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Logement : le paradoxe marocain, progrès visibles, retards insoupçonnés et urbanisme en souffrance

La ministère annonce 76 milliards de dirhams d’investissements, mais le déficit reste


Rédigé par La rédaction le Vendredi 17 Octobre 2025

Le bilan décennal du secteur de l’habitat et de l’urbanisme, présenté devant la Chambre des conseillers par la ministre Fatima Ezzahra El Mansouri, révèle deux visages : celui d’un investissement massif – 475 conventions pour 76 milliards de dirhams – et celui d’un ensemble de retards persistants, notamment en zone rurale ou dans la planification urbaine. Le moment est venu de s’interroger : ces réalisations suffisent-elles à répondre aux aspirations des Marocains ? Et surtout, quand la planification suit-elle vraiment ?



​Le bon côté des choses : chiffres et avancées

Il faut d’abord saluer l’effort. Sur dix ans, 475 conventions ont été signées pour un montant total de 76 milliards de dirhams, dont 21 milliards financés directement par le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville.

Grâce à cette mobilisation : Le déficit en logements est passé de 326 000 unités fin 2021 à 270 000 fin 2024.

Plus de 68 000 ménages ont déjà bénéficié du programme d’aide directe lancé en 2024. Parmi eux, les jeunes représentent 63 % des bénéficiaires, et près de la moitié de ceux-ci sont des femmes. Les subventions versées atteignent 3 milliards de dirhams pour une valeur totale de logements de 15,5 milliards.

Le programme « Villes sans bidonvilles » a permis d’améliorer les conditions de vie de 370 000 familles dans 62 villes, avec un investissement de 63,7 milliards de dirhams. Le rythme annuel des relogements a triplé depuis 2022 : il est passé de 6 200 à 18 000 ménages relogés.

Ces résultats sont encourageants. Pour une jeune génération marocaine (24-54 ans), souvent soucieuse d’avoir un toit, une stabilité, un cadre de vie digne, ces chiffres donnent matière à espoir. On peut dire qu’une dynamique est lancée : l’État a mis les moyens, les programmes sont là, un vrai changement est en cours.

Le revers de la médaille : lacunes, retards, zones d’ombre

Mais et c’est important de le souligner tout n’est pas rose. On dénote des zones de fragilité, voire de malaise.

Le logement rural qui tarde à décoller

Par exemple, le logement rural. Le bilan note qu’à peine 1 347 unités ont été construites en six ans. C’est peu, très peu. Certes, le nouveau dispositif d’aide directe en zone rurale a déjà bénéficié à 4 000 ménages (soit trois fois plus que l’ancien), et Al Omrane a été chargée de construire près de 3 000 logements dans 49 centres ruraux. Mais globalement, l’écart s’élargit entre les zones urbaines et rurales.

La planification urbaine toujours en souffrance

Plus grave peut-être : la planification urbaine rame. Sur 1 350 plans élaborés, seuls 405 ont été approuvés. Pourquoi ce blocage ? La ministre a pointé du doigt « la lourdeur administrative et le chevauchement des compétences ». Cela signifie que même avec les programmes les plus ambitieux, sans planification de fond, sans gouvernance claire, le territoire risque de se développer de manière désordonnée. Ceci heurte la logique d’équité territoriale, de cohésion nationale, de bonne gouvernance.

Une offre immobilière en tension

D’autres données à jour (en dehors du bilan ministériel) montrent que sur le marché immobilier résidentiel, en 2024 la demande a bondi de 15 % ou plus, particulièrement pour les appartements (+17 %) alors que l’offre se contractait (-10 % à -20 % selon les zones). 

Cette tension crée une pression sur les prix-loyers, ce qui pose un problème d’accessibilité pour les ménages moyens – ce à quoi l’État prétend pourtant.

