Le cash reste dominant malgré les avancées numériques
Le constat posé par Bank Al-Maghrib est sans détour : le cash demeure le moyen de paiement dominant au Maroc. Cette prépondérance s’explique par des habitudes profondément ancrées, le poids de l’économie informelle et une méfiance persistante vis-à-vis du système fiscal. Si la demande de monnaie fiduciaire reste supérieure à son niveau d’avant la pandémie, l’année 2024 marque toutefois un infléchissement. La croissance de la circulation fiduciaire est restée positive, mais à un rythme plus modéré.
Cette évolution est en grande partie liée à l’opération exceptionnelle d’amnistie fiscale prévue par la loi de finances 2024 pour la régularisation des avoirs liquides détenus en espèces. Selon les données rapportées, cette mesure a permis le retour vers le circuit bancaire d’environ 37 milliards de dirhams, contribuant à absorber une part significative des billets en circulation. Un signal encourageant, mais encore insuffisant pour amorcer une rupture structurelle avec le cash.
Paiement mobile : une dynamique réelle, encore marginale dans l’usage quotidien
Dans ce contexte, le paiement mobile apparaît comme l’un des piliers de la Stratégie nationale des paiements présentée par Bank Al-Maghrib. Pourtant, son poids dans les transactions reste marginal. D’après le rapport, le paiement mobile ne représente qu’environ 0,1 % du volume total des transactions recensées. Un chiffre révélateur du fossé entre la disponibilité technologique et l’usage réel.
La banque centrale insiste sur la nécessité d’efforts coordonnés : communication renforcée, accompagnement des usagers et incitations ciblées pour encourager l’adhésion des commerçants comme des consommateurs. En 2024, des campagnes de sensibilisation ont ainsi été menées auprès du grand public afin de mieux faire connaître les avantages du paiement mobile et d’en simplifier l’appropriation. En parallèle, une étude interne approfondie a été conduite pour analyser les déterminants de l’usage du cash et comprendre les freins socioculturels qui ralentissent l’adoption des solutions digitales.
Réformes réglementaires et inclusion financière : l’État comme accélérateur
L’année 2024 a également été marquée par des évolutions réglementaires structurantes. Bank Al-Maghrib a introduit la décision n°244/W/2024, entrée en vigueur le 1er octobre 2024, fixant les frais d’interchange monétique domestique à 0,65 % de la valeur de la transaction. Cette mesure encadre strictement les commissions et interdit leur refacturation aux consommateurs, avec pour objectif de renforcer la transparence, stimuler la concurrence et favoriser l’innovation.
Ces ajustements ont accompagné la montée en puissance des paiements mobiles, notamment dans le cadre du programme des aides sociales directes. À fin 2024, le marché marocain compte 21 offres de M-Wallets, dont 12 émises par des établissements de paiement. L’encours des M-Wallets est passé de 10,4 millions fin 2023 à 13,7 millions fin 2024, porté par une hausse des souscriptions de près de 32 %. Le stock de comptes a atteint 13,8 millions, contre 10,3 millions en 2023 et 6,8 millions en 2022.
Le nombre de transactions via M-Wallets s’est établi à 19,7 millions en 2024, contre 9,7 millions l’année précédente, pour un montant total de 3,9 milliards de dirhams, principalement lié au versement des aides sociales directes. Les établissements de paiement concentrent 93 % des transactions et 86 % de leur valeur, confirmant leur rôle moteur dans l’inclusion financière.
À travers ces réformes et ces chiffres, Bank Al-Maghrib trace une trajectoire claire : réduire progressivement la dépendance au cash sans brusquer les équilibres sociaux. Le défi reste immense, mais les fondations d’un écosystème de paiement plus inclusif et plus moderne sont désormais posées.












L'accueil

















