Une bancarisation qui progresse, sur fond de précarité croissante
Bank Al-Maghrib a publié ses chiffres annuels : à fin 2024, pas moins de 38,2 millions de comptes bancaires sont recensés au Maroc. Ce chiffre impressionne. Il donne l’illusion d’un pays financièrement inclus, connecté à son système bancaire. Mais derrière cette croissance apparente, une autre réalité se dessine, bien moins reluisante : celle d’une population qui ouvre plus de comptes mais vit avec moins dans ses poches. Une société bancarisée, mais appauvrie.
Des comptes toujours plus nombreux, mais pour quoi faire ?
En une année, ce sont 3,1 millions de nouveaux comptes qui ont été ouverts, dont près de 884 000 par des personnes physiques qui entraient pour la première fois dans le système bancaire. Pourtant, cette dynamique cache une baisse de 6,1 % par rapport à l’année précédente. En clair, l’élan ralentit, malgré les campagnes de promotion de l’inclusion financière.
Les comptes chèques représentent la majorité (64 %), suivis des comptes sur carnets (30 %), tandis que les comptes courants ne pèsent que 5 %. À noter que les comptes en devises ne concernent qu’une infime frange de la population (0,3 %, majoritairement en euro), ce qui illustre encore la *fracture économique* entre ceux qui peuvent épargner à l’étranger et la majorité des Marocains qui peinent à finir le mois.
Un Maroc bancarisé… mais de plus en plus désargenté
À première vue, le Maroc avance vers une bancarisation massive. 19,1 millions de personnes détiennent au moins un compte bancaire. Parmi elles, 18,5 millions sont des particuliers, soit environ sept adultes sur dix. Mais que signifie réellement avoir un compte en banque, quand le pouvoir d’achat s’érode d’année en année ? Quand les prix de l’alimentation flambent et que Les jeunes diplômés peinent à décrocher un emploi stable ?
La structure démographique des détenteurs de comptes laisse songeur. Quarante-sept pour cent des personnes physiques n’ont qu’un seul compte. Moins d’un tiers en ont deux, et seuls 13 % disposent de trois comptes ou plus, ce qui en dit long sur les capacités d’épargne ou de gestion patrimoniale dans une large part de la population.
Les jeunes, première cible d’une inclusion bancarisée… mais pas économique
Parmi les nouveaux venus dans le système bancaire, la jeunesse domine largement. Plus de 55 % des nouvelles personnes bancarisées ont moins de 25 ans, dont 23 % à peine la vingtaine passée. Ces chiffres montrent l’efficacité des campagnes de sensibilisation, mais ne disent rien du contenu de ces comptes. Sont-ils créditeurs ? Alimentés par un salaire ? Ou servent-ils juste à recevoir une bourse ou des aides ponctuelles avant de retomber à zéro ?
On aurait tort de se satisfaire de ce seul indicateur. Car si l’accès est réel, l’usage reste limité, voire passif. Un compte vide reste un compte, certes, mais il ne nourrit pas son titulaire.
Un taux de bancarisation qui progresse… à coups de révision démographique
Autre fait marquant : le taux de détention de comptes bancaires atteint désormais 58 % de la population adulte résidente, contre 54 % un an plus tôt. À première lecture, c’est un bond encourageant. Mais ce progrès repose moins sur une percée économique que sur une correction statistique.
En effet, Bank Al-Maghrib a pris en compte les résultats du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH 2024), qui révise la population adulte résidente à la baisse : 26,8 millions d’habitants contre 28,2 millions estimés auparavant. Ce n’est donc pas tant que la bancarisation ait progressé, mais plutôt que la base de calcul ait été resserrée.
Femmes et bancarisation : un lent réveil, mais un long chemin
Les femmes représentent aujourd’hui 39 % des personnes physiques bancarisées. Une progression légère mais réelle. Entre 2023 et 2024, le taux de bancarisation féminin est passé de 42 % à 46 %, là où celui des hommes s’établit à 70 %. Cette disparité n’est pas anodine : elle reflète des inégalités économiques persistantes, et plus largement, une fracture de genre dans l’accès à l’autonomie financière.
Et pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à ouvrir un compte pour la première fois : elles représentent 45 % des nouveaux entrants dans le système bancaire. L’écart se réduit, mais la pente reste raide.
Une illusion d’inclusion ? Le compte comme cache-misère
On l’aura compris : les statistiques brutes laissent entrevoir des progrès, mais les conditions de vie des Marocains trahissent une tout autre histoire. Les comptes s’ouvrent, mais les marges de manœuvre financières se réduisent. Le système bancaire s’étend, mais les crédits s’essoufflent, les épargnes fondent, et les retraits deviennent plus fréquents que les dépôts.
Un banquier le disait récemment, non sans amertume : « Aujourd’hui, on vous donne une carte de retrait plus facilement qu’un emploi. » Une formule cruelle, mais tristement vraie.
Et après ? Vers quelle bancarisation voulons-nous aller ?
Ce que révèle ce rapport annuel, c’est un modèle d’inclusion bancarisée sans inclusion économique réelle. Si la bancarisation est un outil, elle n’est pas une fin. Or, au Maroc, elle devient un indicateur trompe-l’œil, une manière de cocher une case sans transformer les vies.
