Le passage du prix du baril de pétrole sous la barre symbolique des 60 dollars, mardi 16 décembre, n’est pas un simple accident de marché. C’est un signal.
Un signal adressé aux États producteurs, aux grandes puissances, aux institutions financières et, au-delà, à l’ensemble de l’économie mondiale. Car le pétrole n’est jamais qu’une matière première : il est un thermomètre de la géopolitique, un baromètre des rapports de force et un révélateur des fragilités du système économique global.
Depuis plus de trois ans, le marché pétrolier vivait sous tension permanente. Guerre en Ukraine, sanctions contre la Russie, tensions au Moyen-Orient, attaques sur les routes maritimes, incertitudes sur la production… Tout concourait à maintenir une « prime de risque géopolitique » élevée, parfois déconnectée des fondamentaux stricts de l’offre et de la demande. Le franchissement du seuil des 60 dollars marque donc une rupture : le marché considère que cette prime est en train de se dissiper, ou du moins de perdre de sa crédibilité.
Une baisse qui commence dans les salles de négociation, pas dans les puits de pétrole
Le premier facteur explicatif est diplomatique avant d’être économique. Les signaux envoyés ces dernières semaines sur une possible désescalade du conflit russo-ukrainien, ou à tout le moins sur un gel relatif des hostilités, ont suffi à modifier les anticipations. Le marché pétrolier ne fonctionne pas sur les faits accomplis, mais sur les scénarios futurs. Il ne price pas la paix réelle, il price la probabilité que le pétrole russe cesse d’être entravé, logistiquement ou politiquement.
Même une hypothèse partielle de retour de volumes russes vers les marchés internationaux suffit à déséquilibrer un système déjà fragile. Le message est clair : le monde n’est plus en situation de pénurie forcée. Et lorsque la rareté géopolitique disparaît, le prix s’effondre plus vite qu’il n’est monté.
Une offre mondiale structurellement abondante
Mais la diplomatie n’explique pas tout. La chute du baril est aussi le produit d’une réalité plus profonde : l’offre mondiale de pétrole est aujourd’hui confortable, voire excédentaire.
Les États-Unis continuent de battre des records de production. Le pétrole de schiste, longtemps présenté comme vulnérable à des prix bas, a gagné en efficacité technologique et en discipline financière. Même à 55 ou 60 dollars le baril, une large partie de la production américaine reste rentable. Washington n’a pas besoin d’annoncer une stratégie énergétique agressive : la simple continuité de sa production suffit à peser sur les prix mondiaux.
Face à cela, l’OPEP+, censée jouer le rôle de stabilisateur du marché, apparaît divisée. Les annonces successives de coupes ou d’ajustements sont accueillies avec scepticisme par les investisseurs. Non pas parce que le cartel aurait perdu toute capacité d’action, mais parce que ses membres n’ont plus tous les mêmes intérêts. Certains pays peuvent supporter des prix bas plus longtemps que d’autres. D’autres ont besoin de volumes élevés pour financer leurs budgets. Résultat : la discipline collective est scrutée, testée, parfois défiée.
Dans ce contexte, laisser le baril passer sous 60 dollars revient pour le marché à poser une question simple à l’OPEP+ : jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour défendre un prix plancher ?
Une demande mondiale qui patine
À cette abondance d’offre s’ajoute une demande moins dynamique que prévu. La Chine, moteur traditionnel de la croissance pétrolière mondiale, envoie des signaux contradictoires. Sa consommation progresse, mais sans l’élan d’avant-crise. Le modèle industriel chinois se transforme, la croissance ralentit, et l’efficacité énergétique progresse.
Dans les économies avancées, la transition énergétique, la sobriété contrainte et le ralentissement industriel limitent également la demande. Le pétrole n’est pas en train de disparaître, mais il n’est plus l’axe unique autour duquel tourne la croissance mondiale. Le marché intègre cette mutation structurelle, même s’il en sous-estime parfois la lenteur.
Ainsi, le pétrole passe sous 60 dollars non pas parce que le monde consomme moins de pétrole, mais parce qu’il n’en consomme plus assez pour absorber tous les barils disponibles sans tension.
Le retour d’une guerre silencieuse des parts de marché
Sur le plan géostratégique, cette baisse ouvre une phase délicate. Lorsque les prix sont élevés, tout le monde gagne – ou presque. Lorsque les prix chutent, la question des parts de marché devient centrale. Produire moins pour soutenir les prix, c’est accepter de laisser le champ libre à d’autres producteurs. Produire plus pour défendre ses volumes, c’est accepter des prix plus bas.
