Des figures d’émancipation en territoire mouvant
Les jeunes femmes, notamment en milieu rural, incarnent des figures de transition et d’émancipation. Elles se trouvent à l’intersection de multiples tensions : celles d’un environnement en constante mutation, de politiques publiques insuffisantes, et de conditions socio-économiques précaires, notamment pour les travailleuses saisonnières.
Elles doivent se construire et affirmer leur place dans une société où les inégalités structurelles demeurent fortes.
Une nouvelle génération en quête d’identité
Samira Mizbar met en lumière un véritable bouleversement générationnel : selon elle, les anciennes catégories d’analyse ne permettent plus de comprendre les dynamiques actuelles. Les jeunes, et particulièrement les jeunes femmes, façonnent désormais leurs identités à travers un accès massif aux réseaux sociaux et à l'information mondiale. Cette évolution oblige les décideurs à repenser en profondeur les politiques d’émancipation et d’inclusion économique.
Elle pointe également les limites des outils statistiques actuels, qui tendent à invisibiliser des réalités sociales fondamentales, comme celle de « l’homme au foyer », contribuant ainsi à des politiques publiques déconnectées des besoins réels. Pour Mizbar, « les données statistiques ne sont jamais neutres : elles sont le reflet d’un cadre de pensée et influencent la manière dont on conçoit les rapports sociaux ».
En guise d’illustration, elle évoque la baisse préoccupante du taux de participation économique des femmes, passé de 29 % à 19 %. Un chiffre qui, au-delà du constat, appelle à questionner les causes structurelles de cette régression : quels obstacles systémiques persistent ? Quels freins empêchent encore l’autonomisation réelle des femmes ?
Elle insiste aussi sur la nécessité d’élargir la notion de violence, en y intégrant la violence économique et institutionnelle, qui freine de manière significative l’émancipation des femmes. L’absence d’infrastructures sanitaires adaptées dans les établissements scolaires, par exemple, a un impact direct sur la scolarisation des filles, illustrant la façon dont des détails logistiques traduisent des inégalités systémiques.
Travailleuses saisonnières : entre stéréotypes et précarité
De son côté, Chadia Arab revient sur la migration circulaire féminine entre le Maroc et l’Espagne, souvent présentée comme un modèle de réussite, mais dont les dessous révèlent de fortes disparités. Elle rappelle que ce programme cible exclusivement des femmes rurales, souvent très précaires, choisies selon des critères stéréotypés qui les décrivent comme plus « dociles » et aptes aux travaux agricoles minutieux, comme la cueillette de fraises.
Cette migration, loin d’être un simple parcours professionnel, s’accompagne d’une grande précarité : conditions de travail rudes, éloignement familial, et exposition à diverses formes de violences, notamment sexuelles, longtemps passées sous silence. Bien que certaines initiatives de formation et d'autonomisation aient vu le jour, la fin brutale du programme principal a laissé de nombreuses femmes sans ressources ni accompagnement.
Pour Arab, il est urgent de penser la migration au prisme de la justice sociale, raciale et de genre. Cela suppose de dépasser les approches strictement économiques et technocratiques qui dominent encore les politiques migratoires.
Elle souligne également le rôle indispensable des médias et des mobilisations collectives pour rendre visibles ces réalités et faire avancer ces luttes. C’est en rendant audibles ces voix longtemps marginalisées que l’on pourra véritablement œuvrer à des transformations sociales durables et justes.












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