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Rumeur, fake news, deep fake, désinformation…

La vérité existe, c’est le mensonge qu’on invente


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 20 Octobre 2023

La rumeur a toujours existé. Du temps de Socrate déjà, il fut même question des filtres qu’il utilisait pour se protégeait de la rumeur : La véracité de ce qui est rapporté, la bonté (l’intention de rapporter est-elle bonne), l’utilité (est-il utile de rapporter telle ou telle histoire entendue) sur une personne.



Par Abdallah Bensmaïn

Les filtres de Socrate Vérité, Bonté, Utilité participent d’une démarche de protection individuelle, civile, si l’on peut dire, de la rumeur.
 
La rumeur a un but, souvent inavoué : déconsidérer un adversaire, nuire à la réputation d’un rival, par exemple, en particulier en politique et dans le show biz. 
 
La rumeur a pour substance le mensonge mais la chaine de propagation le fait souvent dans l’ignorance de ce qui se cache derrière. Le principe de la bonne foi de celui qui sert de support de transmission est souvent une réalité.
 
En psychanalyse, le pacte de la cure se construit sur la sincérité. Un menteur ne peut être guéri par un psychanalyste.
 
Sun Tzu qui règne sur l’enseignement dans les écoles de guerre et d’intelligence économique a construit une stratégie de la victoire sans combat. La rumeur, dans sa dimension « propagande », de la guerre psychologique, une arme d’intoxication massive, en est le fondement.
 
La stratégie guerrière de Sun Tzu se construit sur la tromperie, le leurre de l’ennemi. Il est prêté à Sun Tzu d’avoir dit :
 
 « L’affaiblissement ou l’élimination d’un adversaire est possible grâce à un usage habile d’une rumeur ponctuelle ou répétitive savamment diffusée. ».
 
Une seconde citation prêtée à Sun Tzu nous introduit dans le vif du sujet de la dimension politique de la rumeur et de ses développements ultérieurs : « Dites aux gens ordinaires ce qu’ils veulent entendre. ».
Ces citations de Sun Tzu sont introuvables dans L’art de la guerre mais le sens de ces citations appartient au champ sémantique de la pensée de Sun Tzu.
 
Dans « Le livre de la couronne » attribué à Jahiz, il est écrit, par ailleurs, « Une règle de conduite des Rois est d’utiliser la ruse dans leurs guerres. C’est pourquoi, l’on disait que pour le bon roi, la guerre ne devait être que la dernière ruse… Le Souverain le plus heureux est celui qui vainc son ennemi par la ruse, l’adresse et la perfidie ». 
 
Ainsi fit le roi Vahran V. Gor qui sembla se désintéresser d’une partie de son royaume, conquise et occupée par l’ennemi qu’il fera libérer grâce à la ruse, une opération d’intoxication dont il sera le principal et unique protagoniste. Déguisé en page, il fit croire au roi ennemi, frappé par sa précision de tir de chasseur et sa dextérité à enchâsser des aiguilles qu’il lançait, l’une après l’autre, formant une chaine ininterrompue, qu’il serait défait s’il venait à attaquer le royaume convoité. Après son exploit et devant la surprise du roi ennemi, il lui affirma… qu’il était le plus mauvais archer de la cour « Dans ces conditions si, avec mille flèches, je tue mille hommes, tu peux t’imaginer ce que fera le Roi avec les cent mille esclaves de sa Cour, dont le moins dangereux est plus fort que moi ». 
 
Dans la tradition musulmane, il est prêté au Prophète cette expression « Faire la guerre, c’est ruser ». Une autre façon de dire que la désinformation, l’intoxication de l’ennemi n’est pas nouvelle en soi : elle a traversé les siècles et s’adapte aux supports de diffusion qu’elle trouve à sa portée.
 
Dans l’histoire, la rumeur sert de support à la propagande des Etats comme elle renseigne sur l’opinion publique qui prenait forme dans les cafés, les marchés publics. 
 
