Dans une société marocaine en pleine mutation, où les femmes investissent de plus en plus les espaces éducatifs, économiques et culturels, l’espace public reste paradoxalement l’un des lieux les plus hostiles à leur épanouissement. C’est ce que révèle, une fois de plus, l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025. À travers des chiffres sans équivoque, elle met en lumière l’intensité du malaise vécu par les femmes dans la rue, les transports, les marchés, ou même les lieux de loisir.
Un malaise généralisé… mais banalisé
52,2 % des personnes interrogées déclarent ne pas être satisfaites du comportement des Marocains envers les femmes dans l’espace public. 36 % jugent que le respect est “moyen”, et seuls 11,9 % expriment leur satisfaction. Autrement dit, près de 9 personnes sur 10 reconnaissent explicitement un problème de fond dans la manière dont les femmes sont perçues et traitées dans les lieux partagés.
Ces chiffres ne sont pas nouveaux, mais ils persistent et s’aggravent parfois, dans une forme de banalisation insidieuse. Les regards intrusifs, les commentaires sexistes, les gestes déplacés, les insultes, les intimidations ou les “plaisanteries” à connotation sexuelle sont devenus le bruit de fond de la vie quotidienne de nombreuses femmes marocaines.
Ces chiffres ne sont pas nouveaux, mais ils persistent et s’aggravent parfois, dans une forme de banalisation insidieuse. Les regards intrusifs, les commentaires sexistes, les gestes déplacés, les insultes, les intimidations ou les “plaisanteries” à connotation sexuelle sont devenus le bruit de fond de la vie quotidienne de nombreuses femmes marocaines.
Quand l’espace public devient un champ d’évitement
L’impact est profond. Beaucoup de femmes adaptent leurs tenues, modifient leurs itinéraires, renoncent à certaines sorties ou à certains horaires, simplement pour éviter d’être ciblées. L’espace public, censé être partagé et sécurisé, devient un territoire à risque, traversé avec prudence ou, pire, évité quand cela est possible.
Cette stratégie d’évitement, silencieuse mais massive, alimente une forme d’invisibilité sociale. Les femmes sont là, mais réduites à la prudence. Le Maroc moderne s’enorgueillit de ses taux de scolarisation féminine et de ses figures de réussite… tout en continuant à offrir aux femmes, dans la rue, un climat de suspicion ou d’hostilité sourde.
Cette stratégie d’évitement, silencieuse mais massive, alimente une forme d’invisibilité sociale. Les femmes sont là, mais réduites à la prudence. Le Maroc moderne s’enorgueillit de ses taux de scolarisation féminine et de ses figures de réussite… tout en continuant à offrir aux femmes, dans la rue, un climat de suspicion ou d’hostilité sourde.
Harcèlement, impunité et absence de réaction collective
Ce que pointe l’enquête du CMC, c’est aussi le silence complice de la majorité. Très peu de Marocains interviennent face à un comportement déplacé envers une femme. Par peur, par désintérêt, ou parce qu’ils jugent cela “normal”. Le harcèlement de rue reste impuni dans l’écrasante majorité des cas, surtout en l’absence de témoins solidaires, de présence policière active ou de mécanismes de dénonciation accessibles.
Quand une victime devient suspecte, que ce soit par sa tenue, son attitude ou son heure de sortie, la société ne protège plus, elle juge. Ainsi, le harcèlement n’est pas seulement un acte ; il est le symptôme d’un système de domination profondément ancré, qui continue de régir l’accès des femmes à l’espace public.
Quand une victime devient suspecte, que ce soit par sa tenue, son attitude ou son heure de sortie, la société ne protège plus, elle juge. Ainsi, le harcèlement n’est pas seulement un acte ; il est le symptôme d’un système de domination profondément ancré, qui continue de régir l’accès des femmes à l’espace public.
Une violence qui affecte toutes les classes sociales
Ce phénomène n’épargne aucune catégorie. Dans les quartiers populaires comme dans les zones aisées, les témoignages affluent. Si les formes diffèrent (brutalité directe dans un cas, sarcasme et harcèlement “classe” dans l’autre), le fond reste le même : un espace public marqué au masculin.
Les transports en commun, par exemple, sont perçus comme des lieux de tension permanente : regards insistants, frôlements injustifiés, remarques déplacées. Dans certains cas, des femmes préfèrent marcher de longs kilomètres que de subir ces humiliations quotidiennes.
Les transports en commun, par exemple, sont perçus comme des lieux de tension permanente : regards insistants, frôlements injustifiés, remarques déplacées. Dans certains cas, des femmes préfèrent marcher de longs kilomètres que de subir ces humiliations quotidiennes.
Coupe du monde 2030 : vers une vitrine ou un miroir ?
L’accueil de la Coupe du monde 2030 est présenté comme une opportunité de transformation sociale profonde. Mais plus de 69 % des sondés redoutent que des comportements comme le harcèlement verbal ou physique à l’égard des femmes, notamment des touristes, nuisent à l’image du Maroc. À juste titre : si les Marocaines elles-mêmes ne sont pas respectées dans leur propre pays, comment espérer offrir un visage ouvert et moderne aux visiteurs du monde entier ?
Le risque est donc réel : que le Maroc “nettoie” ses espaces pour l’occasion, sans corriger durablement les pratiques sociales. La vitrine ne peut pas cacher les fissures du mur. Et ce que l’on ne règle pas avant 2030… explosera pendant ou après.
Le risque est donc réel : que le Maroc “nettoie” ses espaces pour l’occasion, sans corriger durablement les pratiques sociales. La vitrine ne peut pas cacher les fissures du mur. Et ce que l’on ne règle pas avant 2030… explosera pendant ou après.
Des solutions connues mais peu appliquées
Les solutions sont là. Le rapport le rappelle : 80 % des sondés placent la famille comme pilier fondamental de l’éducation au respect, suivie de l’école (près de 60 %), puis de la loi. Le problème est donc moins une question d’ignorance que de volonté politique et sociale d’application.
Où sont les campagnes nationales de lutte contre le harcèlement ? Où sont les affiches, les messages à la télévision, les applications pour signaler les agressions ? Où sont les jugements exemplaires ? Et surtout : où sont les hommes solidaires, dans la rue, dans le bus, dans les files d’attente ?
Où sont les campagnes nationales de lutte contre le harcèlement ? Où sont les affiches, les messages à la télévision, les applications pour signaler les agressions ? Où sont les jugements exemplaires ? Et surtout : où sont les hommes solidaires, dans la rue, dans le bus, dans les files d’attente ?
Repenser l’espace public comme bien commun
Il ne s’agit pas ici de plaider pour un espace “féminisé”, mais pour un espace sécurisé, inclusif, respectueux des libertés de chacun. Cela suppose un travail long, profond, quotidien : changer les regards, les mots, les gestes… et les silences.
Une société où la moitié de la population vit dans l’auto-censure, l’autoprotection et la crainte de l’espace public est une société en déséquilibre. La modernité, ce n’est pas seulement le tramway ou le Wi-Fi gratuit. C’est le droit, pour une femme, de s’asseoir seule sur un banc, de rire sans peur dans un bus, de se promener en jupe sans être suivie.
Une société où la moitié de la population vit dans l’auto-censure, l’autoprotection et la crainte de l’espace public est une société en déséquilibre. La modernité, ce n’est pas seulement le tramway ou le Wi-Fi gratuit. C’est le droit, pour une femme, de s’asseoir seule sur un banc, de rire sans peur dans un bus, de se promener en jupe sans être suivie.
Dossier IMAG du mois de Juillet 2025 : Le Civisme au Maroc
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