Une journée d’enfer commence… à l’aube
Il est 5h40 du matin quand Khalid enfile son uniforme. Le thermomètre affiche déjà 29 degrés. Casablanca s’éveille à peine, mais dans la caserne de Sidi Bernoussi, les moteurs ronflent, les yeux sont rouges, les muscles lourds d’une nuit agitée. « On ne dort jamais vraiment, surtout l’été. Le moindre appel peut être une urgence vitale. Et les nuits sont pires que les jours. »
À peine le temps d’avaler un café noir, la sirène retentit. « Feu de benne à ordures dans le quartier industriel », annonce la radio. Les flammes, causées par l’amoncellement de plastique chauffé au soleil, font partie du quotidien estival. « C’est le premier feu de la journée. Il y en aura sûrement six ou sept autres. »
Ce que Khalid redoute le plus, ce n’est pas la flamme. C’est l’air brûlant. Sous leur combinaison ignifugée, les pompiers suffoquent. La température intérieure du corps monte dangereusement, surtout quand on porte des équipements de plus de 20 kilos.
En pleine intervention, il arrive souvent à Khalid de ne plus sentir ses jambes. « On tremble, on se déshydrate vite. On boit, on transpire, on se vide. Et on repart. »
À 11h15, Khalid et son équipe sont appelés pour une intervention discrète : un vieil homme trouvé inconscient dans son salon. Pas de feu, pas de flammes, mais une chaleur irrespirable dans un appartement du quartier Bourgogne. Pas de ventilateur, pas d’eau fraîche. Le monsieur, seul, a perdu connaissance. Il mourra plus tard à l’hôpital.
Pour Khalid, ces morts silencieuses sont les plus dures. « Le feu te laisse une adrénaline. La solitude, elle, te laisse un goût amer. »
Khalid ne compte plus les migraines, nausées et insomnies. « On dort mal, on mange mal. La chaleur reste collée à nous. Même en rentrant chez moi, j’ai l’impression d’être encore sur intervention. »
Il raconte la tension dans l’équipe : « En été, les nerfs lâchent vite. On crie plus souvent, on se dispute pour des détails. La chaleur n’écrase pas que le corps, elle écrase l’humeur. »
Le pire, dit-il, c’est quand il faut intervenir sur des feux de forêt dans le Nord ou dans l’Atlas, envoyés en renfort. « On part pour trois jours. On dort par terre. On a deux bouteilles d’eau par jour, pas plus. On se lave à peine. Et il faut éteindre des hectares avec des tuyaux qui fondent parfois au soleil. »
À 15h30, Khalid part avec son unité sur la route de Tit Mellil. Une voiture s’est retournée, la tôle a pris feu. Le conducteur, un jeune livreur à moto, gît sur le bas-côté, brûlé au second degré.
Il ajoute, les yeux fatigués : « L’été, tu vois des corps calcinés, des familles effondrées. Tu serres les dents, tu nettoies le sang, tu remontes dans le camion. »
Khalid a trois enfants. Sa femme s’inquiète chaque jour : « Elle me dit de faire attention, de boire, de rentrer tôt. Mais comment rentrer tôt quand la ville brûle ? »
Il confesse ne pas vouloir que son fils devienne pompier : « Pas ici, pas maintenant. Il faut aimer ce métier, mais il faut aussi savoir qu’il te prend tout : ton énergie, ton sommeil, parfois ta dignité. On sauve des vies mais personne ne vient nous sauver, nous. »
À peine le temps d’avaler un café noir, la sirène retentit. « Feu de benne à ordures dans le quartier industriel », annonce la radio. Les flammes, causées par l’amoncellement de plastique chauffé au soleil, font partie du quotidien estival. « C’est le premier feu de la journée. Il y en aura sûrement six ou sept autres. »
Ce que Khalid redoute le plus, ce n’est pas la flamme. C’est l’air brûlant. Sous leur combinaison ignifugée, les pompiers suffoquent. La température intérieure du corps monte dangereusement, surtout quand on porte des équipements de plus de 20 kilos.
