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Trump et 'ses' nouveaux droits de douane


Le président Trump avait fait une promesse sur l'augmentation des droits douane sur les produits en provenance du Canada, de Chine ou de l'Union européenne. Il parait bien décidé à la tenir. Et le droit international dans tout ça ?



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Par Mustapha Sehimi

Une première interrogation tout d'abord : le nouveau locataire de le Maison Blanche peut-il augmenter librement les droits de douane de manière unilatérale comme annoncé ? La réponse est celle-ci : tout dépend de l’existence ou non d'un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'État visé par l'augmentation des droits de douane. La situation n'est pas univoque : elle est variable du fait que plusieurs États sont visés. Mais, en tout état de cause, l'on peut relever sans difficulté le caractère unilatéral de cette augmentation unilatérale.
 

Avec le Ottawa et Mexico, il existe l'accord États-Unis / Mexique/Canada; il a remplacé l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 2020 et il prévoit l'application de droits de douane préférentiels entre les États parties. Et une augmentation unilatérale des droits de douane constitue - sauf disposition contraire de cet accord - une violation de cet instrument ; elle peut ainsi fonder le droit d'engager certaines procédures. En l'absence d'un tel accord, c'est alors le "droit commun" du commerce international qui trouverait à s'appliquer, c'est-à-dire le droit de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce droit repose sur un principe simple : celui de la "consolidation des concessions". Il implique qu'un membre de l'OMC ne peut augmenter les droits de douane unilatéralement car leurs montants sont négociés dans un cadre multilatéral. Dans un cas comme dars l'autre, une augmentation unilatérale constitue donc, sans le moindre doute possible, une violation du droit international.
 

Caractère illicite

Compte tenu du caractère a priori illicite de ces augmentations, il faut distinguer entre des réactions possibles de deux ordres, étroitement liés d'ailleurs. La première est d'ordre institutionnel : c'est celle de l'enclenchement de procédures de règlement des différends sur le fondement des textes méconnus. Il existe en effet dans les accords de libre-échange - et notamment dans l'accord États-Unis / Mexique/Canada - des dispositifs de règlement des litiges commerciaux, inspirés largement du droit de l'OMC. Ces mécanismes ont prouvé leur utilité dans le passé. Mais leur enclenchement est lourd et demande du temps en moyenne 15 mois avec appel. Mais précisément, Washington bloque le fonctionnement de cet organe d'appel de l'OMC, en empêchant le remplacement des juges qui y siègent...

 

Fatigue de la mondialisation

L'arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017 a sans doute donné le coup d'envoi d'une vague populiste : elle s'est répandue ensuite dans toutes les démocraties. Cette montée en puissance est un terreau pour des politiques avec leur discours vers les déshérités de la mondialisation. Le discours nationaliste, si prégnant aujourd'hui, colle bien à cette idée de protéger les frontières, contre les biens ou les personnes venus de l'étranger. Une raison qui explique que le monde tourne désormais la page de décennies de libre-échange. Le commerce entre nations - facteur de paix et fauteur de troubles dans l'histoire - renoue avec 1es rapports de force. Les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) chargée de lever justement les obstacles au libre-échange, n'avancent pas : tant s'en faut. Les négociations sur l'agriculture et la pêche se sont bien achevées en mars 2024 mais dans la cacophonie : aucun compromis n'a pu être trouvé, faute de consensus. Tout juste peut-on mentionner un accord pratiquement à l'arraché interdisant les subventions à la pêche illégale, maigre consolation...
 

Tout paraît se passer comme si s'installait de plus en plus une grande fatigue de la mondialisation chez les citoyens, les entreprises et les politiques. Une situation inévitable qui ne sera pas sans conséquences financières, économiques et politiques. Le protectionnisme qui est le crédo de la politique des taxes douanières de Trump nourrit l'agressivité économique et l'unilatéralisme de Washington. L'ouverture au monde est généralement considérée comme un garant de paix. Référence historique est faite à la théorie développée par Montesquieu selon laquelle les échanges commerciaux entre pays favorisent la bonne entente politique - ce que l'on a appelé le "doux commerce". La guerre serait difficile entre partenaires commerciaux, car leurs relations de dépendance sont telles que le cout du conflit serait trop élevé.
 

Ces dispositifs peuvent offrir des possibilités : celles de l'adoption des contre-mesures relativement efficaces, pouvant par ailleurs être enclenchées à titre provisoire. C'est souvent cette seconde position qui est généralement mise en œuvre par les États en attendant l'activation du mécanisme de règlement des différends. Elle se traduit par des mesures temporaires, sous la forme d'une augmentation des droits de douane sur les produits américains. Cette possibilité est reconnue par le droit de l'OMC ainsi que par les accords de libre -échange. Le but ? Neutraliser l'avantage économique généré par l'augmentation initiale des droits de douane. Elle a en effet pour conséquence de freiner l'entrée de produits étrangers aux États -Unis. Mais d'un autre côté, la surtaxe douanière établie par les partenaires freine la possibilité pour les produits américains d'être vendus à l'étranger. Cela peut donc conduire à une somme nulle: l'État à l'origine de la première augmentation des droits de douane s'astreint à la retirer, faute d'un intérêt économique.
 

Une réalité économique complexe

Par -delà ce schéma par trop simple, il vaut de noter que la réalité est autrement plus complexe. L'augmentation des droits de douane n'est-elle pas une mesure aux effets incertains et pas toujours bénéfiques ? Le président Trump soutient que c'est là une mesure de "bon sens ". Mais sera-t-elle neutre pour les entreprises américaines ? Ne va-t-elle pas renforcer la place des entreprises chinoises, notamment dans les États au Sud, faute pour les entreprises américaines de pouvoir y exporter autant qu'aujourd'hui ? De plus, dans ce registre des contre-mesures, il n’est pas établi que l’augmentation des prix des marchandises ou services se traduise toujours par une diminution mathématique des parts de marché. Il faut ajouter un autre paramètre relatif à cette augmentation des droits de douane : celui de l'effet sur les entreprises et les consommateurs ressortissants des États qui l'adoptent, soit directement par suite du renchérissement des produits importés, soit indirectement dans le sens d'une limitation de l'offre sur le marché et partant une inflation des prix.
 

L'approche du président Trump a-t-elle un motif réel, raisonnable et rationnel ? Le but des mesures n'est-il pas de protéger le marché américain à court terme, en ignorant leurs effets négatifs à moyen et long terme. Une gouvernance éligible à l'unilatéralisme et pas au multilatéralisme.

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid




Mardi 28 Janvier 2025

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