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Du soupçon au scandale : Quand l’université trahit la promesse de l’effort


Rédigé par le Dimanche 25 Mai 2025

L’université marocaine ne peut pas devenir un simple kiosque à diplômes. Elle doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un sanctuaire de savoir, d’effort et d’émancipation.



Ce qui n’était hier encore qu’un murmure devient aujourd’hui un cri. Le scandale du commerce des diplômes universitaires n’est plus un fait divers isolé, mais le symptôme d’une maladie systémique. À Agadir, un professeur est accusé d’avoir monnayé doctorats et diplômes comme on vendrait des titres de transport. Mais ce n’est pas seulement un individu qui est en cause : c’est un modèle de gouvernance, une culture de l’impunité, et une société qui regarde ailleurs.

Ce drame universitaire dépasse de loin le cas d’une seule ville. Il révèle le pourrissement progressif d’un système qui, à force de laisser faire, a laissé tomber. Car au royaume des diplômes, la médiocrité a désormais pignon sur rue, et l’excellence est devenue suspecte.

Pour comprendre l’origine de ce naufrage, il faut remonter aux années quatre-vingt-dix. À cette époque, l’État marocain entreprend une réforme ambitieuse de l’enseignement supérieur, accordant aux universités une plus grande autonomie, notamment dans la gestion des cycles avancés. Cette autonomie, théoriquement bienvenue, a été livrée sans garde-fous : les enseignants se retrouvent seuls maîtres à bord, notamment dans les Unités de Formation et de Recherche (UFR). Résultat : dans certaines facultés, la loi du plus fort remplace l’éthique académique.

Sans contre-pouvoir réel – ni du côté des doyens, ni des présidences d’université, ni des syndicats étudiants – certains professeurs ont pu transformer leur pouvoir pédagogique en rente d’autorité, voire en capital marchand. Dans un système déséquilibré, où l’administration reste spectatrice et les ministères silencieux, les dérives deviennent inévitables.

L’autre versant du problème réside dans la composition même du corps enseignant. Plus de 90 % des professeurs sont des titulaires de carrière, souvent enfermés dans une logique académique autoréférentielle. Le recours aux vacataires issus du monde professionnel reste marginal. Contrairement à d’autres pays où les universités s’ouvrent aux experts – comptables, banquiers, adouls, ingénieurs – qui enrichissent l’enseignement par leur savoir-faire, le Maroc semble avoir figé son système dans un entre-soi stérile.

Ce verrouillage crée non seulement une uniformité des profils, mais alimente des situations de monopole et d’abus. Les étudiants, eux, n’ont d’autre choix que de subir les caprices d’un encadrement tout-puissant. Le savoir n’est plus partagé : il est captif.

Le plus alarmant reste sans doute le silence général qui entoure ces pratiques. Comme dans les pires systèmes corrompus, ce ne sont pas seulement les fautifs qui sont à blâmer, mais tout un écosystème de complicités passives : syndicats qui ferment les yeux, administrations absentes, étudiants résignés, institutions paralysées. Le scandale d’Agadir n’est pas une anomalie : il est le révélateur d’une norme qui s’installe.

Et pendant ce temps, des diplômes continuent d’être distribués à la chaîne, donnant naissance à une élite d’apparence, parfois incapable de soutenir une discussion de fond, mais promue au rang de décideur, d’élu ou de magistrat. Le danger n’est plus seulement moral : il devient structurel. Car ces diplômés au rabais prendront demain les décisions qui façonneront la société.

Face à ce choc, le chef du gouvernement a choisi de ne pas commenter, au nom du respect dû à la justice. Et il a eu raison de le faire. Il faut laisser travailler la justice sereinement.

Mais au-delà de l’aspect judiciaire, c’est toute une gouvernance qui serait en cause. Il aurait au moins pu annoncer des commissions d'enquête dans les autres institutions universitaires à fin des mesurer l'ampleur du problème et rassurer l'opinion publique.
En refusant de nommer les racines du problème – clientélisme, absence de contrôle, concentration du pouvoir – le politique prend le risque de banaliser le scandale. Et comme en dit , Ne pas parler, parfois, c’est aussi laisser faire.

L’origine du mal est administrative, organisationnelle, culturelle. Il aurait au moins pu annoncer des commissions d'enquête dans les autres institutions universitaires à fin des mesurer l'ampleur du problème et rassurer l'opinion publique.

En refusant de nommer le problème, on l’alimente. La confiance dans les institutions, déjà fragile, s’évapore un peu plus chaque jour. Le diplôme ne fait plus foi : il fait peur. Le mérite ne rassure plus : il devient suspect.

Le nettoyage des écuries d’Augias ne se fera pas en un jour. Mais il faut commencer. Par des enquêtes systématiques, par un encadrement renforcé des UFR, par une ouverture des universités à des intervenants extérieurs de qualité, par une gouvernance collégiale et responsable. Et surtout, par un sursaut moral. Il est temps de cesser d’avoir peur des protestations chaque fois que l’on tente d’imposer un minimum de rigueur.

Car l’université marocaine ne peut pas devenir un simple kiosque à diplômes. Elle doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un sanctuaire de savoir, d’effort et d’émancipation.
 

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Dimanche 25 Mai 2025

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