Quand le Plan Maroc Vert nourrit l’agrobusiness et assèche l’agriculture familiale
Lorsqu’en 2008 le Plan Maroc Vert (PMV) est lancé en grande pompe, il ambitionne de faire du Maroc un modèle d’agriculture moderne, productive, et inclusive. Doté d’une vision duale – une agriculture à haute valeur ajoutée d’un côté (pilier I), une agriculture solidaire de l’autre (pilier II) – le PMV promet de concilier efficacité économique et justice sociale. Mais plus de dix ans après, les chiffres bruts dessinent un constat implacable : près de 99 milliards de dirhams ont été alloués au pilier I, contre à peine 14,5 milliards pour l’agriculture solidaire, pourtant censée soutenir 70 % des exploitations agricoles du pays.
Derrière ces chiffres, une fracture structurelle s’est creusée entre les grands exploitants intégrés aux filières d’exportation – fruits rouges, agrumes, oléagineux – et les petits agriculteurs familiaux, majoritairement situés en zones bour, qui peinent encore à vivre de leur terre.
Des moyens disproportionnés, des résultats contrastés
Ce déséquilibre d’investissement ne s’est pas seulement traduit par une inégalité budgétaire. Il a aussi généré une asymétrie dans les résultats : la grande agriculture, concentrée sur 3 % des exploitations, génère 32 % de la valeur ajoutée agricole, tandis que la petite agriculture, majoritaire en nombre, n’en produit que 29 %.
Le PMV a modernisé les filières d’export, amélioré la productivité et l’irrigation des grandes exploitations, et attiré les investisseurs. Mais sur les plateaux arides, les zones montagneuses, ou les villages enclavés, les agriculteurs familiaux ont surtout vu les promesses défiler. Ils sont restés à l’écart des crédits, mal encadrés techniquement, mal assurés contre les aléas climatiques, et étranglés par les intermédiaires au moment de vendre leurs maigres excédents.
L’agriculture solidaire, un alibi plus qu’un levier ?
Le second pilier du PMV, dédié à l’agriculture solidaire, était censé porter la transformation des petits exploitants : structuration en coopératives, diversification des cultures, amélioration des rendements. Mais la réalité du terrain montre que ce pilier a surtout servi de vitrine sociale à un programme qui n’a pas remis en question les rapports de force dans le monde agricole.
Selon le rapport du CESE (2024), l’essentiel des projets de l’agriculture solidaire sont restés de faible envergure, avec peu d’effets durables sur les revenus ou les conditions de vie des petits producteurs. Leurs demandes prioritaires – accès à l’eau, au foncier sécurisé, aux marchés de proximité – n’ont pas été traitées à la hauteur des besoins.
Et maintenant ? L’épreuve de vérité pour “Génération Green”
La stratégie "Génération Green 2020-2030" devait corriger les lacunes du PMV en plaçant le capital humain au cœur du projet agricole. Mais les constats d’inégalités persistent. Si les grands continuent à bénéficier des subventions, des infrastructures et des crédits, les petits attendent toujours un plan véritablement adapté à leurs réalités.
Le CESE appelle à une rupture stratégique : plus de moyens pour les petites exploitations, plus de formation, plus de structuration, et un rééquilibrage des priorités budgétaires. Car l’avenir de la souveraineté alimentaire, de la cohésion sociale rurale et de la lutte contre la désertification passe par les 70 % d’exploitations agricoles qui peinent aujourd’hui à survivre.
Accuser le Plan Maroc Vert de tous les maux serait injuste. Il a permis d’éviter l’insécurité alimentaire, de positionner le Maroc dans certaines filières mondiales et de moderniser l’agriculture. Mais à force de miser sur la performance économique immédiate, il a négligé l’inclusion sociale. Or, un champ sans agriculteur n’est qu’un désert potentiel. La question n’est donc pas de rejeter le PMV, mais de reconnaître qu’il a produit des résultats très inégaux, et que la réparation de cette injustice sociale est la vraie urgence de la décennie à venir.
Derrière ces chiffres, une fracture structurelle s’est creusée entre les grands exploitants intégrés aux filières d’exportation – fruits rouges, agrumes, oléagineux – et les petits agriculteurs familiaux, majoritairement situés en zones bour, qui peinent encore à vivre de leur terre.
Des moyens disproportionnés, des résultats contrastés
Ce déséquilibre d’investissement ne s’est pas seulement traduit par une inégalité budgétaire. Il a aussi généré une asymétrie dans les résultats : la grande agriculture, concentrée sur 3 % des exploitations, génère 32 % de la valeur ajoutée agricole, tandis que la petite agriculture, majoritaire en nombre, n’en produit que 29 %.
Le PMV a modernisé les filières d’export, amélioré la productivité et l’irrigation des grandes exploitations, et attiré les investisseurs. Mais sur les plateaux arides, les zones montagneuses, ou les villages enclavés, les agriculteurs familiaux ont surtout vu les promesses défiler. Ils sont restés à l’écart des crédits, mal encadrés techniquement, mal assurés contre les aléas climatiques, et étranglés par les intermédiaires au moment de vendre leurs maigres excédents.
L’agriculture solidaire, un alibi plus qu’un levier ?
Le second pilier du PMV, dédié à l’agriculture solidaire, était censé porter la transformation des petits exploitants : structuration en coopératives, diversification des cultures, amélioration des rendements. Mais la réalité du terrain montre que ce pilier a surtout servi de vitrine sociale à un programme qui n’a pas remis en question les rapports de force dans le monde agricole.
Selon le rapport du CESE (2024), l’essentiel des projets de l’agriculture solidaire sont restés de faible envergure, avec peu d’effets durables sur les revenus ou les conditions de vie des petits producteurs. Leurs demandes prioritaires – accès à l’eau, au foncier sécurisé, aux marchés de proximité – n’ont pas été traitées à la hauteur des besoins.
Et maintenant ? L’épreuve de vérité pour “Génération Green”
La stratégie "Génération Green 2020-2030" devait corriger les lacunes du PMV en plaçant le capital humain au cœur du projet agricole. Mais les constats d’inégalités persistent. Si les grands continuent à bénéficier des subventions, des infrastructures et des crédits, les petits attendent toujours un plan véritablement adapté à leurs réalités.
Le CESE appelle à une rupture stratégique : plus de moyens pour les petites exploitations, plus de formation, plus de structuration, et un rééquilibrage des priorités budgétaires. Car l’avenir de la souveraineté alimentaire, de la cohésion sociale rurale et de la lutte contre la désertification passe par les 70 % d’exploitations agricoles qui peinent aujourd’hui à survivre.
Accuser le Plan Maroc Vert de tous les maux serait injuste. Il a permis d’éviter l’insécurité alimentaire, de positionner le Maroc dans certaines filières mondiales et de moderniser l’agriculture. Mais à force de miser sur la performance économique immédiate, il a négligé l’inclusion sociale. Or, un champ sans agriculteur n’est qu’un désert potentiel. La question n’est donc pas de rejeter le PMV, mais de reconnaître qu’il a produit des résultats très inégaux, et que la réparation de cette injustice sociale est la vraie urgence de la décennie à venir.












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