Les États-Unis, grâce à leur structure de production flexible, sont relativement à l’aise dans ce jeu. La Russie, si elle parvient à desserrer l’étau diplomatique, peut retrouver une capacité d’influence par le volume. Les pays du Golfe, eux, se retrouvent face à un dilemme stratégique : défendre le prix au risque de perdre de l’influence, ou défendre l’influence au risque d’affaiblir leurs recettes.
Le pétrole redevient ainsi un instrument politique indirect. Non plus une arme brutale, mais un levier d’usure économique.
Depuis plus de trois ans, le marché pétrolier vivait sous tension permanente. Guerre en Ukraine, sanctions contre la Russie, tensions au Moyen-Orient, attaques sur les routes maritimes, incertitudes sur la production… Tout concourait à maintenir une « prime de risque géopolitique » élevée, parfois déconnectée des fondamentaux stricts de l’offre et de la demande. Le franchissement du seuil des 60 dollars marque donc une rupture : le marché considère que cette prime est en train de se dissiper, ou du moins de perdre de sa crédibilité.
Une baisse qui commence dans les salles de négociation, pas dans les puits de pétrole
Le premier facteur explicatif est diplomatique avant d’être économique. Les signaux envoyés ces dernières semaines sur une possible désescalade du conflit russo-ukrainien, ou à tout le moins sur un gel relatif des hostilités, ont suffi à modifier les anticipations. Le marché pétrolier ne fonctionne pas sur les faits accomplis, mais sur les scénarios futurs. Il ne price pas la paix réelle, il price la probabilité que le pétrole russe cesse d’être entravé, logistiquement ou politiquement.
Même une hypothèse partielle de retour de volumes russes vers les marchés internationaux suffit à déséquilibrer un système déjà fragile. Le message est clair : le monde n’est plus en situation de pénurie forcée. Et lorsque la rareté géopolitique disparaît, le prix s’effondre plus vite qu’il n’est monté.
Une offre mondiale structurellement abondante
Mais la diplomatie n’explique pas tout. La chute du baril est aussi le produit d’une réalité plus profonde : l’offre mondiale de pétrole est aujourd’hui confortable, voire excédentaire.
Les États-Unis continuent de battre des records de production. Le pétrole de schiste, longtemps présenté comme vulnérable à des prix bas, a gagné en efficacité technologique et en discipline financière. Même à 55 ou 60 dollars le baril, une large partie de la production américaine reste rentable. Washington n’a pas besoin d’annoncer une stratégie énergétique agressive : la simple continuité de sa production suffit à peser sur les prix mondiaux.
Face à cela, l’OPEP+, censée jouer le rôle de stabilisateur du marché, apparaît divisée. Les annonces successives de coupes ou d’ajustements sont accueillies avec scepticisme par les investisseurs. Non pas parce que le cartel aurait perdu toute capacité d’action, mais parce que ses membres n’ont plus tous les mêmes intérêts. Certains pays peuvent supporter des prix bas plus longtemps que d’autres. D’autres ont besoin de volumes élevés pour financer leurs budgets. Résultat : la discipline collective est scrutée, testée, parfois défiée.
Dans ce contexte, laisser le baril passer sous 60 dollars revient pour le marché à poser une question simple à l’OPEP+ : jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour défendre un prix plancher ?
Une demande mondiale qui patine
À cette abondance d’offre s’ajoute une demande moins dynamique que prévu. La Chine, moteur traditionnel de la croissance pétrolière mondiale, envoie des signaux contradictoires. Sa consommation progresse, mais sans l’élan d’avant-crise. Le modèle industriel chinois se transforme, la croissance ralentit, et l’efficacité énergétique progresse.
Dans les économies avancées, la transition énergétique, la sobriété contrainte et le ralentissement industriel limitent également la demande. Le pétrole n’est pas en train de disparaître, mais il n’est plus l’axe unique autour duquel tourne la croissance mondiale. Le marché intègre cette mutation structurelle, même s’il en sous-estime parfois la lenteur.
Ainsi, le pétrole passe sous 60 dollars non pas parce que le monde consomme moins de pétrole, mais parce qu’il n’en consomme plus assez pour absorber tous les barils disponibles sans tension.
Le retour d’une guerre silencieuse des parts de marché
Sur le plan géostratégique, cette baisse ouvre une phase délicate. Lorsque les prix sont élevés, tout le monde gagne – ou presque. Lorsque les prix chutent, la question des parts de marché devient centrale. Produire moins pour soutenir les prix, c’est accepter de laisser le champ libre à d’autres producteurs. Produire plus pour défendre ses volumes, c’est accepter des prix plus bas.
