Un pays à deux vitesses : chiffres à l’appui
Nizar Baraka, SG du Parti de l'Istiqlal, ouvre par ce qu’il appelle « un constat implacable ». Les écarts demeurent criants entre villes et campagnes. Le taux de pauvreté multidimensionnelle atteint 13,1 % en milieu rural contre 3 % en urbain. Trois régions littorales génèrent près de 60 % du PIB, quand 40 % des Marocains vivent dans des zones ne produisant que 28 % de la richesse nationale. Sur le marché du travail, le T2-2025 a vu 113 000 emplois créés en zones urbaines tandis que 107 000 ont été perdus en zones rurales.
L’accès aux services de base illustre la même disparité : presque 100 % des ménages urbains raccordés à l’eau potable du réseau, moins de 50 % en rural ; 6,8 % de ménages urbains sans Internet, contre 22 % en rural.
Inégalités sociales et jeunesse en tension
Le SG de l’Istiqlal insiste sur une « fracture multidimensionnelle ». L’indice de Gini a augmenté, 40,5 % en 2022 contre 38,5 % en 2019. Le chômage des jeunes est qualifié de « bombe sociale » : 35,8 % pour les 15–24 ans, 21,9 % pour les 25–34 ans ; 19,9 % chez les femmes et 19 % chez les diplômés. Il rappelle aussi la masse des NEET (ni en emploi, études ou formation) : 1,5 million de jeunes, 58 % en zones rurales et 72 % de femmes. « Ce Maroc-là ne peut pas continuer », résume-t-il.
Éducation et santé : cartes inégales, destins divergents
Côté éducation, les 25 ans et plus cumulent des trajectoires dissemblables : 7,9 années de scolarité moyenne en ville contre 3,2 en rural. 46,9 % des urbains ont au moins le secondaire collégial, contre 15,3 % en rural. L’analphabétisme frappe 38 % en rural (contre 17,3 % en urbain) et 34,4 % des femmes. La santé raconte la même histoire : 13,45 médecins pour 10 000 habitants à Rabat–Salé–Kénitra contre 2,92 à Drâa–Tafilalet ; 96 % des accouchements en structure médicalisée en ville contre moins de 75 % en rural. « La naissance ne doit plus décider du destin », martèle Baraka.
Trente ans d’efforts… et des avancées réelles
Sans nier les progrès, Baraka replace ces écarts dans le temps long. Depuis 1995, des politiques structurantes ont amélioré la vie de millions de Marocains. L’INDH a abaissé la pauvreté multidimensionnelle à 6,8 % en 2024 (contre 11,9 % en 2014), avec une chute du taux de pauvreté de 27,8 % à 15,5 % dans 702 communes rurales ciblées et la généralisation du préscolaire passée de 43 % (2015) à 83 % (2025) ; le Maroc intègre ainsi en 2025 la catégorie des pays à développement humain élevé. Le PAGER a porté l’accès à l’eau en rural de 14 % (1995) à 98 % (2024). Les PNRR 1 & 2 ont désenclavé 3 millions de ruraux pour 29 500 km réalisés. Le PERG a mené à une quasi-électrification universelle (18 % → 99,9 %, 13 millions de bénéficiaires, 25,3 Mds DH investis). Le PRDTS a mobilisé 50 Mds DH (2013–2024). L’ANDZOA a soutenu +123 871 emplois (2013–2022) et l’accès à l’eau dans les zones oasiennes (79,7 % → 95,9 %). Le PDRZM a réduit la pauvreté de 18 % et accru les revenus de 24 % pour 385 000 bénéficiaires (2015–2024). « Des avancées considérables, mais l’équité reste à parfaire », résume-t-il.
Protection sociale : vers la dignité par la couverture universelle
Le chef istiqlalien salue une bascule majeure : la généralisation de l’AMO. Plus de 32 millions de bénéficiaires, soit 88 % de la population, sont désormais couverts. À l’intérieur de cet édifice, l’AMO-Tadamon regroupe 11 millions de personnes en situation de précarité, et l’AMO des travailleurs non-salariés (CHAMIL) concerne environ 4 millions de bénéficiaires. Pour Baraka, la protection sociale doit cesser d’être un simple « transfert » et devenir un levier de transformation, garantissant une sortie durable de la pauvreté et promouvant la dignité et l’autonomie.
