Dimanche 28 Décembre 2025
Longtemps, Madame Soleil a incarné une forme de rassurance collective. Elle ne disait pas toujours vrai, mais elle disait quelque chose. Une direction, un récit, une illusion d’ordre. Même quand ses prédictions étaient floues, elles supposaient une chose essentielle : que le monde obéissait encore à des lignes de force lisibles. Or c’est précisément cela qui a disparu. Non pas l’avenir, mais sa lisibilité.
Aujourd’hui, la boule de cristal ressemble à un écran noir. Non pas parce que l’avenir n’existe plus, mais parce qu’il se fragmente en mille scénarios concurrents, contradictoires, simultanés. Une guerre qui devait durer trois mois entre dans sa quatrième année. Une intelligence artificielle censée assister l’humain commence à le déstabiliser. Des économies annoncées solides tanguent au moindre tweet. Des alliances historiques se fissurent pendant que des partenariats improbables émergent. Le futur n’est plus une ligne : c’est un nuage.
Madame Soleil, en professionnelle honnête, a compris que continuer aurait relevé de l’escroquerie intellectuelle. Comment prédire un monde où la certitude est devenue suspecte ? Où l’expert est contredit en temps réel par un algorithme, un influenceur ou un événement imprévu ? Où même les institutions qui planifiaient à vingt ans parlent désormais de “gestion de crise permanente” ? La voyance, comme la prospective classique, repose sur une hypothèse devenue fragile : la stabilité minimale du système.
Sa démission est donc moins une plaisanterie qu’un symptôme. Elle marque la fin d’un rapport confortable au futur. Pendant des décennies, nous avons cru qu’il suffisait de regarder plus loin, avec de meilleurs outils, plus de données, plus de modèles, pour anticiper. Or nous découvrons que l’accumulation d’informations n’éclaircit pas toujours l’horizon. Elle peut aussi l’obscurcir. Trop de signaux, trop de variables, trop d’interactions.
Il y a aussi, dans ce renoncement, une forme de sagesse. Dire “je ne sais plus” est devenu un acte courageux. À l’heure où chacun est sommé d’avoir un avis sur tout — guerre, climat, IA, élections, monnaie, identité — Madame Soleil choisit le silence. Elle reconnaît ce que beaucoup refusent d’admettre : l’incertitude n’est plus transitoire, elle est structurelle.
Faut-il s’en inquiéter ? Pas nécessairement. Car la disparition des prophètes ouvre peut-être un espace nouveau : celui de la responsabilité collective. Quand personne ne peut prédire à notre place, il faut décider ensemble, ajuster, corriger, naviguer à vue. Le futur cesse d’être un destin écrit pour devenir un chantier ouvert. Inconfortable, certes. Mais plus adulte.
En quittant la scène, Madame Soleil nous tend un miroir. Ce n’est pas sa boule qui est vide, c’est notre besoin de certitudes qui est devenu excessif. Le monde n’est pas illisible : il est simplement instable. Et dans un monde instable, la meilleure boussole n’est plus la prédiction, mais la lucidité.
Madame Soleil a démissionné. Peut-être fallait-il cela pour que nous commencions, enfin, à regarder l’avenir sans chercher quelqu’un pour nous le raconter à notre place.












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