Le pouvoir avait compris qu’il y avait des choses à apprendre des fausses nouvelles, amplifiées selon la logique du téléphone arabe qui déjà faisait que la rumeur n’était plus seulement locale, mais régionale, nationale voire internationale. On disait même de la rumeur qu’elle était une nouvelle qui voyage.
Un exemple représentatif de la naissance et du développement d’une rumeur est « La rumeur d’Orléans » qui a provoqué une psychose dans la ville du même nom. Le bruit avait couru que des jeunes femmes disparaissaient dans des cabinets d’essayage de plusieurs magasins de lingerie féminine, tenus par des juifs, pour être livrées à la prostitution dans des pays du Moyen-Orient. 
 
La police mena une enquête qui ne révéla aucune disparition de jeunes filles de la ville. Les démentis n’ont pas suffi à faire taire la rumeur. C’est le temps et l’oubli qui en ont eu raison. 
 
Dans ses années de grâce et de prospérité, le relais idéal pour la rumeur était la presse qui donnait suite à des chuchotements de toute nature, servant de relai, pas toujours innocent !, à des créations d’événements qui n’ont pas eu lieu mais qui servent des causes, souvent identifiées : la rumeur d’Orléans, par exemple, se nourrissait d’antisémitisme.
 
Des décennies plus tard, le schéma global de « La rumeur d’Orléans » sera reproduit à Aulnay-sous-Bois, avec des conséquences dramatiques pour la communauté Rom, malgré le communiqué de la mairie.
 
La rumeur peut faire preuve de sophistication poussée, selon le vecteur de sa propagation qui n’est pas à proprement parler « le lanceur de rumeur » mais la foule qui s’en empare, individuellement ou collectivement. 
 
Dans la rumeur ce n’est pas la rationalité, la logique qui est à l’oeuvre mais l’imagination dans toute sa splendeur, celle qui mène partout mais nulle part.
 
La rumeur ou le degré zéro des Fake news
 
Les moyens de communication ayant évolué, la rumeur a pris des dimensions inimaginables depuis la création d’internet et des réseaux sociaux. La diffusion de la rumeur en a été dopée et même la presse qui en était le média recherché pour son amplification se trouve complétement débordée, au sens de son incapacité à rester l’alternative aux limites de diffusion propres au bouche à oreille. La révolution technologique a même créé son propre langage et le mot rumeur risque bien de disparaître du vocabulaire. La rumeur, dans sa modernité portée par les fake news et les deep fake, devient une arme d’illusion massive, de plus en plus difficile à identifier par l’individu.
 
Plus important encore : la confiance en l’œil et l’oreille, ces sens qui certifient la réalité des choses vues et entendues, recule avec les nouvelles possibilités de manipulation des faits qu’offrent les nouvelles technologies et les outils de l’intelligence artificielle. 
 
La rumeur est une fausse information, un gonflement de faits sans commune mesure avec la réalité de ce qui a pu se passer quand elle se construit à partir d’un fait advenu. La fausse information en vient à bousculer l’information, celle qui n’a besoin ni d’être vraie ni d’être fausse. La vérité en est la substance car elle se construit sur le vu, l’entendu. A l’âge de l’industrialisation de la rumeur dans sa fabrication et sa diffusion, le vocabulaire d’antan ne pouvant plus traduire cette complexité, cette sophistication, un nouveau vocabulaire s’impose.
 
Les fake news suscités par des Etats entraient et entrent dans des processus complexes de guerre psychologique. La campagne est considérée comme un succès quand l’intoxication est massive. 
 
C’est une sorte de bourdonnement qui s’entend de loin, mais dépourvu de message explicite, sans finalité, à la manière des nuages qui cachent le ciel au regard mais ne le font pas disparaître, de la fumée qui a donné naissance à cette expression de sagesse : « Il n’y a pas de fumée sans feu ». 
 
La guerre de l’information se privatise même et un coin du voile a été levé sur des offres « privées » de désinformation à l’échelle mondiale par le consortium Fordbidden stories constitué d’une trentaine de médias et une centaine de journalistes. « Story Killers », enquête sur les mercenaires de la désinformation » a projeté une lumière crue sur les entreprises spécialisées dans les manipulations d’opinions publiques et la diffusion de fausses informations, en somme des entreprise qui proposent ni plus ni moins des solutions clés en main de désinformation.
 
