Dans la lumière, il est connu sous le nom de S13, mais derrière ce pseudonyme se cache Mohammed Benchekroun, un jeune homme né à Tanger le 7 octobre 1998. Calme et observateur, il scrute le monde sans faire de bruit. En tant que beatmaker, directeur artistique et connecteur d’énergies, S13 est devenu un pilier silencieux de la nouvelle architecture sonore marocaine.

Avec plus de 30 millions de streams et plus de 50 millions de vues sur ses productions, ses hits résonnent sur les radios et propulsent des artistes vers le succès. Son morceau Figoshin – Lalla w Mali a atteint le Top 1 au Maroc, devenant un phénomène national avec 3,7 millions de vues sur YouTube et 3,4 millions de streams sur Spotify. Ce succès n'est pas seulement commercial, mais une validation culturelle, marquant sa présence dans les playlists et les discussions de la génération Z.

S13 se décrit comme un artisan plutôt qu'un simple producteur. Il affirme : « Ce que je fais, c'est vivant », soulignant sa vision de la musique comme un processus créatif en constante évolution. Depuis cinq ans, il a construit sa réputation dans l’ombre, se définissant comme un messne3, un terme qu'il revendique avec fierté, signifiant un laboratoire où la matière sonore est transformée. Dans son atelier, chaque chanson est une matière à sculpter, où il prend une idée brute et la transforme en une œuvre plus intense et précise.

Un manifeste pour la Gen Z marocaine

Le 28 novembre, S13 a dévoilé son premier EP, conçu comme un manifeste esthétique qui plonge dans son univers musical. Ce projet, bien que court, est dense et varié, mêlant des styles tels que trap nerveuse, mélancolie urbaine, industrialité métallique, afroswing, raï, et même des touches khaliji et hindies. Chaque morceau est soigneusement assemblé, mettant en friction des univers musicaux apparemment incompatibles, créant ainsi un laboratoire émotionnel. « Je commence par laisser l’artiste libre. Ensuite, je cherche l’équilibre », explique-t-il, soulignant son approche collaborative.

L'EP est le reflet d'une génération marocaine nerveuse, lucide et parfois blessée, mais habitée par une volonté d'avancer. Les morceaux abordent des thèmes tels que la toxicité, l'ego, l'ascension, la loyauté, et la pression, témoignant de la réalité complexe de la Gen Z marocaine. « La Gen Z 212, c’est la rage de réussir. C’est une jeunesse soudée, qui veut changer ce qui ne lui plaît pas », déclare S13, affirmant que cette génération est un moteur puissant de créativité.

Un avenir collectif pour le rap marocain

S13 se voit comme un passeur, un médiateur qui connecte les artistes et favorise la collaboration. Il se décrit comme « The Plug », un point de circulation où les courants créatifs se croisent. « Je n’ai pas de rivaux. Je suis là pour la scène », dit-il, exprimant son désir de construire une communauté musicale solide. Pour lui, le Maroc manque de structures, mais pas de talents. Il appelle à la création d'un écosystème de soutien comprenant des avocats, des managers et des salles de concert. « Le jour où cette base existera, il n’y aura pas un seul ElGrandeToto. Il y en aura quinze », prédit-il.

S13 ne se contente pas de produire des morceaux ; il construit une scène. Son projet futur, Saga, promet une série de singles et de collaborations croisées avec des artistes variés. Il ne cherche pas à être l'exception, mais à établir des fondations solides pour le rap marocain.

« Le rap, ce n’est pas être gangster. C’est transmettre, partager, être correct avec les gens », résume-t-il. À travers cette phrase, S13 incarne une nouvelle vision du rap, où l'accent est mis sur la communauté et le partage, et où son nom pourrait un jour être gravé dans les fondations du rap marocain, là où travaillent ceux qui préfèrent construire plutôt que brûler.