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Retraites : Le gouvernement dos au mur


Sur la table, les pistes de réforme ne manquent pas. Tel le rapport de la Cour des comptes, les recommandations sur une réforme "paramétrique" sont préconisées, elles, de divers côtés, tandis que Le CESE a planché sur ce dossier par auto-saisine



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Par Mustapha Sehimi

Enfin! Enfin, si l'on ose dire, le gouvernement s'attelle à la réforme des caisses de retraite. Mardi dernier, le chef de l'exécutif, Aziz Akhannouch, a présidé une réunion sur ce gros dossier avec la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, et le président de 1’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance sociale (ACAP), Abderrahim Chaffal.

C'est là l'un des axes de sa déclaration d'investiture en octobre 2021. Lors de son premier bilan des 100, à la fin janvier 2022, il avait fait cette intervention : " Le régime des retraites risque de connaître un effondrement total en 2028". Il a été question, dit le communiqué officiel de la primature du 19 mars, de l'examen des scenarii d'une réforme.

Risque d'épuisement des réserves des caisses

En attendant, il vaut de faire l'état de la situation actuelle : elle aide à éclairer les difficultés et les enjeux en discussion. Le risque global ? Celui de l'épuisement à terme des réserves des caisses, même si cette situation se décline différemment pour chacune d'entre elles. Pour ce qui est de la Caisse marocaine des retraites (CMR), le déficit technique en 2023  accuse un chiffre de 7,8 milliards de DH (MMDH). En 2022, il avait été de 1,4 MMDH et en 2021 de 4 MMDH, sauf à préciser que l'État avait injecté 2 MMDH au titre d'une contribution spéciale dans la loi finances. Il reste que toutes les études actuairières retiennent 2028 comme date d'épuisement des réserves de cette caisse.

La situation du Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) - géré par la CDG - est tout aussi préoccupante. Les enseignants contractuels des Académies régionales d'éducation et de formation (AREF) y cotisent désormais, ce qui a aggravé le déficit technique de ce régime à hauteur de 4,1 MMDH en 2002 contre 3,3 MMDH en 2021.

La CNSS, elle, se trouve sous pression. Cela tient notam- -ment à l'augmentation des pensions de retraite de décembre 2022 avec au surplus un effet rétroactif au 1er janvier 2020. De ce fait, les prestations servies ont enregistré une hausse de 21% alors que la collecte des cotisations n'a été que de 0,6 %. Cette branche a un déficit technique de l'ordre de 200 millions de dirhams ( MDH), alors qu'en 2021, c'était un excédent de 2,5 MMDH. A noter encore ceci: les produits financiers ont contribué à cette branche d'avoir un excédent global de 1,5 MMDH; et les réserves actuelles suffisent à la couverture des déficits anticipés jusqu'à l'horizon 2038%. Enfin, il n'y a que la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraites (CIMR) qui se trouve dans une situation positive. Le solde technique de 3,7 MMDH se distingue ainsi par une amélioration de 27 % en 2022 par rapport à 2021. Cette année -là, le solde financier s'était détérioré de 69%.

Mais globalement, le régime avait affiché un excédent de 4,5 MMDH. Le schéma prévisionnel et les projections retiennent cette tendance à la hausse. Il faut y voir l'impact d'une réforme entreprise, voici une vingtaine d'années mais surtout le recrutement de nouveaux cotisants (11 %) -ils ont été de 3,8 millions en 2022- par rapport aux bénéficiaires des prestations (4%). 

Des pistes de réformes

Que faire ? Il est difficile de se limiter à des demi-mesures comme en 2016. Les travaux du Comité ad hoc pour le dialogue social sur la réforme des retraites, présidée par la ministre de l'Economie et des Finances, n'ont pas vraiment avancé. Ils ont même été suspendus durant des mois... Depuis sept ans, les réformes paramétriques qui ont porté principalement sur le régime des pensions civiles et militaires de la CMR n'ont pas donné les résultats escomptés. Il en est de même de celui du RCAR. Sur la table, les pistes de réforme ne manquent pas. Tel le rapport de la Cour des comptes qui a fait entre autres, cette proposition: à long terme, un régime unique et un système bipolaire (public et privé) dans le cadre d'une transition.

Une réforme donc "systémique". Les recommandations sur une réforme "paramétrique" sont préconisées, elles, de divers côtés. Tant la Cour des comptes que Bank Al-Maghrib insistent sur le coût financier de la situation actuelle : chaque année de retard coûte quelque 20 MMDH au régime de la CMR. C'est dire l'urgence d'une nouvelle politique dans ce domaine pour arriver à terme au rétablissement de l'équilibre financier des régimes des caisses de retraite.

L'approche doit être globale en combinant plusieurs paramètres (âge de retraite, cotisation et mode calcul de la pension). Une feuille de route est à l'ordre du jour. Elle doit fixer, entre autres, les objectifs suivants : les principes, la gouvernance, le calendrier, les engagements des parties, le financement global de la couverture sociale, etc.

Des exigences

Le CESE, lui aussi, a planché sur ce dossier par auto-saisine. Il appelle à une réforme structurelle et globale du système de retraites. Il a proposé ce qui suit : un échéancier sur les étapes; une mise à jour des études actuarielles et des réformes paramétriques pour assurer la pérennité des régimes avec à terme deux pôles, l'un public (CMR/RCAR) et l'autre privé (CNSS/CIMR); un accompagnement juridique et réglementaire visant  la convergence des régimes.

Il y ajoute l'objectif de l'instauration d'un régime national de retraite unifié (un régime obligatoire de répartition avec les actifs des secteurs public et privé ainsi que les non-salariés); un régime complémentaire obligatoire contributif pour les revenus supérieurs au plafond ; et un régime individuel facultatif en capitalisation sur la base d'une assurance privée, à titre individuel ou collectif.


D'autres préconisations sont également mises en avant: gouvernance et pilotage des risques, prise en compte des capacités de financement participative des employeurs et des affiliés, préservation de leur pouvoir d'achat, révision de la politique de placement des fonds de réserves pour plus d'optimisation-  ces dépôts auprès de la CDG sont des actifs constitúés de titres obligataires ( 57 %) d'actions (33%) et de placements immobiliers (7%).

A six semaines du 1er mai, le gouvernement ne saurait sans doute céder à l'affichage en évacuant cette problématique de fond: celle d'une réforme profonde des régimes de retraite. La perspective va au-delà d'un accord a minima sur des points factuels ; elle doit s'inscrire dans la ligne de construction d'un système global de couverture sociale.

Cela implique quoi en substance ? Des exigences d'équité sociale, des rééquilibrages au profit des populations à faibles revenus, un dialogue social institutionnel et continue et non intermittent, une veille constante de la pérennité du système de retraite, une évolution vers le respect du principe de juste tarification,... Faute d'avoir pu - ou su -entreprendre cette grande réforme, en 2022 et 2023, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de prioriser cette année ce chantier social. La réforme contrainte. Dos au mur...

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 



Lundi 25 Mars 2024

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