la salmonellose, les gastro-entérites ou diverses affections dermatologiques. En somme, derrière chaque abandon de déchet prétendument insignifiant, se dissimule une contribution tangible à un désordre sanitaire majeur.
Plus insidieusement encore, les infiltrations toxiques menacent la qualité des nappes phréatiques, tandis que la santé publique se trouve exposée à une recrudescence de pathologies telles que la salmonellose, les gastro-entérites ou diverses affections dermatologiques. En somme, derrière chaque abandon de déchet prétendument insignifiant, se dissimule une contribution tangible à un désordre sanitaire majeur.
Une éducation civique au point mort
Pourquoi jette-t-on autant ? Parce qu’on n’a jamais appris à ne pas le faire. L’étude du CMC pointe du doigt le rôle défaillant de l’éducation familiale et scolaire. Peu de foyers inculquent l’idée que la rue est un espace commun à protéger. Et à l’école, la propreté reste souvent un discours abstrait, jamais incarné.
On parle de pollution dans les cours de sciences, mais on ne sanctionne pas un élève qui jette un papier dans la cour. Les campagnes de sensibilisation sont rares, et souvent mal ciblées.
On parle de pollution dans les cours de sciences, mais on ne sanctionne pas un élève qui jette un papier dans la cour. Les campagnes de sensibilisation sont rares, et souvent mal ciblées.
La responsabilité partagée des autorités
Bien entendu, la saleté ne relève pas uniquement de comportements individuels inappropriés ; elle reflète également les carences structurelles de l’action communale. En effet, nombre de collectivités locales souffrent d’un déficit criant en équipements de base, telles que l’insuffisance de poubelles publiques ou la présence de bacs dépourvus de couvercle. Le ramassage des ordures s’effectue de manière irrégulière, notamment dans les quartiers périphériques, tandis que certaines zones demeurent envahies par des décharges sauvages laissées à l’abandon.
Par ailleurs, les agents de propreté, souvent peu formés et faiblement reconnus dans leur statut, sont trop rarement mobilisés dans des missions de sensibilisation ou de prévention.
Et surtout : aucune verbalisation réelle. Les municipalités parlent d’hygiène, mais ne sanctionnent jamais le jet de détritus. La loi est là (amendes prévues dans plusieurs textes), mais elle dort.
Par ailleurs, les agents de propreté, souvent peu formés et faiblement reconnus dans leur statut, sont trop rarement mobilisés dans des missions de sensibilisation ou de prévention.
Et surtout : aucune verbalisation réelle. Les municipalités parlent d’hygiène, mais ne sanctionnent jamais le jet de détritus. La loi est là (amendes prévues dans plusieurs textes), mais elle dort.
Un enjeu de dignité urbaine
La saleté de l’espace public ne dit pas seulement notre relation aux déchets, mais notre rapport à nous-mêmes. Une rue sale est un signe d’abandon, un lieu que l’on traverse sans s’y sentir lié. Elle indique un effondrement du sentiment d’appartenance.
Nettoyer un quartier n’est pas un luxe, c’est une reconstruction symbolique de la dignité collective. Là où la propreté règne, les gens se parlent autrement, se respectent davantage, prennent soin de leur environnement.
Nettoyer un quartier n’est pas un luxe, c’est une reconstruction symbolique de la dignité collective. Là où la propreté règne, les gens se parlent autrement, se respectent davantage, prennent soin de leur environnement.
Que faire ? Des solutions concrètes
Le rapport du CMC propose des mesures précises visant à densifier et signaler les poubelles publiques, notamment dans les quartiers populaires, lancer une campagne nationale intitulée « Un jet = une amende » accompagnée de vidéos, témoignages et exemples concrets, introduire la propreté urbaine dans les curricula scolaires à travers des actions pratiques telles que le nettoyage de classe, le tri ou encore les visites de décharges, créer des brigades vertes municipales formées et dotées de moyens pour surveiller et verbaliser les contrevenants, et enfin impliquer les associations de quartiers ainsi que les commerces dans la gestion quotidienne des déchets.
Et si le Maroc apprenait à aimer ses rues ?
Le Maroc de demain ne sera pas propre par miracle. Il le deviendra quand jeter un papier à terre sera perçu comme une transgression grave, et non comme un réflexe banal. Quand la propreté ne sera plus l’affaire des femmes de ménage ou des balayeurs, mais l’affaire de tous. Nettoyer les rues, c’est aussi nettoyer notre rapport au collectif, à la responsabilité, au vivre-ensemble.
Et cela commence par un geste : ne rien jeter par terre.
Et cela commence par un geste : ne rien jeter par terre.
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