En juillet 2024, à l’occasion du 25e anniversaire de son accession au trône, le roi Mohammed VI lançait un appel clair et grave : face à un stress hydrique devenu structurel, le Maroc se devait d’engager une révolution dans la gestion de l’eau. Au cœur de cette stratégie nationale, la désalinisation de l’eau de mer apparaît comme un levier central. Mais derrière la promesse d’un avenir hydrique sécurisé, des questions persistent : ce pari technologique est-il économiquement soutenable ? Est-il réellement adapté aux besoins du Royaume ? Et à quel prix environnemental ?
Le potentiel est indéniable. Le Maroc dispose de plus de 3 000 kilomètres de côtes, entre Atlantique et Méditerranée. Ce littoral constitue un atout majeur dans un pays où la répartition des ressources en eau est inégale, concentrée dans le nord alors que le sud souffre de sécheresses chroniques. Pour répondre à cette urgence, le Plan national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) prévoit la mise en service de 26 stations de dessalement à l’horizon 2040. La capacité totale de traitement atteindra 1 257 millions de mètres cubes par an, soit une multiplication par quatre par rapport à l’existant.
À première vue, les chiffres sont impressionnants. Déjà opérationnelles ou en voie de réalisation, dix-sept stations délivrent 322 millions de m³, principalement à Agadir, Jorf Lasfar, Safi, Laâyoune ou Dakhla. D’ici 2035-2040, neuf nouvelles stations s’ajouteront, dont les géantes de Casablanca (300 Mm³) et Nador (250 Mm³). À elles seules, ces deux unités représenteront près de la moitié des volumes futurs désalinisés.
Mais la question du coût reste en suspens. Si le recours aux énergies renouvelables – solaire et éolien – pour alimenter les stations permet de réduire l’empreinte carbone, l’investissement initial demeure colossal. Les chiffres ne sont pas publics, mais chaque mètre cube produit revient plus cher que celui issu des barrages ou des nappes phréatiques. Par ailleurs, le coût d’entretien, le transport de l’eau vers l’intérieur des terres et la gestion de la saumure – les rejets salés post-dessalement – posent des défis environnementaux peu discutés dans les documents officiels.
Au-delà des considérations techniques, la désalinisation interroge sur le choix de priorités. En effet, près de 60 % de l’eau désalinisée est destinée à l’eau potable, 34 % à l’irrigation, et à peine 6 % à l’industrie. L’option politique est claire : sécuriser l’accès à l’eau des populations urbaines et rurales en priorité. Mais cela signifie également que le secteur agricole, pourtant vital pour l’économie nationale et la souveraineté alimentaire, devra se contenter de ce que le système pourra lui allouer, en second rang.
Le discours royal de juillet 2024, lucide, insistait d’ailleurs sur ce point : investir dans l’offre ne suffira pas. Il faut agir sur la demande, lutter contre le gaspillage et repenser les usages. Dans un pays où les fuites dans les réseaux urbains atteignent parfois 30 %, où les modèles agricoles sont souvent gourmands en eau, et où la conscience écologique reste encore fragmentaire, l’enjeu est autant culturel que technique.
La désalinisation n’est pas un mirage. C’est une réponse possible, voire indispensable, à un déséquilibre hydrique qui s’aggrave. Mais elle ne saurait constituer une panacée. En misant massivement sur cette technologie, le Maroc trace une voie ambitieuse, innovante et risquée. Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité à intégrer les questions économiques, écologiques et sociales, dans une approche équilibrée et durable.
Car l’eau, dans ce XXIe siècle marqué par les bouleversements climatiques, n’est plus seulement une ressource : c’est un marqueur de souveraineté, de justice territoriale et de survie collective.
Le potentiel est indéniable. Le Maroc dispose de plus de 3 000 kilomètres de côtes, entre Atlantique et Méditerranée. Ce littoral constitue un atout majeur dans un pays où la répartition des ressources en eau est inégale, concentrée dans le nord alors que le sud souffre de sécheresses chroniques. Pour répondre à cette urgence, le Plan national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) prévoit la mise en service de 26 stations de dessalement à l’horizon 2040. La capacité totale de traitement atteindra 1 257 millions de mètres cubes par an, soit une multiplication par quatre par rapport à l’existant.
À première vue, les chiffres sont impressionnants. Déjà opérationnelles ou en voie de réalisation, dix-sept stations délivrent 322 millions de m³, principalement à Agadir, Jorf Lasfar, Safi, Laâyoune ou Dakhla. D’ici 2035-2040, neuf nouvelles stations s’ajouteront, dont les géantes de Casablanca (300 Mm³) et Nador (250 Mm³). À elles seules, ces deux unités représenteront près de la moitié des volumes futurs désalinisés.
Mais la question du coût reste en suspens. Si le recours aux énergies renouvelables – solaire et éolien – pour alimenter les stations permet de réduire l’empreinte carbone, l’investissement initial demeure colossal. Les chiffres ne sont pas publics, mais chaque mètre cube produit revient plus cher que celui issu des barrages ou des nappes phréatiques. Par ailleurs, le coût d’entretien, le transport de l’eau vers l’intérieur des terres et la gestion de la saumure – les rejets salés post-dessalement – posent des défis environnementaux peu discutés dans les documents officiels.
Au-delà des considérations techniques, la désalinisation interroge sur le choix de priorités. En effet, près de 60 % de l’eau désalinisée est destinée à l’eau potable, 34 % à l’irrigation, et à peine 6 % à l’industrie. L’option politique est claire : sécuriser l’accès à l’eau des populations urbaines et rurales en priorité. Mais cela signifie également que le secteur agricole, pourtant vital pour l’économie nationale et la souveraineté alimentaire, devra se contenter de ce que le système pourra lui allouer, en second rang.
Le discours royal de juillet 2024, lucide, insistait d’ailleurs sur ce point : investir dans l’offre ne suffira pas. Il faut agir sur la demande, lutter contre le gaspillage et repenser les usages. Dans un pays où les fuites dans les réseaux urbains atteignent parfois 30 %, où les modèles agricoles sont souvent gourmands en eau, et où la conscience écologique reste encore fragmentaire, l’enjeu est autant culturel que technique.
La désalinisation n’est pas un mirage. C’est une réponse possible, voire indispensable, à un déséquilibre hydrique qui s’aggrave. Mais elle ne saurait constituer une panacée. En misant massivement sur cette technologie, le Maroc trace une voie ambitieuse, innovante et risquée. Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité à intégrer les questions économiques, écologiques et sociales, dans une approche équilibrée et durable.
Car l’eau, dans ce XXIe siècle marqué par les bouleversements climatiques, n’est plus seulement une ressource : c’est un marqueur de souveraineté, de justice territoriale et de survie collective.












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