Par Mohammed Yassir Mouline
Sorti du gouvernement par la petite porte « celle qu’on lubrifie discrètement pour éviter qu’elle grince » voilà que l’ancien ministre nous sert un grand classique : « Ce n’est pas moi, ce sont les autres »… À la Faculté de droit de Rabat, il a offert un numéro digne d’un one-man-show politique, expliquant doctement que la corruption locale, c’est peanuts : « les élus, vous comprenez, ne gèrent que 10 % des budgets »… montrant que le reste, c’est les autres qui l’ont mangé !!
Une performance qui donne envie de distribuer des mouchoirs aux étudiants présents… assister à un ex-ministre pleurant sur le sort du pouvoir qu’il n’a plus, c’est toujours un moment fort en émotion… et en acrobaties rhétoriques…
L’État profond, ce punching-ball préféré des ex-ministres
Comme tous ceux qui découvrent soudain que la démocratie n’est pas un parc d’attractions, Aujjar a sorti l’artillerie lourde… « l’État profond », « la bureaucratie héritée », « l’autonomie inégale »… Rien que ça… À l’écouter, on croirait qu’il a passé tout son mandat ligoté sur une chaise, bâillonné par un fonctionnaire en costume gris, l’empêchant « le pauvre » de lutter contre la corruption ou d’activer les mécanismes de contrôle de la Justice… alors qu’il était ministre de la Justice… Oui, la même Justice qui aurait pu, par exemple, poursuivre ceux qu’il accuse aujourd’hui… Mais comme dit le vieux proverbe de la politique : « Quand on n’a pas fait le ménage, mieux vaut accuser la poussière d’être trop collante. »…
Sélectivité politique façon buffet : on prend ce qui nous arrange
Et voilà que l’ancien ministre se découvre spécialiste des “quart de siècle de corruption”, des marchés publics louches et des retards administratifs… Admirable réveil tardif, il fallait peut-être régler l’alarme des responsabilités à une heure plus raisonnable… au moment où il siégeait au gouvernement par exemple… Quant à “l’autonomie inégale” et la “démocratie à deux vitesses”, on lui rappellera gentiment que ces sujets existaient bien avant que son parti ne s’installe confortablement dans les fauteuils du pouvoir… Et qu’ils n’ont pas vraiment disparu au moment où celui-ci a quitté les lieux… laissant quelques piles de dossiers non terminés en souvenir…
Le syndrome du ministre débranché : quand l’influence s’en va, la mémoire flanche
Il y a, chez certains anciens dirigeants, un réflexe pavlovien (1)… sitôt éloignés du pouvoir, ils deviennent plus lucides que jamais… Une lucidité qui, curieusement, ne se manifeste qu’une fois le salaire, la voiture de fonction et l’agenda ministériel disparus… « Hello Benki and his brothers !! »…
Aujjar n’échappe pas à la règle… Il se présente désormais comme le visionnaire incompris qui aurait tout réglé, tout nettoyé, tout modernisé… si seulement l’Administration, le climat, la bureaucratie, la tectonique des plaques et peut-être même la Lune ne s’étaient pas ligués contre lui…
Analyse politique ou opération cosmétique ?
En fin de compte, la question est moins académique qu’il n’y paraît… Aujjar s’est-il découvert une vocation tardive d’analyste politique… ou tente-t-il simplement de repeindre son blason à la peinture dorée après avoir perdu son influence ?
À défaut de réponse, on retiendra qu’au Maroc, il y a deux catégories d’hommes politiques… ceux qui agissent, et ceux qui expliquent après coup pourquoi ils n’ont pas pu agir… Devinez dans laquelle l’ancien ministre vient de s’inscrire…
Aujjar nous aura appris qu’au Maroc, certains politiciens quittent le pouvoir comme on quitte une maison en désordre… en laissant la pagaille derrière eux, puis en accusant le voisin d’avoir renversé les meubles… Mais le public, lui, n’est plus dupe, il sait très bien qui tenait les clés… et qui a laissé la lumière allumée… Wa Salam Aleykoum wa Rahmatou Allah.
(1) Réflexe pavlovien / Un réflexe pavlovien est une réponse apprise et automatique à un stimulus, appelé stimulus conditionnel, qui était auparavant neutre… L'expérience de Pavlov : Pour démontrer ce réflexe, le physiologiste russe Ivan Pavlov a d'abord associé le son d'une clochette au moment où il donnait de la nourriture à ses chiens. Après plusieurs répétitions, les chiens ont commencé à saliver dès qu'ils entendaient le son de la clochette, même en l'absence de nourriture.












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