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Les attentes des parents


Par Rachid Boufous

Nous sommes la génération X, ou peut-être la génération W, celle du baby-boom marocain d’après l’indépendance.
Nous sommes nés dans un Maroc jeune, généreux, avide de justice. Nous portions les espérances de nos parents, la génération A, celle qui s’est battue pour l’indépendance du pays, nos parents qui croyaient dur comme fer que l’école et l’État allaient construire un pays où chacun aurait sa chance et qui ont tout fait pour nous éduquer selon des valeurs saines de probité, de dignité et respect de l’autre.

Nous avons grandi dans la croyance que le savoir était la clé, que le mérite suffisait, que la loyauté envers la nation serait récompensée. Et c’était vrai.



Nous avons fait partie de la classe moyenne instruite, celle qui s’est hissée à la force du crayon et du travail.

Rachid BOUFOUS
Rachid BOUFOUS
Mais nous savons aussi que beaucoup de parents de notre génération n’ont pas eu cette chance. Ils ont trimé sans diplômes, peiné sans reconnaissance, mais ont élevé leurs enfants avec le même espoir que nous : celui d’un Maroc où leurs fils et leurs filles vivraient mieux qu’eux. Qu’importe les trajectoires, nous partageons la même foi en ce pays et le même attachement à ses institutions. C’est ce lien invisible qui nous lie tous.

Nous avons été les enfants de l’école publique marocaine. Cette école n’était pas parfaite, mais elle croyait en nous et on croyait en elle. Elle produisait des citoyens avant de produire des carriéristes. Grâce à elle, l’ascenseur social fonctionnait correctement : il montait lentement, mais sûrement, permettant à chacun de vivre dignement du fruit de son instruction ou de son labeur.

Nous sommes la preuve vivante qu’un enfant du peuple ou de famille aisée, pouvait devenir cadre, ingénieur, médecin, enseignant, architecte, écrivain ou haut fonctionnaire.

L’avenir se méritait, s’arrachait à coups d’efforts et de sacrifices, mais il ne s’achetait pas. Aujourd’hui, nous voyons que cet ascenseur est bloqué. Nos enfants, la Génération Z, attendent en bas, impatients et souvent désabusés. Ce ne sont pas leurs talents qui manquent, mais les portes qui se ferment.

Nous, parents, faisons l’impossible : nous travaillons sans répit, sacrifions nos économies pour offrir à nos enfants une éducation que l’école publique ne garantit plus. Nous les plaçons dans des établissements privés, souvent inabordables, non par snobisme, mais par peur. Par amour, aussi. Parce que nous refusons de les voir s’enliser dans un système qui a cessé de croire en la méritocratie.

Entre notre enfance et la leur, quelque chose s’est rompu.

Nous avions peu, mais nous espérions beaucoup. Eux ont davantage, mais doutent de tout... Nous pensions vivre dans un pays en marche vers la modernité ; ils le voient hésiter, vaciller, se fragmenter. Nous croyions que l’État était protecteur ; ils le perçoivent comme lointain. Nous rêvions de servir la patrie ; eux se demandent s’il vaut encore la peine d’y revenir ou d’y rester… Et pourtant, malgré la désillusion, nous sommes restés. Nous avons choisi de vivre ici, de construire ici, d’enseigner ici, de soigner ici, de bâtir ici.

Nous avons fait le choix du pays, celui de la fidélité.

Nous avons décidé de bâtir notre pays le Maroc, et non un autre pays qui n’est pas et ne sera jamais le nôtre… Nous croyons encore, et à contre-courant, à la valeur de nos institutions, à leur rôle essentiel pour préserver la cohésion nationale. Mais nous avons mal de devoir justifier cette foi à nos enfants. Nous avons honte, souvent, de leur mentir, pour qu’ils continuent à y croire, juste pour les avoir égoïstement avec nous au pays, au lieu de les voir s’épanouir ailleurs, loin de nous… Mais nous sommes épuisés à ce mensonge qui se perpétue. Quand les parents ne peuvent plus promettre un avenir possible, c’est la société tout entière qui commence à vaciller.

Car la stabilité d’un pays ne se décrète pas :

Elle se tisse dans le tissu vivant des familles. Et la stabilité des familles dépend d’un horizon clair pour leurs enfants. Un pays se fissure quand ses familles cessent d’espérer. Nous ne demandons pas des privilèges. Nous demandons un État juste, un État qui entende, qui protège, qui projete. Nous voulons que la santé et l’école redeviennent des biens communs, que le travail redevienne une dignité, que le mérite redevienne une clé.

Nous voulons pouvoir dire à nos enfants : « Restez. Le Maroc est à vous. Il vaut tous les sacrifices. » Nous ne sommes pas une génération aigrie. Nous sommes une génération désabusée mais loyale. Nous avons connu les idéaux et les déceptions, mais nous refusons le cynisme. Nous croyons encore qu’un pays se sauve par la confiance qu’il inspire à sa jeunesse.

Si cette confiance disparaît, ce n’est pas seulement la jeunesse qui s’en va :

C’est la nation qui s’éteint peu à peu. Derrière l’attente des parents, il y a un cri d’amour et de fidélité. Celui d’une génération qui, malgré tout, continue à croire à la promesse d’un Maroc debout, équitable et fier. Nous voulons simplement que nos enfants montent plus haut que nous et que, là-haut, ils regardent encore leur pays avec fierté, non avec regret.

Et en ce jour particulier, alors que le pays tout entier retient son souffle, nous sommes tous dans l’attente du discours de Sa Majesté le Roi devant le Parlement. Nous serons tous et toutes à l’écoute, car aujourd’hui plus que jamais, c’est cette voix suprême qui peut rallumer la flamme de l’espérance, rétablir la confiance et tracer un horizon. Dans ce tunnel de doutes, nous guettons cette lumière qui, nous le croyons, peut encore éclairer le chemin de nos enfants et redonner sens à l’avenir du pays.

PAR RACHID BOUFOUS/FACEBOOK.COM



Vendredi 10 Octobre 2025


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