Ces entreprises fabriquent des mensonges comme des usines textiles coupent et fabriquent des vêtements, des lacets pour chaussures ou des boutons, en vivent et s’assurent une certaine prospérité en sous-traitant pour des donneurs d’ordres qui sont souvent des Etats, des partis politiques, des lobbies ou des puissances économiques et de l’argent en mesure de payer une activité de mercenariat qui a pour objectif des opinion publiques nationales et internationales.
 
Ces entreprises fonctionnent avec un personnel hautement qualifié dans le renseignement, les questions militaire, la diplomatie et les relations internationales, la politique, la finance et… les médias. 
Une somme, une addition d’expertises qui ne relèvent pas de la braderie mais du juste prix à payer ! 
 
Donald Trump à lui seul aurait été à l'origine du "don secret" de 1 million de dollars pour faire prouver que sa défaite était "truquée" par un des audits menés en Arizona où on peut dire ainsi que l’un des candidats avait participé au comptage des voix en finançant l’audit sur les voix recueillis par les candidats, Joe Biden, le démocrate, et Donald Trump, le républicain.
 
Selon un rapport du Oxford Internet Institute, au moins 81 pays - l’Onu en compte 193 ! -, en 2020, ont eu recours à des campagnes de manipulation organisées, directement ou indirectement, sur les réseaux sociaux. 
 
De l’Inde à l’Arabie Saoudite, en passant par Israël, l’Espagne et les États-Unis, la désinformation sur internet est devenue une activité courante et soutenue pour avoir prise sur les opinions publiques, manipuler des élections et porter atteinte à des réputations qui visent les individus, les partis politiques, les organisations, en particulier celles de défense des droits de l’homme. 
 
Le modus operandi est la fabrication et l’activation de faux profils, des avatars diront les spécialistes, sur les grands réseaux sociaux dont facebook, Instagram, you tube et twitter, avec Tik Tok, seraient parmi les plus sollicités. 
 
La presse peut en être le relais comme l’ennemi à abattre : les cimetières et les prisons accueillent, bon an, mal an des dizaines de journalistes d’investigation à travers le monde. La profession paye son tribut à un métier qui a fait de la vérité, l’axe cardinal du métier d’informer en recherchant les faits, riens que les faits, sans compromis ni compromission, politique, morale ou économique. 
 
La manipulation de la vérité, avec la désinformation, s’est transformée en un commerce de plusieurs milliards de dollars et mobilise bien au-delà des services spécialisés des agences et autres directions du renseignement dans le monde qui en avaient le monopole dans un passé encore récent…
 
Les fake news prenant appui sur les moyens technologiques, au carrefour de l’informatique et des télécommunications, ont industrialisé la rumeur qui est passée du bouche à oreille à la diffusion de masse, ignorant l’espace et le temps pour se propager partout… et à la vitesse de la lumière. 
 
Si les fake news - une expression nouvelle pour de vieilles histoires, pourrait-on dire -, constituent un bond qualitatif de la rumeur, les deep fake par la complexité des moyens mis en œuvre, la haute technicité qui entre dans leur élaboration supposent des moyens technologiques sophistiqués et une maîtrise certaine des logiciels d’infographie, montage audio et vidéo, sans oublier les nombreuses applications dédiées, à la portée de tous et d’utilisation facile où il suffit, par exemple, de mettre en mouvement une photo et de l'insérer dans une vidéo déjà en circulation… vont encore plus loin que ce que peut concevoir l’esprit !
 
Le deep fake, une révolution dans le son et l’image
 
Avec le deep fake ou hypertrucage, le trucage audio et vidéo qui était l’apanage des grandes productions cinématographiques devient une activité banale qui peut être menée sans moyens particuliers et hors de portée financière à l’échelle individuelle est mise à la portée des milliards d’individus qui disposent d’un clavier d’ordinateur et, plus significativement, d’un smartphone. 
 
Usurper la voix des puissants de ce monde, politique et économique, était une spécialité des humoristes qui étaient et sont dans l’imitation. La voix ne parle pas au nom de…, mais comme et s’identifie comme telle. A celle-ci s’ajoute l’usurpation de l’image qui ne relève plus du pastiche et d’une certaine maîtrise des techniques audiovisuelles mais, avec l’intelligence artificielle du deep learning, une activité sans compétence particulière. 
 