La boussole : « Pas de Maroc à deux vitesses »
Baraka ancre son propos dans la vision royale. Il cite le discours du 29 juillet 2025 : « Il n’y a de place ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses ». L’objectif, rappelle-t-il, est que « dans quelque région que ce soit, les fruits du progrès profitent à tous ». D’où l’urgence d’une exécution « juste et partagée » : le défi n’est plus la vision, mais la mise en œuvre sur l’ensemble du territoire.
Huit axes pour un Maroc à une seule vitesse
1) Refonder l’architecture territoriale et la gouvernance
Redimensionner les collectivités, décentraliser effectivement, professionnaliser la gestion locale, garantir transparence et reddition des comptes. Baraka propose des contrats de convergence territoriale entre Régions, Provinces et Communes pour synchroniser l’action publique et aligner financements, objectifs et résultats.
2) Des programmes intégrés de développement rural
Mettre en place une offre territoriale intégrée, ciblée et mobile de services publics de proximité. Renforcer l’accès équitable à la santé, l’éducation, l’eau, l’assainissement et la mobilité ; accélérer la numérisation des services et l’inclusion digitale pour réduire la distance au service public.
3) Diversifier l’économie des campagnes
Adapter l’agriculture au climat, mais surtout sortir du tout-agricole : créer des zones d’activité de proximité (ZAP), développer l’emploi public local, former au e-commerce rural, soutenir l’entrepreneuriat, lancer des appels à projets territoriaux avec prime à l’emploi féminin et jeune, encourager le volontariat numérique et civique rémunéré, favoriser télétravail et micro-services numériques.
4) Protection sociale : du transfert à la transformation
Objectif : zéro retour à la pauvreté après aide. « L’aide doit devenir un tremplin, non une béquille », insiste Baraka, plaidant pour des capacités locales renforcées et un passage du « droit à l’aide » au droit à la dignité et à la capacité.
5) Un Maroc polycentrique et interconnecté
Territorialiser les grandes transitions — énergie, industrie, numérique — en les arrimant à une architecture de corridors de cohésion. Chaque région doit se structurer autour d’un pôle de développement, appuyé par des sous-pôles provinciaux pour devenir de véritables « cœurs » de dynamisme local.
6) L’emploi comme pivot et indicateur
Faire de l’emploi un vecteur de dignité et de citoyenneté, mais aussi un indicateur de réussite territoriale : pilotage fin, gouvernance dédiée, articulation entre transitions économiques et sociales afin que chaque projet se mesure à l’aune des opportunités créées localement.
7) Jeunesse et femmes, moteurs du changement
Déployer une économie productive et solidaire (entrepreneuriat vert, digital, social), accélérer la transformation numérique des services et l’animation civique, promouvoir un leadership territorial et culturel des jeunes et des femmes comme acteurs du changement sur le terrain.
8) Un pacte moral et civique
Ancrer une éthique partagée : confiance, responsabilité, dignité, égalité des chances, non-discrimination, participation citoyenne, solidarité active, travail et mérite, démocratie sociale et dialogue. Ce pacte doit cimenter l’action publique et la coopération entre État, collectivités, entreprises et société civile.
Exécution, reddition des comptes et simultanéité des progrès
Au-delà des principes, Baraka insiste sur la simultanéité des progrès : pas de success story isolée, mais une montée en gamme coordonnée. L’État stratège fixe les caps et les standards ; la Région arbitre et contractualise ; la Commune exécute et rend des comptes. « On ne demande pas l’impossible à tous, mais le possible à chacun, en même temps », résume-t-il. C’est le sens de la redevabilité qu’il appelle de ses vœux, avec des objectifs lisibles par le citoyen : emplois créés, accès à l’eau, à l’école, au soin, au numérique — dans chaque province.
L’accès aux services de base illustre la même disparité : presque 100 % des ménages urbains raccordés à l’eau potable du réseau, moins de 50 % en rural ; 6,8 % de ménages urbains sans Internet, contre 22 % en rural.