Le décalage entre investissement et vie quotidienne

Curieusement, alors que les chiffres d’investissements sont massifs, certains habitants perçoivent encore « un chantier sans fin ». À titre personnel, un ami architecte à Rabat me rapportait que dans plusieurs quartiers périphériques, les infrastructures de base (voirie, ramassage des déchets, transport) ne suivent pas le rythme des programmes de logement. Construire est une chose, aménager le cadre de vie en est une autre. Et l’on voit là que l’habitat ne se réduit pas à un logement mètre carré, mais bien à la qualité de vie globale.

​Pourquoi ces retards ? Trois causes majeures

1. Gouvernance et coordination : Quand trop d’acteurs interviennent, chacun sa compétence, cela engendre des conflits, des délais, des blocages. Le ministère le reconnaît. L’enchevêtrement des compétences ralentit l’approbation des plans urbains.

2. Budget & priorisation : Même avec 21 milliards financés directement, les besoins sont gigantesques. Le marché immobilier montre que la demande explose, l’offre se réduit. Les moyens publics seuls peuvent ne pas suffire. Il faut donc prioriser mieux encore.

3. Vision territoriale et rural-urbain : Le Maroc est un pays aux contrastes : zones urbaines modernes, zones rurales en attente. Si l’on ne rattrape pas le retard rural – où le nombre de logements bâtis reste très modeste – on creuse l’inégalité territoriale, ce qui heurte la cohésion nationale.

L’espace pour l’espérance : pistes et leviers à activer

Malgré les critiques, on n’est pas là pour affadir. Au contraire, il s’agit de proposer des pistes constructives.

Renforcer la planification : Il faut accélérer l’approbation des plans urbains, clarifier les compétences, simplifier les procédures. La loi 64/23 qui prévoit la création de 12 agences urbaines régionales est un signal dans ce sens. 

Accélérer l’investissement rural et périurbain : Le nouveau dispositif d’aide directe puis la construction dans les centres ruraux doivent monter en puissance. Une cible pourrait être d’atteindre non plus quelques milliers mais des dizaines de milliers de logements ruraux par an.

Assurer la qualité de vie et l’éco-aménagement : Chaque logement doit s’accompagner d’infrastructures, de transport, de services. L’enjeu de la « ville durable » et de l’« équité foncière » doit sortir des discours et infuser dans les pratiques. 

Favoriser l’innovation et l’investissement privé responsable : Le secteur privé peut jouer un rôle, mais dans une logique de responsabilité sociale, de qualité, d’intégration.

Améliorer la transparence et l’évaluation indépendante : Un bilan clair, avec des indicateurs publics, une participation citoyenne, permettrait de renforcer la confiance.

un chemin engagé… mais pas encore achevé

Le secteur de l’habitat et de l’urbanisme au Maroc avance. On peut dire que le gouvernement, la monarchie constitutionnelle, les institutions publiques ont engagé le virage : investissement élevé, programmes sociaux ciblés, discours de renouvellement. Ce bon côté ne doit pas être nié.

Cependant, à l’épreuve du terrain, des déséquilibres apparaissent : l’urbain avance plus vite que le rural, la planification est en retard, la qualité de vie ne suit pas toujours. Dans une optique de durabilité, d’égalité des chances, de cohésion nationale, principes chers aux Marocains, ces lacunes posent question.

Aux marocains de 24 à 54 ans, qui aspirent à un Maroc moderne, où chacun a une chance, un logement digne, des perspectives, je dirais : oui, il y a de quoi espérer. Mais attention : l’espoir ne suffit pas. Il faut la vigilance, l’engagement, l’exigence. La transformation de l’habitat doit s’accompagner d’un urbanisme de qualité, d’un cadre de vie confortable, d’une société inclusive.

Le pari n’est pas gagné, mais il est encore à portée. Et c’est à nous, citoyens, acteurs, décideurs, générations montantes, de veiller à ce que la promesse d’un logement pour tous et d’un territoire équilibré ne reste pas un chiffre admirable, mais devienne une réalité tangible.

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Vendredi 17 Octobre 2025

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