L’enjeu n’est pas seulement d’ouvrir plus de comptes, mais de faire en sorte que chaque compte puisse devenir un levier de stabilité et de progression sociale. Cela suppose un emploi digne, un accès au crédit productif, une éducation financière adaptée, et surtout, un environnement économique où l’on peut réellement planifier son avenir.
Des comptes toujours plus nombreux, mais pour quoi faire ?
En une année, ce sont 3,1 millions de nouveaux comptes qui ont été ouverts, dont près de 884 000 par des personnes physiques qui entraient pour la première fois dans le système bancaire. Pourtant, cette dynamique cache une baisse de 6,1 % par rapport à l’année précédente. En clair, l’élan ralentit, malgré les campagnes de promotion de l’inclusion financière.
Les comptes chèques représentent la majorité (64 %), suivis des comptes sur carnets (30 %), tandis que les comptes courants ne pèsent que 5 %. À noter que les comptes en devises ne concernent qu’une infime frange de la population (0,3 %, majoritairement en euro), ce qui illustre encore la *fracture économique* entre ceux qui peuvent épargner à l’étranger et la majorité des Marocains qui peinent à finir le mois.
Un Maroc bancarisé… mais de plus en plus désargenté
À première vue, le Maroc avance vers une bancarisation massive. 19,1 millions de personnes détiennent au moins un compte bancaire. Parmi elles, 18,5 millions sont des particuliers, soit environ sept adultes sur dix. Mais que signifie réellement avoir un compte en banque, quand le pouvoir d’achat s’érode d’année en année ? Quand les prix de l’alimentation flambent et que Les jeunes diplômés peinent à décrocher un emploi stable ?
La structure démographique des détenteurs de comptes laisse songeur. Quarante-sept pour cent des personnes physiques n’ont qu’un seul compte. Moins d’un tiers en ont deux, et seuls 13 % disposent de trois comptes ou plus, ce qui en dit long sur les capacités d’épargne ou de gestion patrimoniale dans une large part de la population.
Les jeunes, première cible d’une inclusion bancarisée… mais pas économique
Parmi les nouveaux venus dans le système bancaire, la jeunesse domine largement. Plus de 55 % des nouvelles personnes bancarisées ont moins de 25 ans, dont 23 % à peine la vingtaine passée. Ces chiffres montrent l’efficacité des campagnes de sensibilisation, mais ne disent rien du contenu de ces comptes. Sont-ils créditeurs ? Alimentés par un salaire ? Ou servent-ils juste à recevoir une bourse ou des aides ponctuelles avant de retomber à zéro ?
On aurait tort de se satisfaire de ce seul indicateur. Car si l’accès est réel, l’usage reste limité, voire passif. Un compte vide reste un compte, certes, mais il ne nourrit pas son titulaire.
Un taux de bancarisation qui progresse… à coups de révision démographique
Autre fait marquant : le taux de détention de comptes bancaires atteint désormais 58 % de la population adulte résidente, contre 54 % un an plus tôt. À première lecture, c’est un bond encourageant. Mais ce progrès repose moins sur une percée économique que sur une correction statistique.
En effet, Bank Al-Maghrib a pris en compte les résultats du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH 2024), qui révise la population adulte résidente à la baisse : 26,8 millions d’habitants contre 28,2 millions estimés auparavant. Ce n’est donc pas tant que la bancarisation ait progressé, mais plutôt que la base de calcul ait été resserrée.
Femmes et bancarisation : un lent réveil, mais un long chemin
Les femmes représentent aujourd’hui 39 % des personnes physiques bancarisées. Une progression légère mais réelle. Entre 2023 et 2024, le taux de bancarisation féminin est passé de 42 % à 46 %, là où celui des hommes s’établit à 70 %. Cette disparité n’est pas anodine : elle reflète des inégalités économiques persistantes, et plus largement, une fracture de genre dans l’accès à l’autonomie financière.
Et pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à ouvrir un compte pour la première fois : elles représentent 45 % des nouveaux entrants dans le système bancaire. L’écart se réduit, mais la pente reste raide.
Une illusion d’inclusion ? Le compte comme cache-misère
On l’aura compris : les statistiques brutes laissent entrevoir des progrès, mais les conditions de vie des Marocains trahissent une tout autre histoire. Les comptes s’ouvrent, mais les marges de manœuvre financières se réduisent. Le système bancaire s’étend, mais les crédits s’essoufflent, les épargnes fondent, et les retraits deviennent plus fréquents que les dépôts.
Un banquier le disait récemment, non sans amertume : « Aujourd’hui, on vous donne une carte de retrait plus facilement qu’un emploi. » Une formule cruelle, mais tristement vraie.
Et après ? Vers quelle bancarisation voulons-nous aller ?
Ce que révèle ce rapport annuel, c’est un modèle d’inclusion bancarisée sans inclusion économique réelle. Si la bancarisation est un outil, elle n’est pas une fin. Or, au Maroc, elle devient un indicateur trompe-l’œil, une manière de cocher une case sans transformer les vies.
L’enjeu n’est pas seulement d’ouvrir plus de comptes, mais de faire en sorte que chaque compte puisse devenir un levier de stabilité et de progression sociale. Cela suppose un emploi digne, un accès au crédit productif, une éducation financière adaptée, et surtout, un environnement économique où l’on peut réellement planifier son avenir.












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