Inégalités sociales et jeunesse en tension
Le SG de l’Istiqlal insiste sur une « fracture multidimensionnelle ». L’indice de Gini a augmenté, 40,5 % en 2022 contre 38,5 % en 2019. Le chômage des jeunes est qualifié de « bombe sociale » : 35,8 % pour les 15–24 ans, 21,9 % pour les 25–34 ans ; 19,9 % chez les femmes et 19 % chez les diplômés. Il rappelle aussi la masse des NEET (ni en emploi, études ou formation) : 1,5 million de jeunes, 58 % en zones rurales et 72 % de femmes. « Ce Maroc-là ne peut pas continuer », résume-t-il.
Éducation et santé : cartes inégales, destins divergents
Côté éducation, les 25 ans et plus cumulent des trajectoires dissemblables : 7,9 années de scolarité moyenne en ville contre 3,2 en rural. 46,9 % des urbains ont au moins le secondaire collégial, contre 15,3 % en rural. L’analphabétisme frappe 38 % en rural (contre 17,3 % en urbain) et 34,4 % des femmes. La santé raconte la même histoire : 13,45 médecins pour 10 000 habitants à Rabat–Salé–Kénitra contre 2,92 à Drâa–Tafilalet ; 96 % des accouchements en structure médicalisée en ville contre moins de 75 % en rural. « La naissance ne doit plus décider du destin », martèle Baraka.
Trente ans d’efforts… et des avancées réelles
Sans nier les progrès, Baraka replace ces écarts dans le temps long. Depuis 1995, des politiques structurantes ont amélioré la vie de millions de Marocains. L’INDH a abaissé la pauvreté multidimensionnelle à 6,8 % en 2024 (contre 11,9 % en 2014), avec une chute du taux de pauvreté de 27,8 % à 15,5 % dans 702 communes rurales ciblées et la généralisation du préscolaire passée de 43 % (2015) à 83 % (2025) ; le Maroc intègre ainsi en 2025 la catégorie des pays à développement humain élevé. Le PAGER a porté l’accès à l’eau en rural de 14 % (1995) à 98 % (2024). Les PNRR 1 & 2 ont désenclavé 3 millions de ruraux pour 29 500 km réalisés. Le PERG a mené à une quasi-électrification universelle (18 % → 99,9 %, 13 millions de bénéficiaires, 25,3 Mds DH investis). Le PRDTS a mobilisé 50 Mds DH (2013–2024). L’ANDZOA a soutenu +123 871 emplois (2013–2022) et l’accès à l’eau dans les zones oasiennes (79,7 % → 95,9 %). Le PDRZM a réduit la pauvreté de 18 % et accru les revenus de 24 % pour 385 000 bénéficiaires (2015–2024). « Des avancées considérables, mais l’équité reste à parfaire », résume-t-il.
Protection sociale : vers la dignité par la couverture universelle
Le chef istiqlalien salue une bascule majeure : la généralisation de l’AMO. Plus de 32 millions de bénéficiaires, soit 88 % de la population, sont désormais couverts. À l’intérieur de cet édifice, l’AMO-Tadamon regroupe 11 millions de personnes en situation de précarité, et l’AMO des travailleurs non-salariés (CHAMIL) concerne environ 4 millions de bénéficiaires. Pour Baraka, la protection sociale doit cesser d’être un simple « transfert » et devenir un levier de transformation, garantissant une sortie durable de la pauvreté et promouvant la dignité et l’autonomie.
La boussole : « Pas de Maroc à deux vitesses »
Baraka ancre son propos dans la vision royale. Il cite le discours du 29 juillet 2025 : « Il n’y a de place ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses ». L’objectif, rappelle-t-il, est que « dans quelque région que ce soit, les fruits du progrès profitent à tous ». D’où l’urgence d’une exécution « juste et partagée » : le défi n’est plus la vision, mais la mise en œuvre sur l’ensemble du territoire.
