Depuis la rupture officielle des relations diplomatiques en août 2021, le fossé entre Rabat et Alger n’a cessé de se creuser.
À première vue, rien ne semble pouvoir rapprocher deux États dont les doctrines extérieures reposent sur des paradigmes antagonistes : la légitimité monarchique, modernisatrice et réformiste d’un côté ; le nationalisme révolutionnaire, anti-hégémonique et souverainiste de l’autre. Mais c’est précisément dans cette opposition structurelle que réside, paradoxalement, la possibilité d’un dialogue sous contrainte.
L’Amérique, fidèle à son pragmatisme géopolitique, ne s’attaque pas à ce dossier par idéalisme mais par nécessité stratégique.
Pour Washington, réconcilier Rabat et Alger ne relève pas d’un romantisme méditerranéen : il s’agit de reconstruire un espace cohérent, sécurisé et économiquement interdépendant capable de stabiliser le Sahel, de contenir la pénétration russe et de garantir à l’Europe un accès énergétique et commercial fiable. Le Maghreb est perçu comme le verrou manquant entre la Méditerranée et l’Afrique, et sa division comme une anomalie coûteuse.
La diplomatie américaine, en évoquant « soixante jours », joue sur un ressort psychologique :
Ce format multilatéral offrirait une garantie politique à Alger, soucieuse de ne pas donner l’image d’une concession unilatérale. Dans une seconde phase, des mesures techniques pourraient être activées : levée partielle des restrictions aériennes, coordination sécuritaire sur les zones frontalières, et réouverture graduelle des liaisons consulaires et commerciales.
Ces gestes ne relèvent pas encore de la paix, mais d’une normalisation fonctionnelle :
Les Américains le savent : ils ne régleront pas ce différend en deux mois, ni en deux ans. Leur approche est différente : neutraliser le conflit sans le résoudre, créer une zone de coopération économique parallèle où la question du Sahara ne serait plus l’axe unique des relations. C’est une diplomatie de contournement, mais parfois le contournement est le seul chemin praticable.
Il reste cependant un obstacle psychologique majeur :
À ce titre, l’ONU pourrait servir de caution procédurale, mais c’est la crédibilité américaine, son poids économique et sécuritaire, qui constituerait le véritable gage de continuité. Le pari de Witkoff et Kushner n’est pas un rêve : c’est une expérimentation géostratégique. En soixante jours, il ne s’agit pas de transformer des décennies d’antagonisme en fraternité, mais d’enclencher un processus irréversible de désescalade.
Si, d’ici la fin de l’année, un communiqué conjoint venait simplement annoncer la reprise de contacts officiels, la création d’un comité bilatéral technique et la levée partielle de certaines restrictions aériennes, ce serait déjà une victoire diplomatique majeure.
Elle réintroduit dans le vocabulaire maghrébin la possibilité d’une détente, l’idée que l’avenir n’est pas condamné à répéter les rancunes du passé. Le Maroc et l’Algérie ne sont pas des ennemis naturels, mais des rivaux piégés par leurs récits. La paix, dans ce contexte, ne sera pas une émotion ; ce sera une architecture.
Et si la diplomatie américaine parvient, ne serait-ce qu’à ébaucher les fondations de cette architecture, elle aura accompli bien plus qu’un coup médiatique : elle aura redonné au Maghreb la chance de redevenir un acteur, et non un théâtre, de l’histoire du monde, en seulement soixante jours…
PAR RACHID BOUFOUS/FACEBOOK.COM












L'accueil




Le Cirque parlementaire












