Il y a, dans tout projet de loi de finances, un moment où les chiffres cessent d’être des colonnes et deviennent une histoire. Celle du PLF 2026, telle que la racontent nos douze articles, tient en trois verbes : assainir, investir, protéger. Assainir une trajectoire budgétaire pour revenir à un déficit de l’ordre de 3 % du PIB. Investir massivement pour accrocher la prochaine marche industrielle et logistique. Protéger les ménages par un impôt plus juste et un filet social mieux ciblé. Sur le papier, l’architecture tient. La vraie question n’est plus « quoi », mais comment — et à quelle vitesse.
Assainir, d’abord. 2026 marque un retour à une grammaire budgétaire plus lisible : effort sur le solde primaire, charge d’intérêts contenue, règle d’endettement en vue. Le cadrage n’est pas austéritaire ; il est prosaïque. Il assume que la soutenabilité se gagne mètre après mètre, par des élasticités de recettes crédibles (IS, IR, TVA), des retenues à la source qui sécurisent la collecte et un refus des « mauvais tours » (retarder des remboursements de TVA, geler l’entretien, étirer les délais de paiement). La sincérité n’est pas un supplément d’âme ; c’est un coût du capital moindre pour tous.
Investir, ensuite. L’effort d’équipement de l’État et des EEP demeure élevé, parce que c’est la seule façon d’abaisser durablement les coûts — eau, énergie, logistique, numérique — et d’ouvrir de nouveaux bassins d’emplois. Les chiffres d’enveloppes impressionnent moins que les questions simples : les projets sont-ils prêts (études, foncier, autorisations) ? Les calendriers sont-ils crédibles ? Les réserves de précaution, utiles pour piloter la trésorerie, seront-elles libérées au bon moment vers les chantiers mûrs ? Un investi mal phasé coûte double : aujourd’hui, en immobilisations stériles ; demain, en crédibilité perdue.
Protéger, enfin. Le PLF 2026 ne promet pas la lune : il allège l’IR là où le dirham compte, exonère les pensions de base, neutralise la TVA sur l’essentiel, resserre la compensation au sucre, au blé et au butane, et cible les transferts via registres sociaux. On ne corrige pas toutes les inégalités par l’impôt ; on corrige les plus urgentes et on finance des services publics qui réduisent les dépenses contraintes des ménages. Le test n°1 ne sera pas dans un PDF : il se jouera au magasin, au centre de santé, dans la salle de classe.
La partie recettes est, sans fard, la plus délicate. Oui, l’État peut mobiliser davantage sans taxer plus, grâce aux retenues à la source (prestations au secteur financier, grandes entreprises, loyers professionnels), au marquage fiscal des carburants, à la digitalisation et à des délais de restitution tenus. Mais la conformité n’est pas un décret : c’est un contrat. Il suppose une administration qui paye à l’heure (TVA), répond vite (rescrit), contrôle mieux (données) et sanctionne justement. La recette pérenne est une relation de confiance.
Sur l’extérieur, le pari est assumé : métiers mondiaux (automobile, aéronautique, dérivés de phosphates), voyages et MRE doivent garder la balance des paiements dans une zone de confort pendant que l’investissement tire l’import d’équipements. Le commerce mondial n’est ni un cadeau, ni une fatalité : il récompense les pays qui apportent capacité, qualité, délais. Ce n’est pas qu’une question d’usines ; c’en est une de ports, d’aéroports, de rail, et de talents.
Reste la douane. L’angle choisi — protection intelligente — est le moins idéologique et le plus opérationnel : relever quelques droits là où la concurrence est manifestement déséquilibrée (monofilaments, électroménager de base, résine PVC), alléger un intrant industriel (profilés pour ventilation), continuer la « chirurgie » pharmaceutique pour concilier sécurité d’approvisionnement et montée en gamme. Le critère de réussite est trivial : plus d’ateliers occupés, pas de pénuries, pas d’inflation artificielle à la caisse. Et la lucidité de revenir en arrière si les effets de bord dépassent l’intention.
