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Perdus dans le désert du Sahara


Rédigé par le Mardi 6 Septembre 2022

Double jeu en triangulation, Paris-Rabat-Alger, Tunis-Rabat-Alger, au choix et à tarif réduit. Dessertes pour Washington, Moscou, Madrid, Rome et Berlin assurées. Pékin et Tel-Aviv en option.



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Toucher à l’affaire du Sahara… et s’intoxiquer. C’est la situation dans laquelle s’est récemment empêtré le président tunisien, Kaïs Saied, lorsqu’il reçut, en grande pompe le 26 août à Tunis, le chef des polisariens, Brahim Ghali, à l’occasion du 8ème sommet Japon-Afrique.

Inversement, le président français, Emmanuel Macron, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de se prononcer clairement à ce sujet, se doit pourtant d’admettre que l’affaire du Sahara lui colle comme un chewing-gum à la semelle.

« C’est une histoire d’amour » entre Paris, Alger et Rabat, qui a, le plus ordinairement pour un couple à trois, « sa part de tragique », pour paraphraser le président français, Emmanuel Macron.

Aussi, quand Tunis, Washington, Madrid et Berlin viennent y ajouter leurs « touches » propres, les choses ne peuvent qu’en devenir encore plus compliquée.

Et, de manière moins médiatique mais non moins influente, Moscou et Tel-Aviv manœuvrent en Méditerranée occidentale au mieux de leurs intérêts, à la marge du « Grand jeu » géopolitique en cours sur l’échiquier eurasiatique.

Blanc ou noir ?

L’insistance de SM Le Roi Mohammed VI à distinguer les pays amis du Maroc de ceux qui ne le sont pas vraiment, en fonction du critère de la reconnaissance de la marocanité du Sahara, est venue jeter une lumière crue sur certaines zones d’ombre soigneusement entretenues par des chancelleries de quelques pays prétendument partenaires du royaume.

Donald Trump n’est plus le président des Etats-Unis, mais sa décision historique de reconnaître la marocanité du Sahara, le 10 décembre 2020, suscite jusqu’à présent pas mal de gêne pour toutes les capitales qui se complaisaient dans l’indécision.

Comme ménager la chèvre et le chou, de manière à continuer de manger à tous les râteliers, n’est point une politique avouable, tous les pays qui veulent éviter de se prononcer sur la marocanité du Sahara se cachent soit derrière l’Union africaine, soit les Nations Unies.

Descente aux enfers

Kaïs Saied, dirigeant populiste à tendance autoritaire, ne cesse d’enfoncer la Tunisie dans les difficultés par ses politiques à courte vue.

En s’accaparant l’essentiel des pouvoirs, le président tunisien doit maintenant assumer seul les piètres résultats économiques de son pays.

La dette publique de la Tunisie devrait atteindre les 40 milliards de dollars et représente quelques 100% du Pib. Le taux de chômage dépasse les 18% et celui de la pauvreté tourne autour de 3,4%.

« Les perspectives économiques de la Tunisie restent hautement incertaines », précise la Banque mondiale dans son rapport de situation économique, datant d’avril 2022.

Pour une poignée de dinars

L’Algérie, 5ème client et fournisseur de la Tunisie, compte également parmi ses créanciers. Alger a déjà prêté à Tunis 150 millions de dollars en 2020 et 300 millions en 2021.

Il serait question d’un autre décaissement de 200 millions de dollars, en contrepartie de l’accueil officiel du polisarien Brahim Ghali.

Par mauvais calcul, Kaïs Saied a oublié de tenir compte de l’excédent commercial que la Tunisie réalise avec le Maroc, les deux pays maghrébins étant liés par un accord de libre échange vieux de 23 ans.

Les exportations tunisiennes vers le royaume représentent, en effet, le double de ses importations.

Le rugissement du lion

L’autre erreur du président tunisien est de se mettre en porte à faux par rapport à un autre de ses partenaires, et non des moindre : les Etats-Unis.

Tunis et Washington ont signé un important accord de coopération militaire, en 2020, qui fait de ce pays maghrébin une base avancée pour les opérations militaires « spéciales » américaines en Libye.

Les manœuvres militaires maroco-américaines « African Lion » se sont déroulées, l’année dernière autant au Maroc qu’en Tunisie. Serait-il encore possible, après le faux pas de Kaïs Saied, de s’imaginer de nouveaux exercices en commun ?