Retoucher une photographie était l’apanage des services de propagande des Etats. Ce n’est plus le cas depuis l’apparition de logiciels grand public comme photoshop…
 
L’histoire de la photographie a consigné des exemples de retouche avec Staline, Mao, Hitler, Mussolini, mais l’erreur serait de croire qu’elle est une spécialité des dictatures pour la plupart nées avec la seconde guerre mondiale. Bien avant, des détournements d’image durant la guerre de Sécession sont restés célèbres et emblématiques de cette tendance à vouloir faire « mentir » la réalité. Ce fut le cas avec les retouches d’image d’Abraham Lincoln, les généraux Cook et Sherman par le rajout du général Francis P. Blair qui n’était pas présent à la réunion de ce dernier avec ses généraux. 
 
Staline, Hitler, Churchill et Mussolini ne se sont jamais réunis dans la réalité : la technologie du deep fake utilisée par Alexandre Sokourov, dans le film Fairytale, les a rassemblés… au Purgatoire. 
 
Aussi bien dans les fake news que dans les deepfake, l’information est prise dans les rets du faux : une économie de la fausseté s’installe ainsi à l’abri de la technologie que ne peuvent déceler que les experts qui savent ce que mentir veut dire, car au fait de la réalité et des enjeux de la fausse information qui l’entoure. 
Le développement du numérique s’explique par une sorte de migration de l’opinion publique qui n’est plus dans les cafés, les places mais sur les réseaux sociaux. Le numérique a pris une telle dimension qu’à côté des armées traditionnelles (terre, air, mer) les pays ont créé une nouvelle armée : la cyberarmée pour mieux répondre aux défis actuels et à venir.
 
En politique où sévissent fake news et deep fake, l’objectif n’est rien de moins que de créer la confusion entre ce qui est vrai et ce qui est faux à travers la manipulation d’image et de son. La guerre en Ukraine a ainsi fourni son lot de deep fake où l’on voit un semblant du président Zelensky annoncer la capitulation de l’Ukraine et un tout aussi semblant Poutine annoncer la paix en Ukraine. 
 
Le propos de Zelensky est tout aussi surprenant pour ne pas dire que dans le contexte de la guerre, de tels propos ne sauraient être tenus ni par Poutine ni par Zelensky… même sous la torture !
 
 « Les "deepfake", écrit Sam Gregory, expert reconnu des nouvelles formes de désinformation induites par l'IA, ne sont que l'un des développements d'une famille de techniques fondées sur l'intelligence artificielle (IA) pour la création de médias synthétiques. Cet ensemble d'outils et de techniques permet de créer des représentations réalistes de personnes faisant ou disant des choses qu'elles n'ont jamais faites, de créer de manière réaliste des personnes/objets qui n'ont jamais existé ou des événements qui ne se sont jamais produits ».
 
La qualité des deep fake audio ou Deep voice qui ne cesse de s’améliorer, la création de deepfake haute résolution à partir d’une image, l’effacement d’objets ou la modification d’une scène et, enfin, la commercialisation d’application mobiles qui popularisent le faceswap et les deep fakes, montrent bien que la révolution est en marche, s’accélère même et préfigure un avenir où il deviendra de plus en plus difficile de se repérer dans un monde où le simulacre est érigé en réalité dans des objectifs de manipulation des esprits avérée. 
 
De telles vidéos et déclarations improbables (Zelensky, Poutine) dans le contexte de guerre et les justifications de celles-ci par les pouvoirs russe et ukrainien ne peuvent, bien entendu, duper les journalistes qui savent à quel point il est difficile d’obtenir une déclaration et plus encore une information, les diplomates qui surveillent les propos des autres diplomates, les services secrets qui veillent à ne rien perdre des actes présents pour prévenir des actes à venir et les armées qui sont dans des logiques stratégiques et de terrain. 
Elles ont, néanmoins, un effet certain sur l’opinion publique comme le fake news qui ne saurait prospérer sans un populisme affirmé au sein même des élites et du personnel politique. Le montage peut être grossier, le propos surréaliste, l’opinion publique n’a plus seulement la capacité d’avaler des couleuvres mais semble de plus en plus en mesure d’avaler des pythons !
 