Le chapitre « recettes non fiscales & EEP » dit, à lui seul, la maturité d’un État : remonter des dividendes quand c’est soutenable, valoriser des actifs quand c’est pertinent, vendre quand c’est opportun — et jamais pour boucher des trous. Le propriétaire public du XXIᵉ siècle n’est pas un rentier ; c’est un gestionnaire. S’il réussit ce virage, le budget gagne un troisième pilier de stabilité, moins volatile que l’impôt seul.
Tout cela, enfin, repose sur une gouvernance qui ne se contente pas d’objectifs, mais publie des tableaux de bord : libération de la réserve d’investissement, taux d’engagement/paiement par ministère, remboursements de TVA, effets IR par déciles, prix/volumes de la compensation, écarts d’exécution régionaux, calendrier d’émissions de dette, stress tests. Le Parlement doit s’en saisir, non pour rejouer le débat d’orientations, mais pour arbitrer en cours de route. Dans la vie d’un budget, l’ennemi n°1 n’est pas l’opposition : c’est le temps.
Notre position, au terme de ce dossier, est simple. Le PLF 2026 est cohérent dans ses priorités et honnête dans ses contraintes. Il n’a rien d’une fuite en avant ; il n’a pas non plus les pleins pouvoirs : il dépend d’une exécution rapide, lisible, mesurée. Le Maroc n’a pas besoin d’un budget « héroïque » ; il a besoin d’un budget tenu. Si, d’ici l’été, la machine à investir tourne, la trésorerie des entreprises respire, les ménages voient l’IR allégé et la TVA ne surtaxe pas l’essentiel, la promesse aura commencé à se réaliser. Si, au contraire, les retards s’accumulent, les remboursements glissent et les chantiers patinent, la confiance se paiera plus cher.
Un bon PLF se juge moins à sa littérature qu’à ses livraisons. À partir de maintenant, tout est affaire de discipline, de transparence et de vitesse d’exécution. C’est la condition pour que la consolidation budgétaire ne soit pas un frein, mais un accélérateur de développement. Et pour que les chiffres, enfin, racontent une histoire qui se vit.
Assainir, d’abord. 2026 marque un retour à une grammaire budgétaire plus lisible : effort sur le solde primaire, charge d’intérêts contenue, règle d’endettement en vue. Le cadrage n’est pas austéritaire ; il est prosaïque. Il assume que la soutenabilité se gagne mètre après mètre, par des élasticités de recettes crédibles (IS, IR, TVA), des retenues à la source qui sécurisent la collecte et un refus des « mauvais tours » (retarder des remboursements de TVA, geler l’entretien, étirer les délais de paiement). La sincérité n’est pas un supplément d’âme ; c’est un coût du capital moindre pour tous.
Investir, ensuite. L’effort d’équipement de l’État et des EEP demeure élevé, parce que c’est la seule façon d’abaisser durablement les coûts — eau, énergie, logistique, numérique — et d’ouvrir de nouveaux bassins d’emplois. Les chiffres d’enveloppes impressionnent moins que les questions simples : les projets sont-ils prêts (études, foncier, autorisations) ? Les calendriers sont-ils crédibles ? Les réserves de précaution, utiles pour piloter la trésorerie, seront-elles libérées au bon moment vers les chantiers mûrs ? Un investi mal phasé coûte double : aujourd’hui, en immobilisations stériles ; demain, en crédibilité perdue.
Protéger, enfin. Le PLF 2026 ne promet pas la lune : il allège l’IR là où le dirham compte, exonère les pensions de base, neutralise la TVA sur l’essentiel, resserre la compensation au sucre, au blé et au butane, et cible les transferts via registres sociaux. On ne corrige pas toutes les inégalités par l’impôt ; on corrige les plus urgentes et on finance des services publics qui réduisent les dépenses contraintes des ménages. Le test n°1 ne sera pas dans un PDF : il se jouera au magasin, au centre de santé, dans la salle de classe.
