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"Rodéos" en ville… faut-il utiliser le code de la route ou le code pénal ?


Ces temps derniers, Marrakech a connu une opération de police à grande échelle, traquant les fous du volant et les cinglés du guidon, tous criminels en herbe. Près de 3.000 interpellations, des centaines de contraventions, des véhicules saisis… et la paix revint, momentanément, dans la ville ocre. Etait-ce une bonne initiative de la police ? Oui. Est-ce suffisant ? Non.



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Par Aziz Boucetta

Ce n’est effectivement pas suffisant, et cette fois, il ne s’agit nullement de la responsabilité du gouvernement ou de la police. Depuis plusieurs années, les services de la DGSN se mobilisent pour sévir contre les jeunes écervelés, car quand on fait des courses et des rodéos de motos ou de voitures en ville, on est souvent jeune et toujours écervelé ! La pratique nous vient de « l’American way of life » et s’est peu à peu répandue en Europe, et principalement en France, de laquelle nous copions et imitons tant de choses, dont bien évidemment les plus mauvaises et les plus dangereuses. Cette semaine, dans le sud de la France, une fillette de 7 ans a perdu la vie du fait du besoin d’adrénaline d’un… jeune écervelé.

 

Au Maroc, ministère de l’Intérieur et DGSN sont conscients du danger de ce phénomène et multiplient les opérations coups de poing, nos fameuses « campagnes ». On interpelle les contrevenants, on saisit leurs véhicules, on les juge… mais quid des sanctions et des condamnations et quid aussi de la pérennité de ces opérations et surtout de leur efficacité ? Il est vrai que les campagnes menées par la police sont conduites sous la supervision des parquets des différentes villes, mais les responsables de ces rodéos sont-ils jugés et condamnés pour infractions au code de la route ou pour la mise en danger d’autrui ?

 

Osons la question… Quelle est la différence entre un cinglé qui se balade en ville un sabre à la main et un conducteur au volant d’un bolide à deux ou quatre roues qui fait des folies sur la route ou sur le boulevard ? Les deux sont dangereux pour la paix civile et la sécurité des citoyens, mais les deux ne sont pas condamnés de la même manière ni avec la même sévérité. Est-ce dû au laxisme de la justice ou au bak-sahbisme général ?

 

Le code de la route fixe les règles de conduite et de comportement sur la voie publique, mais il concerne des conducteurs qui commettent des infractions, et non des inconscients qui peuvent se transformer en criminels. Les juge-ton sur la base de ce critère ou simplement pour infraction plus ou moins grave au code de la route ? Ce qui n’est pas expressément interdit est permis, dit la logique juridique, mais la pratique judiciaire ne pourrait-elle pas considérer les choses autrement et sévir en fonction d‘articles du code pénal ? On le fait bien avec les journalistes, qu’on poursuit pour des actes autres que ceux liés à l’exercice de leur métier, alors pourquoi pas les conducteurs, n’est-ce-pas ?

 


Alors, un type qui roule à tombeau ouvert (l’expression est exacte) en ville, sur route ou en autoroute, ne devrait-il pas rendre compte de son acte selon les dispositions du code pénal ?
 

Il est important que dans ce pays, le respect de l’espace public et de la loi qui en régit le fonctionnement soit la règle, et si cette règle nécessite « la violence légitime de l’Etat », légitime et bien évidemment légale, alors que les autorités publiques fassent leur travail. Il faut bien convenir que le code de la route est soit trop magnanime soit dépassé par les nouvelles menaces sur la route. Et il faut également admettre que les contrevenants sont tellement nombreux que la police peinera toujours à les affronter, les surveiller, les poursuivre, les appréhender, saisir leurs véhicules et les juger. Et puis, ces cowboys amateurs de rodéos sur nos avenues et dans nos rues vont tellement vite qu’il est difficile à la police de les interpeller sans mettre en danger ses agents et les autres usagers.

 

En conséquence, le phénomène s’étend car au Maroc, il n’y a pas que les auteurs des rodéos, courses, slaloms et autres « prouesses » qui constituent un danger pour la population. En effet, griller un feu rouge est devenu une pratique courante, faire de l’excès vitesse est chose désormais ordinaire, l’incivilité devient la norme, les taxis agissent comme ils veulent, les motos (et essentiellement les livreurs) sèment la panique et se montrent agressifs en cas de contestation. Et le cortège des morts et des handicapés permanents s’allonge !... La loi est devenue facultative et son respect est tributaire de la présence d’agents de police ou de gendarmes… et encore, quand la « protection » du contrevenant n’est pas très puissante !...

 

Il faut donc durcir la loi ou, au moins, créer des passerelles qui permettent aux juges de basculer du code de la route au code pénal, bien plus sévère et bien plus craint. Au Canada, si on dépasse la vitesse de 150 km/h sur autoroute, on s’expose à la suspension immédiate et parfois définitive du permis de conduire, à la saisie du véhicule et au paiement de 10.000 dollars ; en France, la récidive pour un auteur de rodéos est punie de 5 années de prison et de 75.000 euros d’amende.

 

Il est temps de faire montre de la plus grande sévérité pour ces « meurtriers » en herbe sur les routes, ceux qui considèrent la circulation comme leur chasse gardée, le code comme une chose inconnue et la sécurité des autres comme une option. Il est temps de renforcer les sensibilisations des jeunes dans les écoles et des juges dans les salles de tribunaux, et la responsabilisation/implication des parents de ces jeunes convaincus de leur impunité.

 

Le Maroc y gagnerait en vies humaines, en sécurité publique et en argent, et les Marocains y gagneraient en quiétude et en sécurité. Ne valons-nous pas cela, en permanence et non le temps d’une campagne ?
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 




Samedi 7 Septembre 2024


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