Question 1 – En été, pourquoi la gestion du temps prend-elle une signification particulière selon vous ?
L’été semble paradoxalement à la fois synonyme de repos et de surcharge… Qu’est-ce que cette période change dans notre rapport au temps ?

Sophia El Khensae Bentamy : L’été, c’est un peu comme un miroir : il révèle ce que nous avons tendance à fuir le reste de l’année. Le temps, si précieux et souvent malmené, devient tout à coup plus visible. Il y a moins de contraintes externes – pas d’école pour les enfants, des bureaux qui tournent au ralenti, des journées qui s’allongent – et pourtant, au lieu de respirer, beaucoup d’entre nous cherchent à remplir chaque créneau, chaque minute. C’est là le paradoxe. On confond encore trop souvent gestion du temps avec remplissage d’agenda. Or, l’été est une occasion en or pour repenser notre rapport au temps non pas comme une ressource à exploiter, mais comme un espace à habiter. C’est un moment pour ralentir, pour réévaluer nos priorités. Au fond, ce n’est pas tant une question de faire plus ou de faire moins, mais de faire mieux. Mieux vivre, mieux ressentir, mieux choisir.

Question 2 – Vous insistez beaucoup sur la notion de “priorités estivales”. Pourquoi cette idée vous paraît-elle essentielle ? En quoi hiérarchiser nos priorités nous libère-t-il ? Et comment y parvenir concrètement ?

Sophia El Khensae Bentamy : Parce que derrière le mot “priorité”, il y a une intention. Trop souvent, nous laissons les obligations ou les injonctions extérieures dicter notre rythme. En été, on a enfin la possibilité – si on la saisit – de s’écouter vraiment. Prioriser, ce n’est pas dresser une liste de tâches, c’est poser une question simple : qu’est-ce qui est important pour moi, là, maintenant ? Pas ce que les autres attendent, pas ce que j’ai toujours fait, mais ce qui me nourrit profondément. Cela demande de distinguer le souhaité de l’imposé, l’urgent de l’essentiel. Cette clarification mentale est libératrice. Elle permet de dire non sans culpabilité, d’oser choisir sans peur du jugement. Concrètement, cela commence par écrire, par poser noir sur blanc ce qu’on aimerait vraiment vivre cet été. Et souvent, ce sont des choses simples : passer plus de temps avec ses enfants, faire une pause pour soi, ou même ne rien faire, et l’assumer pleinement.

Question 3 – Vous parlez de “l’été des autres” et de “l’été à soi”. En quoi cette distinction est-elle cruciale pour notre bien-être ? Les réseaux sociaux, les comparaisons permanentes… nous éloignent-ils de nos besoins réels ?

Sophia El Khensae Bentamy : Absolument. L’une des plus grandes sources de mal-être aujourd’hui, c’est la comparaison constante. L’été est une saison particulièrement vulnérable à cela. Les réseaux sociaux se remplissent d’images idéalisées : plages paradisiaques, familles parfaites, projets ambitieux ou farniente absolu. Mais tout cela ne reflète pas la réalité de chacun. Il y a autant d’étés que d’individus. Et chacun a ses contraintes, ses envies, ses moyens. Ce que je défends, c’est le droit à un été qui nous ressemble. L’été à soi, c’est celui qu’on choisit, même s’il ne coche aucune case Instagram. Peut-être qu’on reste chez soi, mais qu’on rit chaque soir avec ses enfants. Peut-être qu’on travaille, mais qu’on s’accorde de vraies pauses douces. Ce qui compte, ce n’est pas ce que les autres montrent, c’est ce que nous vivons vraiment. Le vrai repos vient quand on cesse de vouloir ressembler à une image extérieure.

Question 4 – Vous évoquez la nécessité de “ralentir”. Pourquoi ce mot est-il si fort et si tabou dans notre société moderne ? Ralentir n’est-il pas perçu comme une forme de faiblesse ou de renoncement ?

Sophia El Khensae Bentamy : Ralentir est presque un acte militant aujourd’hui. Dans un monde qui valorise la performance, la vitesse, l’occupation constante, dire “je fais moins”, “je prends mon temps”, c’est presque contre-culturel. Mais je crois profondément que c’est aussi un acte de courage. Ralentir ne veut pas dire abandonner. Cela veut dire revenir à soi. Observer, ressentir, choisir. C’est dans ces moments d’apparente inactivité que jaillissent les plus belles idées, les décisions justes, les respirations profondes. L’été nous y invite naturellement. Il suffit parfois de s’autoriser à ne rien prévoir une journée entière. De se réveiller sans alarme. De regarder ses enfants jouer sans penser à ce qu’on “devrait” faire. Ce sont ces instants, si simples, qui restaurent notre énergie et nous reconnectent à l’essentiel.

