Le 31 octobre 2025, l’ambassadeur du Maroc en Chine signait l’adhésion du Royaume à l'Organisation Internationale pour la Médiation (IOMed), marquant l'engagement à promouvoir la médiation à l'échelle internationale.
Cette décision, qui témoigne de l'intérêt croissant du Royaume pour la médiation internationale, s'inscrit dans nombre d'initiatives visant à renforcer l'attractivité du Maroc pour les investisseurs étrangers, et encourager le recours aux modes amiables de règlement des différends.
C’est dans ce contexte que s'inscrit la conférence « Pratique de la médiation – regards croisés France-Maroc », organisée le 3 novembre 2025 par le Centre de Médiation pour l'Entreprise (CME) de la Chambre française de Commerce et d'Industrie du Maroc (CFCIM), en partenariat avec l'Association Franco-Marocaine des Avocats d'Affaires (AFMAA) et le Centre de Médiation et d'Arbitrage de Paris (CMAP).
Cet évènement a mis en lumière les opportunités et les défis du recours à la médiation en tant que règlement amiable des différends, en soulignant le rôle stratégique de cette pratique dans l'attractivité des investissements étrangers et la gestion des conflits. L’occasion de mettre en présence les pratiques de la médiation au Maroc et en France.
Principes de la médiation
La médiation est un processus de résolution amiable des différends, dont l’objectif est d’aider des parties en conflit à parvenir à une solution négociée mettant fin au litige, par l’intervention d’un tiers indépendant et impartial, le « médiateur ». Celui-ci n’a pas vocation à trancher le litige, mais à faciliter et permettre les négociations entre les parties, afin de les aider à trouver une solution concertée à leur différend. Le médiateur n’est donc ni un juge, ni un arbitre.
La médiation peut être judiciaire, conventionnelle ou institutionnelle :
- judiciaire, lorsque les parties à un procès demandent à une juridiction la désignation d’un médiateur, ou qu’elle est ordonnée à l’initiative de la juridiction ;
- conventionnelle, lorsque les parties à un litige décident de recourir à ce cadre d’échanges entre elles, sans avoir saisi la justice, ou dans le prolongement d’une médiation judiciaire ;
- institutionnelle, lors d’une intervention sous mandat de l'État, avec des missions encadrées par des textes officiels.
Des convergences et différences dans les pratiques franco-marocaines de la médiation
Les deux pays présentent des similitudes et des nuances dans leur approche de la médiation. Au Maroc comme en France, les magistrats peuvent orienter les parties vers la médiation ou la conciliation. Toutefois, l'accord final issu de la médiation au Maroc a une valeur juridique particulière ; il doit être formalisé par un protocole d'accord transactionnel, avec une force obligatoire et une possibilité d’exequatur devant les tribunaux.
En France, bien que les parties soient libres de rédiger et de signer l'accord, celui-ci ne revêt pas la même force contraignante ; les parties peuvent décider ou non de faire homologuer leur accord par un juge.
La médiation conventionnelle, un atout pour l'attractivité économique du Maroc
La médiation joue un rôle clef dans la stratégie d'attractivité des pays, à l’instar du Maroc où le gouvernement a mis en place plusieurs réformes législatives depuis 2007 pour encourager l'adoption des modes amiables de règlement des conflits. Cette pratique s’impose comme un levier efficace pour les entreprises étrangères, notamment françaises, présentes au Maroc. Les deux pays partagent un cadre et une pratique proches, ce qui facilite le dialogue et la recherche d’accords équilibrés.
En ce sens, le Maroc a attribué au wali de région le pouvoir de faciliter la négociation entre les entreprises étrangères et les administrations, favorisant un climat d'investissement plus serein. Ces réformes visent à modérer les tensions et offrir des solutions rapides, évitant les délais du système judiciaire traditionnel.
Face à l’arbitrage international, la médiation se distingue par sa souplesse et la maîtrise de ses coûts. Les parties conservent la main sur l’issue du litige, sans s’enliser dans d’éventuels débats de compétence ou de droit applicable. Là où un litige judiciaire peut durer des années, la médiation permet d’avancer rapidement en contournant les délais des systèmes traditionnels et en privilégiant une issue négociée.
Un recours limité à la médiation conventionnelle, une médiation institutionnelle bien établie
Malgré ces avancées, le recours à la médiation reste peu développé, du fait d'une méconnaissance du processus par les parties prenantes. En France comme au Maroc, son recours est encore limité par manque de culture de la résolution amiable des différends, particulièrement pour les parties qui préfèrent se tourner vers les tribunaux en raison de leur familiarité avec le système judiciaire.
Alors que la médiation conventionnelle peine à s’imposer, la médiation institutionnelle s’est en revanche ancrée dans les pratiques des deux pays. En France, celle-ci émane d’organismes et institutions variés tels que :
- le Défenseur des droits, qui a succédé au Médiateur de la République ;
- les Médiateurs des collectivités territoriales, pour renouer le dialogue entre les administrés – particuliers ou entreprises – et les communes, départements, régions et/ou établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
- les Médiateurs Régionaux de France Travail (anciennement Pôle Emploi), le Médiateur administratif de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF)…
Au Maroc également, la médiation institutionnelle a connu un essor notable à travers :
- le Médiateur du Royaume, institution constitutionnelle de protection et de promotion des droits de l’Homme ;
- « Ombudsman », l’organe de médiation de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) ;
- le Centre Marocain de la Médiation Bancaire (CMMB) créé sous la supervision de Bank Al-Maghrib (BAM).
Le rôle-clef des avocats
L'idée de rendre la médiation obligatoire dans certains domaines, afin de favoriser l’essor de ce règlement des différends, reste difficile à concilier avec l'esprit de la médiation qui repose sur l'accord des parties. Ainsi, le médiateur n'a pas de réel pouvoir décisionnaire ; il facilite le dialogue pour restaurer la possibilité de négocier entre les parties.
Le rôle de l’avocat est ici essentiel ; il accompagne son client, participe activement aux échanges avec l’autre partie et soutient le médiateur dans le processus. En ce sens, la médiation ne doit pas être perçue comme une alternative aux procédures judiciaires, mais comme un complément à même de préserver les relations entre les parties, tout en garantissant des solutions adaptées aux spécificités de chaque affaire.
En conclusion, bien que la médiation en France et au Maroc présente des divergences dans ses modalités et son exécution, elle demeure un outil stratégique pour résoudre les conflits à l’amiable et préserver les relations entre les parties. Pour les entreprises, particulièrement celles en quête de nouveaux marchés comme au Maroc, la médiation se révèle un levier efficace pour optimiser les solutions de règlement des différends, tout en renforçant l'attractivité économique développée par l’Etat.
La médiation agit aujourd’hui comme un véritable pont entre le Maroc et la France, favorisant une convergence des pratiques et une synergie entre les acteurs économiques et juridiques des deux pays. Dans cette perspective, le Centre de Médiation pour l’Entreprise (CME) forme et accompagne les médiateurs pour cette dynamique commune, qui incarne l’ambition de professionnaliser la médiation et d’en faire un instrument partagé et durable.