La décision de TotalEnergies de transférer son service client basé à Liège vers le Maroc illustre la poursuite d’une stratégie internationale de rationalisation des fonctions support. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance sectorielle où la centralisation ou la délocalisation ciblée vers des hubs multilingues vise à améliorer l’efficacité opérationnelle tout en contenant la structure de coûts.

Le choix du Maroc n’est pas fortuit. Le pays s’est imposé comme plateforme BPO (Business Process Outsourcing) francophone et multilingue grâce à un vivier de diplômés, une infrastructure télécom robuste, des zones nearshore offrant continuité horaire avec l’Europe et un cadre incitatif (zones offshores, dispositifs de formation cofinancée). L’écosystème regroupe déjà des acteurs spécialisés dans l’énergie, les télécoms et la finance, favorisant des synergies de compétences transversales (gestion de la relation omnicanale, analyse de données conversationnelles, conformité).

Pour TotalEnergies, les gains attendus combinent: (1) réduction des coûts salariaux unitaires, (2) flexibilité d’adaptation des équipes (scalabilité sur pics saisonniers ou campagnes), (3) intégration accélérée d’outils digitaux (assistants virtuels, RPA) dans un environnement où l’automatisation est souvent co‑développée avec les prestataires. La société affirme maintenir ses standards de satisfaction (taux de résolution au premier contact, NPS, délais de traitement), enjeu crucial pour éviter le sentiment de dégradation chez les clients européens.

Les risques classiques d’un transfert sont identifiés: perte temporaire de capital tacite (connaissance spécifique des cas d’usage locaux), fluctuations qualité durant la phase de transition, potentielle perception négative en termes d’emploi dans la région d’origine. Les meilleures pratiques incluent des périodes de chevauchement d’équipes, le shadowing des conseillers sortants par les entrants, et l’utilisation de bases de connaissances dynamiques enrichies par l’IA pour réduire la courbe d’apprentissage.

La transformation digitale est un catalyseur: l’intégration de solutions d’analyse sémantique permet de détecter précocement dégradations de tonalité, tandis que des modules de recommandation suggèrent des scripts adaptatifs. En centralisant ces outils sur une plateforme cloud sécurisée, l’entreprise peut uniformiser l’expérience tout en collectant des insights sur les attentes clients (transition énergétique, offres de mobilité électrique, contrats multi-énergies).

Du point de vue marocain, l’arrivée d’un nouveau pan d’activité dans la filière relation client renforce la montée en gamme vers des services complexes à valeur ajoutée (back-office technique, support multicanal, gestion de dossiers énergie verte). Le défi structurel reste la rétention des talents face à une concurrence soutenue et à l’attrition naturelle de centres haute intensité. Programmes de montée en compétences (certifications, filières data) et parcours internes évolutifs deviennent des leviers de fidélisation.

Sur le plan réputationnel, TotalEnergies devra articuler ce choix avec ses engagements ESG: démontrer que l’optimisation opérationnelle n’entrave ni la protection des données (conformité RGPD) ni l’empreinte environnementale (centres certifiés ISO 14001, efficacité énergétique).

Si la transition est bien orchestrée, elle peut offrir un cas d’école de délocalisation maîtrisée, où gains d’efficience ne se paient pas d’une érosion de l’expérience client. Le suivi des indicateurs post‑migration dira si l’équation stratégique tient ses promesses.