Par Mustapha Sehimi
Un ouvrage qui est une précieuse contribution à l'appréhension d'une certaine mémoire collective (avril 2025, 341 p, éd. Centre d'Études et de Recherches Mohamed Bensaid Ait Idder). Les documents et les mémoires ne manquent pas dans ce domaine : tant s'en faut. L'on peut ainsi faire référence à des acteurs de premier plan qui ont livré leurs parcours : Abderrahim Bouabid, Abderrahmane El Youssoufi, Mhmmed Boucette, fquih Basri, Abdelouahed Radi, Fathallah OulalouMohamed Elyazghi dans un premier lot; puis Mohamed Belhassan El Ouazzarin et, Mahjoubi Aherdan dans un autre périmètre; sans oublier des essais (Zakya Daoud, Pierre Vermeren, Driss Benzekri, Ahmed Marzouki, Mohamed Leftah et des travaux universitaires : Université Hassan II, Mohammed V et Fès.
Illusion lyrique et... rupture
Quatre parties articulent ce livre : l'acquisition du savoir et du patriotisme, l'engagement révolutionnaire - une réalité, 1’UNFP, le putsch et les négociations, la révolution UNFP, en quête d'une démocratie et d'unité nationale, l'option révolutionnaire sans les armes et militer en France. Au total, une vaste fresque de décennies d'une histoire passablement heurtée, abordée non pas aux dans l'optique d'un discours d'une certaine bien-pensante pas seulement officielle mais autrement : l'autre face, les mains et les actes dans le cambouis d'épisodes sombres, heurtés aussi.
Géologue de formation, Brahim Ouchelh a sans doute la bonne méthodologie pour mettre en relief, ici, la sédimentation d'une histoire marocaine chahutée avec tant d'épisodes. Un entrelacs articulé de lignes courbes, souvent brisées, imbriquées les unes dans les autres. Il livre tant de faits et de détails ; il évoque en même temps bien des profils et des comportements. Ce qui était en cause ? Une sorte d'illusion lyrique marquée du sceau de la rupture avec le système. Il n'était pas question d'alternance - comme le fut le compromis historique de 1998 avec le cabinet El Youssoufi entre la monarchie et les partis héritiers du mouvement national. C'était plutôt l'alternative - la ligne Fqih Mohamed Basri, tenant d'une radicalité de substitution.
Il aura fallu le congrès de l'USFP en janvier 1975 pour que cette formation dirigée alors par Abderrahim Bouabid se rallie à "l'option démocratique". Pour autant, un autre courant avec fqih Basri et Abderrahmane El Youssoufi continuera toujours, lui, à l'organisation de la lutte armée avec le soutien de pays arabes connus dont la Libye. L'auteur rappelle avec forces détails certains faits des dirigeants UNFP " au parfum" des coups d'État de 1971 et 1972, des opérations arrêtées avec des concours hybrides et, des divergences entre les dirigeants de l'opposition Il nous livre non pas un rendu d'historien académique mais autre chose : la sollicitation de sa mémoire. Mostafa Bouaziz qui préface ce livre a raison de relever que " la publication des mémoires de Barhim Ouchelh est une aubaine exceptionnelle pour toutes celles et tous ceux que le passé proche du Maroc intéresse". Et d'ajouter que " la publication sauve un « matériau périssable » de la destruction et de l'oubli".
Il a ainsi ouvert sa mémoire. Une exploration portant sur plusieurs domaines couvrant les contours d'une mouvance prenant en charge à sa manière et avec son référentiel des notions aussi complexes que celles de la Nation, de la Démocratie et de la Libération. Un socle sans doute fédérateur faisant place à des sensibilités bien différenciées. L'UNFP n'a pas connu évidemment un long cours tranquille : tant s'en faut. Principal parti d'opposition, bénéficiant d'une grande charge de légitimité historique, il a été aussi un cadre d'"intrigues, d'incohérences" et même de contradictions. Brahim Ouchelh les traite avec distanciation, sans taire ses critiques.
Régression
Il s'impose un devoir de mémoire : "Rappeler ce qui a été et pourquoi tout fut entrepris"; transmettre ainsi " des réalités aux générations qui les ignorent". Amnistié avec des dizaines d’exilés politiques, il revient au Maroc en août 1994. Comme d'autres "opposants rescapés", il a choisi en 1975 le renoncement "à tout recours à la violence et décidé de rompre avec les actions armées". Il estime qu'aujourd'hui, après les sacrifices, que "les Marocains méritent une vie politique sociale paisible et juste, dans un État de droit, ni contesté ni contestable".
En épilogue, quel regard porte-t-il sur son parcours militant? Il s'en explique en tant que géologue: il y a "des ères géologiques avec des périodes de régression, de désertification des continents et d'autres de transgression, fertilisant le Sahara". Aujourd'hui, qu'en est-il ? Une régression, une "période de recul de la démocratie et de la liberté". De l'amertume sans doute. Avec cet acquis ou plutôt ce satisfecit même : "Nous avons œuvré pour éviter au Maroc toute zone de forte turbulence... " et : "Nous nous sommes battus pour nous conquérir nous mêmes".
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid












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