« Mais en même temps… »

Le cas du président français est assez différent, sa vision des relations de la France avec le Maroc et l’Algérie s’inscrit plutôt dans le cadre plus large de la politique africaine de Paris et de la crise énergétique créée par la guerre en Ukraine. Sa stratégie à ses sujets est aussi limpide que sa fameuse formule : « Mais en même temps… ».

Emmanuel Macron a l’art de pourrir tout ce qu’il touche et les généraux d’Alger, celui de toujours récolter l’inverse des effets désirés de leurs manigances.

Mélanger les deux et secouer le tout dans un bain de foule du président français à Oran et vous obtenez un cocktail explosif (de rire ou de tristesse) : le chef d’Etat de l’ancienne puissance coloniale chaleureusement acclamé par des demandeurs d’excuses pour les crimes du colonialisme et de visas pour aller s’installer chez l’ancien oppresseur tellement honni.

Ça ne gaze plus

L’Algérie n’a pas, actuellement, les moyens d’extraire plus de gaz naturel pour pouvoir en exporter plus. Et Paris s’est déjà fait damer le pion par Rome depuis la conclusion de l’accord de hausse de fourniture de gaz algérien à l’Italie, en avril dernier.

La France est le 2ème client de l’Algérie derrière l’Italie, son 2ème fournisseur, derrière la Chine et le 3ème investisseur, derrière les Etats-Unis et l’Italie. Paris ne peut que constater, avec regrets, l’érosion de sa position dans son ancienne colonie.

Mais le comble de la cécité géopolitique du président Macron est révélé par le cafouillage de sa politique sahélienne.

L’ours dans le désert

Comment s’opposer à la présence des mercenaires russes de la société Wagner au Mali, tout en tentant de séduire le principal allié de Moscou dans la région ?

Quand Paris fait la moue suite à la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Washington, le principal argument avancé est la démarche unilatérale adoptée par Washington.

C’est ce même unilatéralisme qui est dénoncée par Paris concernant l’annexion de la Crimée par la Russie, le 20 avril 2014, et le lancement de l’opération spéciale russe en Ukraine, le 24 février de l’année en cours.

Sauf que si l’Algérie partage la position de la France à propos de la décision américaine de reconnaître la marocanité du Sahara, elle est loin d’adopter la même position concernant la Crimée et l’Ukraine, allégeance au Kremlin oblige.

En fin de compte, le président Macron est rentré bredouille d’Algérie, qui suscite la méfiance de la Russie par la hausse de ses fournitures de gaz à l’Europe.

Jeux troubles en Méditerranée

Pour ajouter aux dysfonctionnement dans l’engrenage des relations entre les pays des rives Nord et Sud de la Méditerranée occidentale, de tierces parties nourrissant des ambitions géostratégiques dans cette zone viennent y glisser leurs grains de sable, à travers la diffusion de fausses nouvelles.

Ni la Tunisie, ni la France ne sont des ennemis du Maroc, sans parvenir à franchir le pas d’une franche amitié, l’Algérie, plutôt que la question du Sahara, constituant une pierre d’achoppement.

Madrid et Berlin ont fini par admettre que le double jeu n’en valait pas la chandelle. Le Maroc a gagné en poids économique et politique à l’échelle africaine, se distinguant ainsi de ses voisins maghrébins, c’est un fait.

Paris, par contre, n’arrive toujours pas à se faire à l’idée de perdre un levier de pression sur Rabat et devoir, à la place, repenser les relations bilatérales en termes de contreparties, réelles et significatives, socle de toute saine relation gagnant-gagnant.

Chaud ou froid ?

C’est, bientôt, la saison froide que le vieux continent devra affronter, cette année, sans suffisamment de gaz pour se réchauffer.

Sous un beau soleil hivernal, à Marrakech, les évadés fiscaux de l’hexagone palabreront sur leurs compatriotes mécontents battant le pavé sur les bords de la Seine.

A Rabat, on garde la vis serrée et on patiente jusqu’à ce que le fruit mûr tombe de lui-même. C’est également ce que fait Moscou dans son affrontement hybride contre l’Occident, mais de manière plus « hard ».

Pékin, pour sa part, nourrit l’ambition de rouler à grande vitesse sur les rails du Marrakech-Agadir.

Alors, ce consulat, vous le voulez à Laâyoune ou Dakhla ? Il y règne une agréable chaleur tout le long de l'année.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Mardi 6 Septembre 2022

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