Les nouveaux médias synthétiques font disparaître la part d’expertise dans la réception et leur élaboration : l’expertise humaine n’est plus dans le talent créatif, visuel et de contenu, mais sur sa capacité à manipuler les modèles et les langages informatiques de plus en plus à la portée de n’importe quel aventurier du clavier, maîtrisant peu ou prou les diverses applications d’image et de son. Le sentiment qui se répand avec les médias synthétiques est que la manipulation, dans un esprit complotiste et de conspiration, est possible et qu’elle est difficile sinon impossible à détecter. 
 
Les réseaux sociaux donnent une importance démesurée à ce qui est insignifiant, sans profondeur ni argumentation. 
 
L’importance du coefficient politique d’une fausse information est un facteur déterminant dans sa large diffusion. Il a été ainsi démontré que « Les fausses informations ont été diffusées beaucoup plus loin, plus rapidement, plus profondément et plus largement que les vraies dans toutes les catégories. 
 
Les effets étaient plus prononcés pour les fausses nouvelles politiques que pour les nouvelles concernant le terrorisme, les catastrophes naturelles, la science, les légendes urbaines ou les informations financières. ». 
Des exemples de fake news bricolées, appelées également cheap fake ou shallow fake pour le côté rudimentaire de la manipulation des images montrent l’attrait qu’elles exercent sur les politiques comme instrument pour ridiculiser l’adversaire où le jeter en pâture à l’opprobre des électeurs. 
 
Deux exemples illustrent le caractère « bon marché » d’un certain type de fake news, sans l’apport de l’intelligence artificielle : Nancy Pelosi ivre et Joe Biden qui semble apporter son soutien à son rival affirmé Donald Trump.
 
Les "cheap fakes" sont les nouvelles "fake news" aussi faciles à créer et à manipuler que la rumeur dans son acceptation générale. Créer des contenus truqués mêlant l’image et le son ne nécessite plus ni investissement dissuasif ni maîtrise particulière ou expertise des nouvelles technologies du son et de l’image, avec le must des must l’intelligence artificielle. C’est pour quoi, comme le relève CBS news : « Ils seront probablement utilisés pour créer des mèmes amusants, mais ils seront très certainement utilisés par des politiciens et des activistes pour dénigrer l'opposition . ».
 
Le media squatting n’est pas une révolution d’internet
 
Ces détournements ne concernent pas que l’image et le son. Meta qui exploite facebook a relevé des dizaines de détournement de sites de la presse écrite. Au-delà des Unes détournées, ce sont des articles entiers qui sont publiés en lieu et place d’autres articles mais avec des textes et des photos différents, allant à l’encontre même des articles usurpés. Ce phénomène s’amplifie avec l’actualité et les actions de propagande que mènent des Etats… ou des partis et organisations politiques. 
 
La veille assurée par Meta (200 faux comptes Facebook ont été créés, renvoyant vers de faux comptes de médias, puis vers de faux articles) entre dans sa politique générale d’authenticité des comptes mais trouve ses limites dans le nombre qui connait une expansion exponentielle. C'est également le cas de Twitter et des autres réseaux sociaux.
 
Le Doppelgänger, mot allemand qui signifie « sosie » ou « double d'une personne vivante », courant dans la fiction, le folklore et les mythologies germanique et nordique, s’impose dans la désinformation et la propagande des états. Cette technique touche la presse écrite en particulier et a donné son nom à une vaste opération de désinformation montée par la Russie et dénoncée par la France « Doppelganger : c'est le nom d'une vaste campagne de désinformation contre la France, orchestrée ces derniers mois par la Russie ».
Cette campagne, qui avait débuté en 2022, aurait concerné, en France, Le Parisien, Le Figaro, Le Monde et 20 Minutes), et en Allemagne FAZ, Der Spiegel, Bild, Die Welt... sans oublier le site du ministère des Affaires étrangères français et d'autres sites gouvernementaux qui ont eu droit à leurs sites miroirs, dans le respect des chartes graphiques et autres feuilles de style des publications détournées afin de rendre crédibles… ce qui ne l’est pas !
 
