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Sauvez la jeunesse…!


Par Rachid Boufous

Un pays se mesure à la place qu’il accorde à sa jeunesse. C’est là que se lit sa grandeur ou sa décadence. Le Maroc d’aujourd’hui, pourtant riche de promesses, semble avoir relégué la sienne à la marge. Les jeunes n’ont plus de place, ni dans l’emploi, ni dans le logement, ni même dans l’imaginaire collectif. On leur parle de croissance, ils voient du chômage.

On leur parle de réformes, ils vivent l’immobilisme. On leur parle de rêve, ils affrontent le mur de la réalité. C’est un décalage devenu structurel entre un discours de modernité et une pratique de blocage. Le Maroc n’a pas un problème de talent, il a un problème de clés : celles qui ouvrent les portes de la confiance, de la mobilité, de la dignité.



La jeunesse marocaine n’est pas désintéressée.

Rachid BOUFOUS
Rachid BOUFOUS
Elle est désenchantée. Elle ne fuit pas le pays par manque d’amour, mais par absence d’horizon. Elle ne rejette pas le travail, elle rejette la précarité comme destin. Elle ne refuse pas l’autorité, elle refuse l’arbitraire. Cette génération est instruite, connectée, informée. Elle ne demande pas des faveurs, mais des conditions d’équité. Elle ne veut pas de tutelle, mais de visibilité. Elle veut que le pays reconnaisse ses compétences, ses rêves, sa valeur.

Or ce que le Maroc lui offre aujourd’hui, c’est un labyrinthe : des procédures interminables, des guichets fermés, des programmes d’insertion sans lendemain. Il faut changer de paradigme. La jeunesse n’est pas une variable d’ajustement, c’est le moteur central du développement. Ce n’est pas une dépense sociale, c’est un investissement stratégique. Le Maroc a longtemps cru qu’il suffisait de construire des routes et des zones industrielles pour se moderniser.

Mais un pays ne se modernise pas seulement par ses infrastructures ; il se modernise par ses citoyens. Une société qui ne donne pas la parole et la responsabilité à sa jeunesse se condamne à tourner en rond, prisonnière de son passé.

La clé du changement, c’est d’abord la liberté.

À dix-huit ans, chaque jeune devrait recevoir automatiquement son passeport et son permis de conduire : deux symboles fondamentaux de confiance et d’émancipation. Le passeport, c’est le droit à l’horizon, le droit d’explorer, de revenir enrichi, d’élargir le regard. Le permis, c’est le droit au mouvement, à la dignité, à l’autonomie. Quand un État donne ces deux clés à un jeune, il lui dit : “Je te fais confiance". Tu es libre, donc responsable.” Or c’est précisément ce que la société marocaine n’ose pas encore dire à sa jeunesse. Elle préfère l’encadrer, la contrôler, la surveiller, au lieu de la libérer.

Deuxième verrou : le capital. Les jeunes Marocains regorgent d’idées, mais se heurtent à la muraille du financement. Les institutions bancaires ne leur parlent pas ; elles leur opposent le langage du risque et des garanties. Il faut créer un véritable Fonds générationnel, alimenté par l’État, les régions, les entreprises et la diaspora, pour cofinancer les projets des jeunes, qu’ils soient économiques, culturels ou technologiques.

Ce fonds, inspiré des modèles asiatiques, permettrait de transformer les idées en entreprises, les rêves en emplois. Parallèlement, il faut réserver 10 % des marchés publics aux jeunes entrepreneurs, non par charité, mais par lucidité : c’est là que naît la croissance du futur. Quand un pays croit en sa jeunesse, il n’attend pas qu’elle réussisse ailleurs pour la célébrer ; il lui donne les moyens de réussir ici.

Mais aucune politique de jeunesse ne réussira sans repenser le rapport entre formation et emploi.

Le gouffre qui sépare l’école du marché du travail est devenu abyssal. Des milliers de diplômés errent entre espoir et désillusion. Il faut instaurer une “Garantie Premier Emploi” : toute entreprise qui embauche un jeune devrait être exonérée de charges pendant deux ans. Ce n’est pas une faveur fiscale, c’est une politique d’insertion intelligente, qui transforme la première chance en premier salaire, et la première expérience en tremplin.

À cela s’ajoute l’urgence d’une révolution éducative. Le Maroc continue de produire des diplômés sans débouchés, au lieu de former des citoyens capables d’apprendre à apprendre. Il faut enseigner à coder, à gérer, à inventer, à collaborer, à oser. Chaque jeune devrait disposer d’un Passeport Compétences numérique : un CV vivant, certifié, reconnu par les entreprises, intégrant ses savoirs formels et informels. L’école du XXIe siècle doit être un lieu d’éveil, pas d’attente. Mais une société ne se reconstruit pas uniquement par le travail ou la formation.

Elle se refonde aussi par le sens du collectif. C’est pourquoi il faut instaurer un service civique volontaire, de six mois, au service de la nation dans les écoles, les hôpitaux, le patrimoine, l’environnement. Servir, c’est grandir. Donner de soi, c’est apprendre à aimer ce que l’on reconstruit. Ce service ne doit pas être une conscription forcée, mais un contrat moral avec la patrie.

Le Maroc ne pourra se relever sans sa jeunesse, parce que la jeunesse, c’est sa force vive, sa mémoire en devenir, sa chance d’échapper à la répétition des erreurs.

Laisser une génération entière dans le désespoir, c’est préparer la fracture de demain. Investir dans la jeunesse, c’est investir dans la stabilité, dans la confiance, dans la paix. Chaque dirham investi dans la jeunesse en rapporte trois en emploi, en cohésion, en créativité. À l’inverse, chaque dirham refusé à la jeunesse se paie plus tard en colère et en désordre. Le Maroc ne manque pas d’intelligence, ni d’énergie, ni de passion.

Il manque de clés, d’audace et de confiance. Occupez-vous de la jeunesse. Non pour la surveiller ni pour la distraire, mais pour la libérer. Le Maroc n’a pas besoin d’un plan d’urgence ; il a besoin d’un pacte de confiance. La jeunesse n’attend pas d’être encadrée. Elle attend d’être écoutée, reconnue, responsabilisée. Ce pays n’a pas de problème de talent. Il a un problème de clés. Donnons-les aux jeunes, et l’avenir s’ouvrira.

PAR RACHID BOUFOUS/FACEBOOK.COM



Samedi 11 Octobre 2025


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