« On est parfois dans des pièces à 60 degrés, sans aucune aération. On n’y reste que quelques minutes. Mais ces minutes peuvent te laisser à plat pour toute la journée. »
En pleine intervention, il arrive souvent à Khalid de ne plus sentir ses jambes. « On tremble, on se déshydrate vite. On boit, on transpire, on se vide. Et on repart. »
À 11h15, Khalid et son équipe sont appelés pour une intervention discrète : un vieil homme trouvé inconscient dans son salon. Pas de feu, pas de flammes, mais une chaleur irrespirable dans un appartement du quartier Bourgogne. Pas de ventilateur, pas d’eau fraîche. Le monsieur, seul, a perdu connaissance. Il mourra plus tard à l’hôpital.
« Ce genre d’intervention est plus fréquente qu’on ne le croit. On est les premiers à arriver quand personne ne répond plus aux appels. Et trop souvent, il est déjà trop tard. »
Pour Khalid, ces morts silencieuses sont les plus dures. « Le feu te laisse une adrénaline. La solitude, elle, te laisse un goût amer. »
Khalid ne compte plus les migraines, nausées et insomnies. « On dort mal, on mange mal. La chaleur reste collée à nous. Même en rentrant chez moi, j’ai l’impression d’être encore sur intervention. »
Il raconte la tension dans l’équipe : « En été, les nerfs lâchent vite. On crie plus souvent, on se dispute pour des détails. La chaleur n’écrase pas que le corps, elle écrase l’humeur. »
Le pire, dit-il, c’est quand il faut intervenir sur des feux de forêt dans le Nord ou dans l’Atlas, envoyés en renfort. « On part pour trois jours. On dort par terre. On a deux bouteilles d’eau par jour, pas plus. On se lave à peine. Et il faut éteindre des hectares avec des tuyaux qui fondent parfois au soleil. »
À 15h30, Khalid part avec son unité sur la route de Tit Mellil. Une voiture s’est retournée, la tôle a pris feu. Le conducteur, un jeune livreur à moto, gît sur le bas-côté, brûlé au second degré.
« Ce genre d’accident explose en été. Les pneus éclatent, les freins lâchent. Et les gens roulent vite pour échapper à la chaleur de l’habitacle. Résultat : carnage. »
Il ajoute, les yeux fatigués : « L’été, tu vois des corps calcinés, des familles effondrées. Tu serres les dents, tu nettoies le sang, tu remontes dans le camion. »
Khalid a trois enfants. Sa femme s’inquiète chaque jour : « Elle me dit de faire attention, de boire, de rentrer tôt. Mais comment rentrer tôt quand la ville brûle ? »
Il confesse ne pas vouloir que son fils devienne pompier : « Pas ici, pas maintenant. Il faut aimer ce métier, mais il faut aussi savoir qu’il te prend tout : ton énergie, ton sommeil, parfois ta dignité. On sauve des vies mais personne ne vient nous sauver, nous. »
Une reconnaissance encore timide
« Les Marocains nous respectent, surtout dans les quartiers populaires. Mais notre administration, elle, ne nous voit pas vraiment. On est des chiffres sur une fiche de présence. »
Salaire bas, équipements parfois obsolètes, manque d’effectifs : les pompiers marocains vivent souvent dans une forme d’abnégation silencieuse. « On ne fait pas ce métier pour les remerciements. Mais parfois, juste une bouteille d’eau fraîche après une intervention, ça suffit pour se sentir humain. »
Il est 21h10, Khalid rentre enfin à la caserne. Une dernière douche froide, une assiette de harira. Et déjà une pensée : « Peut-être que la sirène va sonner cette nuit encore. Alors, je ferme les yeux… un peu. »
Salaire bas, équipements parfois obsolètes, manque d’effectifs : les pompiers marocains vivent souvent dans une forme d’abnégation silencieuse. « On ne fait pas ce métier pour les remerciements. Mais parfois, juste une bouteille d’eau fraîche après une intervention, ça suffit pour se sentir humain. »
Il est 21h10, Khalid rentre enfin à la caserne. Une dernière douche froide, une assiette de harira. Et déjà une pensée : « Peut-être que la sirène va sonner cette nuit encore. Alors, je ferme les yeux… un peu. »












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