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Santé à deux vitesses : hôpitaux publics saturés, cliniques privées triomphantes


Rédigé par La rédaction le Jeudi 18 Septembre 2025

Entre files d’attente interminables dans les hôpitaux publics et confort immédiat dans les cliniques privées, la médecine marocaine se vit aujourd’hui comme une fracture sociale criante. Sommes-nous en train d’accepter, sans le dire, une santé à deux vitesses où le portefeuille décide de la dignité du patient ?



Quand Facebook remplace les inspections

Ce ne sont pas des commissions parlementaires, ni des reportages télévisés, encore moins des rapports officiels qui ont dévoilé les failles criantes du système de santé à Agadir. Ce sont des citoyens ordinaires, armés de leurs téléphones et d’un sentiment d’injustice, qui ont mis à nu les défaillances du CHU Hassan II. Les images de couloirs bondés, de patients abandonnés sur des brancards, ou encore de cette fillette brandie par son père en guise de protestation silencieuse, ont fait le tour des réseaux sociaux.

Face au scandale, la réaction fut rapide mais ponctuelle : limogeage de la directrice régionale de la Santé et intervention personnelle du ministre pour prendre en charge le bébé exposé. Mais derrière ces gestes symboliques, une question lancinante demeure : que change un coup de balai administratif dans un système qui craque de toutes parts ?

Des symptômes devenus structurels

Il serait trop facile de réduire cette crise à un problème de mauvaise gestion locale. Le malaise est plus profond. À Casablanca, Marrakech, Oujda, Tanger, même scénario : salles d’urgence saturées, manque de médecins, files d’attente dignes d’un rationnement de guerre. Le secteur public, censé être l’épine dorsale du droit à la santé, ressemble de plus en plus à une salle d’attente sans fin.

Un médecin urgentiste de Rabat me confiait récemment, amer : « On ne soigne plus, on trie. On décide qui peut attendre, qui doit être envoyé ailleurs et qui n’aura pas de chance. » Ces mots brutaux, prononcés à voix basse, disent toute l’ampleur du problème.

L’autre visage : la médecine privée, un business florissant

Pendant que le public ploie, le secteur privé prospère. Cliniques flambant neuves, accueil soigné, matériel de pointe, chirurgiens disponibles : pour qui peut payer, le Maroc de la santé est une success story. Certains établissements privés facturent des interventions chirurgicales à des prix supérieurs à ceux pratiqués en Europe, preuve que la demande existe et que la fracture sociale s’enracine.

Une famille de la classe moyenne, confrontée à une urgence, n’a souvent que deux choix : s’endetter pour obtenir un soin rapide dans le privé ou se résigner à l’attente interminable dans le public. Une équation injuste, qui met en lumière une médecine duale : la santé comme service public, et la santé comme produit marchand

Le dilemme politique : entre responsabilités locales et nationales

Le cas d’Agadir est emblématique. Aziz Akhannouch est à la fois chef du gouvernement et président de la région. Les critiques se sont naturellement cristallisées sur lui, accusé de fermer les yeux sur la détresse d’un hôpital régional censé symboliser l’offre publique. Pourtant, même en changeant les directeurs et en sanctionnant quelques responsables, les maux persistent : manque de ressources humaines, fuite des médecins vers le privé, sous-financement chronique.

Les syndicats de la santé rappellent que le Maroc consacre à peine 6 % de son budget à la santé, loin des 12 % recommandés par l’OMS. Dans ce contexte, comment prétendre à une couverture sanitaire universelle digne de ce nom ?

Une couverture médicale universelle... en trompe-l’œil ?

Depuis 2021, le Maroc a engagé une réforme historique : la généralisation de la protection sociale. Des millions de citoyens supplémentaires sont désormais couverts par l’AMO (Assurance Maladie Obligatoire). Sur le papier, c’est une avancée sociale majeure. Mais dans la réalité, disposer d’une carte d’assurance ne signifie pas forcément avoir accès à un médecin ou à un lit d’hôpital.

Un citoyen de Taroudant, rencontré récemment, me disait : « Ma carte d’AMO, c’est une illusion. Je la montre, on me dit d’attendre deux mois pour un spécialiste. Si je veux vraiment être soigné, je dois payer au privé. » Son témoignage illustre le risque d’une réforme inachevée : un droit reconnu mais pas effectif.

La médecine à deux vitesses, un révélateur social

La santé, plus que l’école ou les infrastructures, est devenue le thermomètre de nos inégalités. Dans un pays où la jeunesse aspire à la dignité et où la diaspora compare avec amertume la situation ici et en Europe, chaque scandale sanitaire résonne comme une claque collective.

Et pourtant, il serait injuste de noircir tout le tableau. Des progrès existent : nouveaux hôpitaux en construction, digitalisation des services, montée en puissance des CHU régionaux. Mais ces avancées sont trop lentes et trop inégalement réparties.

Entre pessimisme et espoir

Doit-on se résigner à cette médecine à deux vitesses, comme si elle était une fatalité marocaine ? Rien n’est écrit. Le Maroc a déjà montré qu’il pouvait réformer en profondeur des secteurs complexes, comme l’énergie ou les infrastructures. La santé ne devrait pas être l’exception.

Le véritable défi n’est pas seulement budgétaire. Il est aussi moral et politique : accepterons-nous que l’argent continue de décider qui a droit à une vie sauvée et qui doit attendre la mort dans les couloirs des hôpitaux publics ?

La crise d’Agadir aura au moins eu une vertu : réveiller les consciences.

Les réseaux sociaux, imparfaits mais puissants, ont rappelé que derrière les statistiques se cachent des vies. Il appartient désormais aux décideurs d’assumer leur responsabilité historique. Car un pays qui échoue à soigner ses citoyens mine sa propre légitimité. La santé n’est pas un luxe, elle est le socle même de la confiance entre l’État et ses citoyens.

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Jeudi 18 Septembre 2025

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