Huit axes pour un Maroc à une seule vitesse
1) Refonder l’architecture territoriale et la gouvernance
Redimensionner les collectivités, décentraliser effectivement, professionnaliser la gestion locale, garantir transparence et reddition des comptes. Baraka propose des contrats de convergence territoriale entre Régions, Provinces et Communes pour synchroniser l’action publique et aligner financements, objectifs et résultats.
2) Des programmes intégrés de développement rural
Mettre en place une offre territoriale intégrée, ciblée et mobile de services publics de proximité. Renforcer l’accès équitable à la santé, l’éducation, l’eau, l’assainissement et la mobilité ; accélérer la numérisation des services et l’inclusion digitale pour réduire la distance au service public.
3) Diversifier l’économie des campagnes
Adapter l’agriculture au climat, mais surtout sortir du tout-agricole : créer des zones d’activité de proximité (ZAP), développer l’emploi public local, former au e-commerce rural, soutenir l’entrepreneuriat, lancer des appels à projets territoriaux avec prime à l’emploi féminin et jeune, encourager le volontariat numérique et civique rémunéré, favoriser télétravail et micro-services numériques.
4) Protection sociale : du transfert à la transformation
Objectif : zéro retour à la pauvreté après aide. « L’aide doit devenir un tremplin, non une béquille », insiste Baraka, plaidant pour des capacités locales renforcées et un passage du « droit à l’aide » au droit à la dignité et à la capacité.
5) Un Maroc polycentrique et interconnecté
Territorialiser les grandes transitions — énergie, industrie, numérique — en les arrimant à une architecture de corridors de cohésion. Chaque région doit se structurer autour d’un pôle de développement, appuyé par des sous-pôles provinciaux pour devenir de véritables « cœurs » de dynamisme local.
6) L’emploi comme pivot et indicateur
Faire de l’emploi un vecteur de dignité et de citoyenneté, mais aussi un indicateur de réussite territoriale : pilotage fin, gouvernance dédiée, articulation entre transitions économiques et sociales afin que chaque projet se mesure à l’aune des opportunités créées localement.
7) Jeunesse et femmes, moteurs du changement
Déployer une économie productive et solidaire (entrepreneuriat vert, digital, social), accélérer la transformation numérique des services et l’animation civique, promouvoir un leadership territorial et culturel des jeunes et des femmes comme acteurs du changement sur le terrain.
8) Un pacte moral et civique
Ancrer une éthique partagée : confiance, responsabilité, dignité, égalité des chances, non-discrimination, participation citoyenne, solidarité active, travail et mérite, démocratie sociale et dialogue. Ce pacte doit cimenter l’action publique et la coopération entre État, collectivités, entreprises et société civile.
Exécution, reddition des comptes et simultanéité des progrès
Au-delà des principes, Baraka insiste sur la simultanéité des progrès : pas de success story isolée, mais une montée en gamme coordonnée. L’État stratège fixe les caps et les standards ; la Région arbitre et contractualise ; la Commune exécute et rend des comptes. « On ne demande pas l’impossible à tous, mais le possible à chacun, en même temps », résume-t-il. C’est le sens de la redevabilité qu’il appelle de ses vœux, avec des objectifs lisibles par le citoyen : emplois créés, accès à l’eau, à l’école, au soin, au numérique — dans chaque province.
« Avancer ensemble »
En conclusion, Nizar Baraka fixe une ligne claire : agir avec équité et efficacité, libérer chaque potentiel pour que la naissance ou le genre n’imposent plus un destin, et avancer ensemble grâce à la simultanéité, la solidarité et la redevabilité.
Le pays dispose, dit-il, de la vision et d’un corpus de politiques éprouvées ; la prochaine étape est l’exécution juste sur tout le territoire. « De fait, il n’y a pas de place pour un Maroc à deux vitesses », répète-t-il en écho à la boussole royale. C’est la condition d’un Maroc uni, équitable et inclusif — à une seule vitesse.
Le pays dispose, dit-il, de la vision et d’un corpus de politiques éprouvées ; la prochaine étape est l’exécution juste sur tout le territoire. « De fait, il n’y a pas de place pour un Maroc à deux vitesses », répète-t-il en écho à la boussole royale. C’est la condition d’un Maroc uni, équitable et inclusif — à une seule vitesse.












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