La partie recettes est, sans fard, la plus délicate. Oui, l’État peut mobiliser davantage sans taxer plus, grâce aux retenues à la source (prestations au secteur financier, grandes entreprises, loyers professionnels), au marquage fiscal des carburants, à la digitalisation et à des délais de restitution tenus. Mais la conformité n’est pas un décret : c’est un contrat. Il suppose une administration qui paye à l’heure (TVA), répond vite (rescrit), contrôle mieux (données) et sanctionne justement. La recette pérenne est une relation de confiance.
Sur l’extérieur, le pari est assumé : métiers mondiaux (automobile, aéronautique, dérivés de phosphates), voyages et MRE doivent garder la balance des paiements dans une zone de confort pendant que l’investissement tire l’import d’équipements. Le commerce mondial n’est ni un cadeau, ni une fatalité : il récompense les pays qui apportent capacité, qualité, délais. Ce n’est pas qu’une question d’usines ; c’en est une de ports, d’aéroports, de rail, et de talents.
Reste la douane. L’angle choisi — protection intelligente — est le moins idéologique et le plus opérationnel : relever quelques droits là où la concurrence est manifestement déséquilibrée (monofilaments, électroménager de base, résine PVC), alléger un intrant industriel (profilés pour ventilation), continuer la « chirurgie » pharmaceutique pour concilier sécurité d’approvisionnement et montée en gamme. Le critère de réussite est trivial : plus d’ateliers occupés, pas de pénuries, pas d’inflation artificielle à la caisse. Et la lucidité de revenir en arrière si les effets de bord dépassent l’intention.
Le chapitre « recettes non fiscales & EEP » dit, à lui seul, la maturité d’un État : remonter des dividendes quand c’est soutenable, valoriser des actifs quand c’est pertinent, vendre quand c’est opportun — et jamais pour boucher des trous. Le propriétaire public du XXIᵉ siècle n’est pas un rentier ; c’est un gestionnaire. S’il réussit ce virage, le budget gagne un troisième pilier de stabilité, moins volatile que l’impôt seul.
Tout cela, enfin, repose sur une gouvernance qui ne se contente pas d’objectifs, mais publie des tableaux de bord : libération de la réserve d’investissement, taux d’engagement/paiement par ministère, remboursements de TVA, effets IR par déciles, prix/volumes de la compensation, écarts d’exécution régionaux, calendrier d’émissions de dette, stress tests. Le Parlement doit s’en saisir, non pour rejouer le débat d’orientations, mais pour arbitrer en cours de route. Dans la vie d’un budget, l’ennemi n°1 n’est pas l’opposition : c’est le temps.
Notre position, au terme de ce dossier, est simple. Le PLF 2026 est cohérent dans ses priorités et honnête dans ses contraintes. Il n’a rien d’une fuite en avant ; il n’a pas non plus les pleins pouvoirs : il dépend d’une exécution rapide, lisible, mesurée. Le Maroc n’a pas besoin d’un budget « héroïque » ; il a besoin d’un budget tenu. Si, d’ici l’été, la machine à investir tourne, la trésorerie des entreprises respire, les ménages voient l’IR allégé et la TVA ne surtaxe pas l’essentiel, la promesse aura commencé à se réaliser. Si, au contraire, les retards s’accumulent, les remboursements glissent et les chantiers patinent, la confiance se paiera plus cher.
Un bon PLF se juge moins à sa littérature qu’à ses livraisons. À partir de maintenant, tout est affaire de discipline, de transparence et de vitesse d’exécution. C’est la condition pour que la consolidation budgétaire ne soit pas un frein, mais un accélérateur de développement. Et pour que les chiffres, enfin, racontent une histoire qui se vit.












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