Longtemps enfermées dans une logique administrative héritée des années postcoloniales, les entreprises publiques en Afrique ont été à la fois les piliers et les boulets des économies nationales. Porteuses de missions essentielles comme l’eau, l’électricité, le transport, les mines et les télécoms, elles ont souvent souffert d’un double mal : l’opacité de gestion et la capture politique. Résultat : des déficits chroniques, une gouvernance inefficace et une image dégradée auprès des citoyens comme des investisseurs.
Dans ce contexte, le Maroc fait figure d’exception régionale. Depuis la création en 2022 de l’ANGSPE, le Royaume a enclenché une réforme en profondeur de son rôle d’actionnaire. Objectif : transformer l’État propriétaire en État stratège, capable de piloter avec rigueur, performance et transparence un portefeuille d’entreprises publiques redimensionné.
Alors que plusieurs pays africains se posent la question du redressement de leur secteur public, l’expérience marocaine devient une source d’inspiration crédible et concrète.
Une doctrine d’État actionnaire inédite en Afrique
La gouvernance se veut modernisée, avec des conseils d’administration renforcés, des dirigeants sélectionnés sur des critères objectifs et une performance strictement mesurée. La parité y est érigée en principe, garantissant l’intégration des femmes dans les instances de décision, tandis que l’ouverture du capital, y compris en Bourse, est envisagée sans pour autant sacrifier les actifs stratégiques.
Cette doctrine, traduite en outils concrets (contrats de performance, référentiels, viviers de talents, suivi digitalisé), donne une lisibilité rare à l’action de l’État, ce qui n’est pas le cas dans la majorité des pays africains où le pilotage des entreprises publiques reste flou ou personnalisé.
Une agence centrale au cœur du dispositif
Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, l’idée d’une agence centrale de l’État actionnaire reste embryonnaire. Le Maroc peut donc, par son exemple, poser les fondations d’un nouveau modèle institutionnel africain, où l’État est stratège, mais non gestionnaire au quotidien.
Des piliers exportables aux autres économies africaines
Elle professionnalise les conseils d’administration en y intégrant des profils issus du privé, des experts techniques et davantage de femmes, tout en clarifiant la séparation entre tutelle politique et gouvernance opérationnelle, rompant ainsi avec le contrôle bureaucratique au profit d’une évaluation stratégique.
Elle mise aussi sur la Bourse pour mobiliser l’épargne locale, valoriser les actifs publics et renforcer la culture de redevabilité. Enfin, elle adopte une logique de rendement global, appréciant les entreprises publiques non seulement à l’aune de leurs résultats financiers mais aussi de leur impact social, territorial et environnemental. Autant de principes transposables à des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Rwanda ou le Ghana, où des dynamiques similaires de réforme sont déjà en cours.
Des coopérations Sud-Sud à activer
Une telle diplomatie économique de la gouvernance consoliderait la place du Maroc comme pôle régional de savoir-faire étatique, alliant ingénierie financière, expertise juridique et management stratégique.
Des limites à ne pas sous-estimer
Une opportunité stratégique pour l’Afrique de demain
Le Maroc, en structurant son État actionnaire, offre une boussole, une méthode, un retour d’expérience. Il ne prétend pas avoir réponse à tout, mais il montre que l’on peut réconcilier performance, équité et intérêt général dans la gestion du secteur public.
À l’heure où l’Afrique cherche ses modèles endogènes, l’expérience marocaine en matière d’État actionnaire pourrait bien devenir un exemple africain… pour l’Afrique.












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