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RUFF : Le Maroc pense au revenu universel pour les femmes au foyer


Rédigé par le Vendredi 12 Décembre 2025

Le Maroc s’apprête-t-il à franchir un cap historique dans la reconnaissance du travail invisible des femmes au foyer ? Entre promesse d’équité et risque de malentendu, le projet d’un revenu universel pour les femmes au foyer (RUFF) soulève autant d’espoirs que de questions brûlantes.



Un travail invisible qui sort enfin de l’ombre

Il y a, dans les chiffres, une forme de vérité brute. Les femmes marocaines consacrent cinq heures par jour aux tâches domestiques, quand les hommes n’y passent que 27 minutes. Cinq heures qui ne se voient nulle part : ni sur une fiche de paie, ni dans les comptes nationaux, ni dans la conscience collective.

Le HCP le répète depuis des années : plus de 90 % du temps domestique est assuré par les femmes, toutes catégories sociales confondues. Une réalité que beaucoup préféraient classer dans la rubrique « tradition », comme si la tradition devait rimer avec résignation.

Or, mardi dernier, un frisson a traversé l’hémicycle de la Chambre des Conseillers. Naïma Ben Yahya, ministre de la Solidarité, a dévoilé ce qui pourrait devenir l’une des réformes sociales les plus sensibles et les plus structurantes du Maroc contemporain :
« Un dispositif de soutien pour les femmes au foyer, afin de répondre à leurs besoins réels et valoriser leur contribution au foyer. »

Une phrase courte, presque anodine, mais qui interroge : sommes-nous à l’aube d’un revenu universel domestique ?

Un soutien financier… mais pas un salaire marital

La ministre a été catégorique : il ne s’agit ni d’un salaire payé par le mari, ni d’un partage imposé des revenus du couple. Le dispositif s’annonce différent : plus social que conjugal, plus universel que privé.

Son ministère prépare aujourd’hui une étude de recensement national, première étape pour identifier les femmes concernées, leurs besoins, et les mécanismes d’appui possibles. Les pistes évoquées sont multiples :

– élargissement de la couverture médicale, encore inaccessible à des milliers de femmes du fait d’un indice socio-économique mal calibré ;
– aides financières ciblées, notamment pour les femmes non actives issues de foyers modestes ;
– intégration progressive dans les régimes de protection sociale afin de réduire les zones grises qui fragilisent les ménages.

Le débat public, lui, s’emballe déjà. À quoi ressemblerait une société où la femme au foyer recevrait, de l’État, une reconnaissance monétaire de son travail ? Soulagement pour certaines, inquiétude pour d’autres : ce revenu deviendrait-il une forme de dépendance ou, au contraire, un levier d’autonomie ?

À ne surtout pas confondre avec la réforme du Code de la famille

Depuis l’annonce royale sur la réforme du Code de la famille, un mélange d’attentes et d’interprétations s’est installé dans l’opinion. Beaucoup imaginaient que le gouvernement préparerait une rémunération directe des tâches ménagères ou un partage systématique des biens du couple.

Ce nouveau dispositif n’a rien à voir avec cela.

Il ne modifie ni les obligations du mari, ni les règles existantes du mariage.
La réforme du Code de la famille, elle, suit son propre agenda et vise un objectif précis : reconnaître juridiquement que le travail domestique contribue à la constitution du patrimoine familial. Ce n’est pas un slogan féministe. C’est un principe économique élémentaire : sans garde d’enfants, sans soins aux parents, sans ménage assuré, le salaire de l’un doit beaucoup au travail silencieux de l’autre.

Le futur texte ne promet pas un partage 50/50 des biens, mais il introduit la notion de contribution domestique dans l’évaluation du patrimoine commun. Là encore, le débat sera serré : quels critères ? quelles preuves ? quelles limites ? La balle est dans le camp du législateur et de la jurisprudence.

La pression internationale et le réveil national

L’idée n’est pas tombée du ciel. En 2013 déjà, les Nations Unies interpellaient les États :
« Le travail domestique non rémunéré ne doit pas compromettre l’accès des femmes à leurs droits fondamentaux. »

Dix ans plus tard, le Maroc semble décidé à avancer.
Non pour satisfaire une norme internationale, mais parce qu’un pays qui aspire à l’inclusion sociale, à la création de valeur, et à la modernisation de son modèle familial ne peut plus ignorer l’invisible.

Certains économistes alertent : un revenu universel pourrait créer un effet pervers, décourageant l’insertion professionnelle des femmes.
D’autres rappellent qu’en réalité, beaucoup de femmes ne peuvent pas travailler à cause de ce même poids domestique. Le soutien de l’État serait alors non pas un frein, mais une respiration, une première marche vers l’autonomie.

Le Maroc se retrouve face à une équation délicate : comment valoriser le travail non rémunéré sans enfermer les femmes dans ce rôle ?

Un chantier économique… mais aussi culturel

Le Maroc avance, mais le défi dépasse le cadre des budgets publics. Il touche à la culture, aux représentations, et même à la psychologie familiale.
Reconnaître le travail domestique, c’est dire à des millions de femmes : « Votre contribution est réelle, elle vaut quelque chose ».
Cela peut changer la dynamique d’un couple. D’un foyer. D’un quartier. Peut-être même d’une société où la charge mentale est trop souvent synonyme de féminité.

Mais une question persiste : la société marocaine est-elle prête à reconnaître ce travail comme un pilier économique ?

Une transition culturelle ne se décrète pas. Elle se construit.
Le dispositif envisagé par le ministère est sans doute un premier pas, prudent, progressif,  vers un Maroc où la valeur du travail ne se limite plus à ce qui est payé.

​Et si le Maroc inventait un nouveau modèle social ?

La proposition d’un revenu universel pour les femmes au foyer ressemble moins à une provocation qu’à un miroir tendu à la société.
Ce qui s’annonce, c’est peut-être le début d’un modèle social marocain qui assume sa modernité tout en respectant ses valeurs : solidarité, dignité, famille, équité.

Reste la grande question :
ce revenu universel deviendra-t-il une véritable révolution sociale… ou un simple pansement sur une injustice profondément enracinée ?
Le débat commence maintenant.

​Ailleurs, comment les États reconnaissent le travail domestique ?

Le Maroc n’avance pas en terrain vierge. Plusieurs pays ont déjà expérimenté, chacun à leur manière, des mécanismes de reconnaissance du travail domestique non rémunéré, avec des résultats contrastés.

En Espagne, certaines régions ont intégré le travail domestique dans l’accès aux aides sociales et aux retraites minimales. L’idée n’est pas de salarier les femmes au foyer, mais de ne plus les pénaliser lorsqu’elles arrivent à l’âge de la retraite sans carrière formelle.

En Allemagne, le système de protection sociale attribue des points de retraite aux parents – majoritairement des mères – qui interrompent leur activité pour élever leurs enfants. Le travail domestique est ainsi reconnu comme une contribution indirecte à la richesse nationale.

En Canada, notamment au Québec, le débat a pris une tournure fiscale : certaines dépenses liées au care (garde, aide familiale) sont partiellement déductibles, ce qui revient à reconnaître leur valeur économique réelle.

Plus audacieux, le Brésil a inscrit dans sa Constitution la valeur sociale du travail domestique, ouvrant la voie à des politiques publiques ciblées, sans aller jusqu’au revenu universel.

Ces expériences montrent une chose : il n’existe pas de modèle unique. Mais partout, une même conviction progresse : ce qui est indispensable à la société ne peut plus rester invisible dans les politiques publiques.





Vendredi 12 Décembre 2025


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