Cette pratique n’est pas nouvelle. En 1981, Alexandre de Marenches, à la tête de la DGSE, devait proposer à Ronald Reagan, l’opération « Moustique » dans le cadre de l’action psychologique, qui consistait à entreprendre des démarches auprès « des journalistes d’Actuel pour savoir s’ils aideraient à constituer une fausse édition du journal Krasnaïa Svezda (Étoile rouge) à diffuser à des soldats soviétiques pour les appeler à la désertion »
 
Le typosquattage est né, justement, de l’imitation de sites réels mais avec des légères modifications (orthographe du nom, extension du nom de domaine) dont la presse n’est pas l’unique victime mais se développe à grande échelle dans l’escroquerie sur internet, loin de la désinformation mais en plein dans le cybercrime dans des logiques de cybersquattage.  
 
Les moteurs de recherche ne sont pas à l’abri et en 2006 déjà, Google, a eu droit à son typosquat avec le site Goggle.com, exploité comme un site de phishing ou hameçonnage pour se faire passer pour le site ou l’organisme en question. Banque, administration fiscale, caisse de sécurité sociale…, sont des cibles privilégiées des fraudeurs et escrocs du net. 
 
Google a même eu droit à des variations du nom : foogle, hoogle, boogle, yoogle, dont la proximité avec la lettre « g » sur les claviers qwerty) est supposée aider à détourner une partie du trafic du moteur de recherche dont le succès ne se dément pas auprès des usagers d’internet, de 7 à 77 ans comme dit le slogan de Tintin, adopté en 1948 et devenue une expression populaire toujours en vogue des décennies plus tard. 
 
De la rumeur au deep fake, la dark information, ne saurait exister sans les puissants ressorts de la désinformation, en somme de l’intérêt à créer et à diffuser de la fausse information qui ressemble à s’y méprendre à de la vraie information… tautologiquement parlant puisque l’information par essence ne peut être que véracité ! Le journalisme n’est pas un alignement de mots mais de faits.
 
Le scepticisme pour lutter contre le faux
 
La règle du bon sens peut protéger de la fausse information dans sa forme simple qu’est la rumeur. Cette règle est contenue dans le principe de Quitilien sur lequel s’appuient les enquêtes judiciaires et le journalisme. Ce sont les 5 W (en réalité au nombre de 6) que doit respecter un article d’information : La règle consiste à répondre aux questions : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Qui ? C'est le sujet de l'information : Qui a entrepris telle action, a fait telle déclaration ?
 
Par définition la rumeur n’a pas de source, ce sont toujours des propos ou des faits rapportés. Le journalisme d’investigation est dans le respect de ces règles qui garantissent la vérité des faits rapportés. C’est pourquoi, d’ailleurs, le journalisme d’investigation paye un lourd tribut à travers le monde : montrer ce qui est caché est puni par la loi, même dans les pays qui se gargarisent de démocratie et se rince la bouche avec la liberté de la presse ! 
 
Le journaliste montre des faits, avant d'exposer des problèmes ou de les commenter.
 
Un texte informatif doit contenir les réponses aux questions suivantes qui sont des "questions de référence" : de qui s'agit-il ?, de quoi s'agit-il ?, quand cela s'est-il produit ?, où cela s'est-il produit?, comment cela a-t-il pu se produire ? et pourquoi cela a-t-il pu se produire ?
 
Déceler la fausseté dans une opération de désinformation conçue et mise en œuvre par des spécialistes, formés pour duper même les plus avertis, c’est-à-dire les professionnels du camp adverse, est beaucoup moins évident.
 
Un dernier mot, si vous ne l’êtes pas déjà : soyez sceptiques et dites-vous bien comme le disait le peintre Braque : la vérité existe, c’est le mensonge qu’on invente. La vigilance et la perspicacité commencent avec la suspicion, une attitude saine et légitime pour se protéger de la rumeur et de la désinformation !
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Abdallah Bensmaïn 

Journaliste à la retraite, Abdallah Bensmaïn est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Alors l’information ? Les journalistes parlent du journalisme… et d’eux-mêmes », « L’écriture, la parole suivi de l’interviewer interviewé ». Il achève un ouvrage sur la liberté de la presse qui contient d’amples développements sur la désinformation à travers les siècles et les civilisations.





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