Question 5 – Comment faire de la planification un allié plutôt qu’une source de stress ? Vous proposez une vision “positive” de la planification. Pouvez-vous la détailler ?

Sophia El Khensae Bentamy : Planifier ne devrait jamais être synonyme de pression. Trop souvent, on se sert de l’agenda comme d’un outil de contrôle absolu. On case, on optimise, on prévoit chaque instant… jusqu’à l’étouffement. Or, une bonne planification est celle qui apaise, pas celle qui oppresse. Elle doit créer des espaces de respiration, pas les supprimer. Je recommande par exemple d’inclure volontairement des “moments vides” dans son planning. Des bulles de liberté, où rien n’est prévu, justement. C’est dans ces marges que surgissent la créativité, la détente, l’imprévu. Par ailleurs, planifier c’est aussi déléguer. Faire confiance. Même aux enfants ! Leur donner des responsabilités, c’est les faire grandir. C’est aussi s’alléger. Une planification positive, c’est celle qui respecte nos rythmes, qui équilibre les obligations et les envies. Qui tient compte du besoin de chacun dans la famille. Et surtout, qui laisse de la place à l’imprévu, à la vie.

Question 6 – En tant que coach en psychologie positive, quelle place donnez-vous à l’improvisation dans la gestion de l’été ? Est-ce possible de “prévoir l’imprévu” ?

Sophia El Khensae Bentamy : Je dirais même : il faut lui faire de la place ! L’improvisation, ce n’est pas l’absence d’organisation, c’est l’accueil de ce que la vie propose en dehors de notre contrôle. Il y a une magie de l’imprévu, particulièrement en été. Une rencontre inattendue, une balade impromptue, un fou rire à l’improviste, une sieste imprévue… Ce sont souvent ces instants qui marquent le plus nos souvenirs. Il faut apprendre à dire “oui” à ces moments qui ne figuraient pas dans notre to-do list. Laisser du vide, ce n’est pas perdre du temps, c’est en gagner en qualité de vie. Psychologiquement, cela nous reconnecte à notre enfant intérieur, à notre capacité d’émerveillement. Et c’est là tout l’esprit de l’été : moins de contrôle, plus de spontanéité. Ce n’est pas parce qu’on ne fait rien qu’on ne vit rien. Parfois, c’est dans l’absence d’intention que naît la plus belle des expériences.

Question 7 – Vous mentionnez aussi la notion de “dire non” pour mieux se dire oui. Comment cette affirmation peut-elle transformer un été ? Pourquoi est-ce si difficile de poser des limites claires ?

Sophia El Khensae Bentamy : Dire non, c’est l’un des plus grands apprentissages émotionnels que nous pouvons faire. Non aux sollicitations qui nous vident. Non aux obligations qui ne nous appartiennent pas. Non aux rythmes imposés. Car chaque “non” dit à quelque chose d’extérieur est en réalité un “oui” dit à soi. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est de l’écologie personnelle. En été, on est souvent tiraillés entre le besoin de repos et les demandes multiples : sorties, invitations, attentes familiales. Oser dire non, c’est se choisir. Ce n’est pas facile, surtout dans des cultures où l’on valorise la disponibilité constante. Mais poser une limite, c’est poser une boussole. Et plus on s’écoute, plus on devient juste dans nos choix. Cet été, osez dire non à ce qui vous épuise, même avec douceur. Et vous verrez : vous retrouverez une forme de liberté intérieure très puissante.

Question 8 – En résumé, si vous deviez donner un seul conseil pour cet été, quel serait-il ?
Une phrase qui résume tout ce que vous souhaitez transmettre dans ce texte ?

Sophia El Khensae Bentamy : Respirez. Ce simple mot contient tout. Respirez pour mieux vous entendre. Respirez pour faire de la place au silence, à l’intuition, à la présence. Respirer, c’est ralentir, se reconnecter, s’ancrer dans l’instant. L’été est une invitation à cela. À cesser de courir après quelque chose. À revenir à ce que nous avons déjà : notre corps, nos émotions, nos proches, nos envies. Si chacun pouvait, chaque jour de l’été, se demander : “Ai-je respiré vraiment aujourd’hui ?”... alors peut-être que nos journées prendraient une autre couleur. Plus douce, plus simple, plus vivante. Et je crois qu’au fond, c’est cela, vivre mieux.