Les États-Unis, grâce à leur structure de production flexible, sont relativement à l’aise dans ce jeu. La Russie, si elle parvient à desserrer l’étau diplomatique, peut retrouver une capacité d’influence par le volume. Les pays du Golfe, eux, se retrouvent face à un dilemme stratégique : défendre le prix au risque de perdre de l’influence, ou défendre l’influence au risque d’affaiblir leurs recettes.
Le pétrole redevient ainsi un instrument politique indirect. Non plus une arme brutale, mais un levier d’usure économique.
Ce que cela signifie pour l’économie mondiale
À court terme, un pétrole moins cher est une bonne nouvelle pour les pays importateurs. Moins de pression inflationniste, des coûts de transport allégés, une respiration pour les budgets publics et les ménages. Pour des économies comme celle du Maroc, importatrice nette d’énergie, la baisse du baril offre un répit bienvenu.
Mais à moyen terme, la lecture est plus ambivalente. Un pétrole durablement bas peut être le symptôme d’une croissance mondiale molle. Il peut aussi fragiliser certains États producteurs, alimenter des tensions budgétaires et, paradoxalement, préparer les conditions de futures instabilités géopolitiques.
Le marché pétrolier a toujours fonctionné par cycles. Les périodes de prix bas préparent souvent les chocs de demain, faute d’investissements suffisants. La transition énergétique, quant à elle, n’est ni assez rapide pour rendre le pétrole obsolète, ni assez lente pour garantir sa rente éternelle.
Un prix, plusieurs vérités
Le passage sous les 60 dollars n’est donc ni une victoire définitive pour les consommateurs, ni une catastrophe automatique pour les producteurs. C’est un moment de vérité. Il révèle un monde où l’énergie n’est plus uniquement une question de rareté, mais de stratégie. Un monde où la géopolitique se lit autant dans les chiffres des marchés que dans les communiqués diplomatiques.
En réalité, le baril n’a pas seulement baissé. Il a parlé. Et ce qu’il dit au monde, en ce mois de décembre, c’est que les équilibres énergétiques sont en train de changer, plus silencieusement que prévu, mais peut-être plus profondément.
Mais à moyen terme, la lecture est plus ambivalente. Un pétrole durablement bas peut être le symptôme d’une croissance mondiale molle. Il peut aussi fragiliser certains États producteurs, alimenter des tensions budgétaires et, paradoxalement, préparer les conditions de futures instabilités géopolitiques.
Le marché pétrolier a toujours fonctionné par cycles. Les périodes de prix bas préparent souvent les chocs de demain, faute d’investissements suffisants. La transition énergétique, quant à elle, n’est ni assez rapide pour rendre le pétrole obsolète, ni assez lente pour garantir sa rente éternelle.
Un prix, plusieurs vérités
Le passage sous les 60 dollars n’est donc ni une victoire définitive pour les consommateurs, ni une catastrophe automatique pour les producteurs. C’est un moment de vérité. Il révèle un monde où l’énergie n’est plus uniquement une question de rareté, mais de stratégie. Un monde où la géopolitique se lit autant dans les chiffres des marchés que dans les communiqués diplomatiques.
En réalité, le baril n’a pas seulement baissé. Il a parlé. Et ce qu’il dit au monde, en ce mois de décembre, c’est que les équilibres énergétiques sont en train de changer, plus silencieusement que prévu, mais peut-être plus profondément.
Maroc (et pays importateurs) : bonne nouvelle à court terme, piège à moyen terme
Pour un importateur net, un baril plus bas, c’est généralement : facture énergétique allégée, pression sur les subventions réduite, inflation importée moins forte. Mais attention au revers : si la baisse vient d’une demande mondiale faible, cela peut annoncer un environnement moins porteur pour les exportations, le tourisme long-courrier, ou les transferts selon les zones.
La vraie question n’est donc pas “60 ou 65 ?”. C’est : est-ce un pétrole bas de prospérité (offre abondante + croissance) ou un pétrole bas d’inquiétude (surplus + demande fragile) ? Le 16 décembre 2025, le marché penche clairement vers la deuxième lecture.
La vraie question n’est donc pas “60 ou 65 ?”. C’est : est-ce un pétrole bas de prospérité (offre abondante + croissance) ou un pétrole bas d’inquiétude (surplus + demande fragile) ? Le 16 décembre 2025, le marché penche clairement vers la deuxième lecture.












L'accueil

















