Il y a, dans l’indignation contemporaine face aux fake news, quelque chose qui ressemble moins à une soudaine prise de conscience qu’à une perte de monopole.
Pendant des décennies, voire des siècles, la fabrication du récit collectif était l’apanage des puissants : États, empires, institutions, grands groupes médiatiques. La désinformation existait déjà, structurée, méthodique, souvent sophistiquée. Elle s’appelait propagande, communication stratégique, raison d’État. Elle ne choquait pas outre mesure, parce qu’elle était verticale, institutionnelle, presque “normale”. On la critiquait parfois, mais rarement au point d’en faire un scandale civilisationnel. Le mensonge d’en haut bénéficiait d’un vernis de légitimité. Il parlait au nom de la stabilité, de l’intérêt général, de la sécurité nationale.
Puis la technologie est arrivée. Brutale, horizontale, incontrôlable. Elle a donné à la foule, à l’anonyme, à “n’importe quel internaute”, la capacité de produire, diffuser et amplifier des récits concurrents. Pas toujours justes, loin s’en faut. Parfois grotesques, parfois dangereux. Mais soudain, le privilège de manipuler le réel n’était plus réservé aux sommets. Et c’est là que le ton a changé. Ce qui était tolérable quand il venait du pouvoir est devenu insupportable dès qu’il émanait de la base. La fake news n’était plus une technique, mais une menace. Non pas parce qu’elle mentait — elle a toujours menti — mais parce qu’elle échappait au contrôle.
Alors on a vu surgir les appels à la régulation, à la législation, à l’encadrement d’urgence. Les mêmes voix qui, hier encore, invoquaient la liberté absolue de la presse et de l’expression, ont commencé à parler de “responsabilité”, de “danger démocratique”, de “pédagogie nécessaire pour le public”. Les savants, les sachants, les experts autoproclamés ont redécouvert les vertus de la norme et de la sanction. Non sans une certaine ironie. Car ce qu’ils redoutent, au fond, ce n’est pas le mensonge, mais la perte d’autorité narrative.
La question n’est donc pas de savoir s’il faut lutter contre la désinformation. Évidemment qu’il le faut. La question est de savoir qui décide de ce qui est dicible, et au nom de quelle légitimité. Une société libre ne peut pas confier la vérité à un comité, fût-il éclairé. Elle ne peut que cultiver l’esprit critique, accepter le désordre du débat, et se souvenir que la liberté d’expression n’est jamais mise à l’épreuve quand elle protège les discours convenables, mais lorsqu’elle tolère ceux qui dérangent l’ordre établi.
Puis la technologie est arrivée. Brutale, horizontale, incontrôlable. Elle a donné à la foule, à l’anonyme, à “n’importe quel internaute”, la capacité de produire, diffuser et amplifier des récits concurrents. Pas toujours justes, loin s’en faut. Parfois grotesques, parfois dangereux. Mais soudain, le privilège de manipuler le réel n’était plus réservé aux sommets. Et c’est là que le ton a changé. Ce qui était tolérable quand il venait du pouvoir est devenu insupportable dès qu’il émanait de la base. La fake news n’était plus une technique, mais une menace. Non pas parce qu’elle mentait — elle a toujours menti — mais parce qu’elle échappait au contrôle.
Alors on a vu surgir les appels à la régulation, à la législation, à l’encadrement d’urgence. Les mêmes voix qui, hier encore, invoquaient la liberté absolue de la presse et de l’expression, ont commencé à parler de “responsabilité”, de “danger démocratique”, de “pédagogie nécessaire pour le public”. Les savants, les sachants, les experts autoproclamés ont redécouvert les vertus de la norme et de la sanction. Non sans une certaine ironie. Car ce qu’ils redoutent, au fond, ce n’est pas le mensonge, mais la perte d’autorité narrative.
La question n’est donc pas de savoir s’il faut lutter contre la désinformation. Évidemment qu’il le faut. La question est de savoir qui décide de ce qui est dicible, et au nom de quelle légitimité. Une société libre ne peut pas confier la vérité à un comité, fût-il éclairé. Elle ne peut que cultiver l’esprit critique, accepter le désordre du débat, et se souvenir que la liberté d’expression n’est jamais mise à l’épreuve quand elle protège les discours convenables, mais lorsqu’elle tolère ceux qui dérangent l’ordre établi.
Fake news d’aujourd’hui, fake news d’hier
Les fake news sont souvent présentées comme une pathologie contemporaine, un cancer numérique né avec les réseaux sociaux, les algorithmes et la viralité sans filtre. Cette vision est confortable, mais fausse. La désinformation n’est ni neuve ni accidentelle. Elle est consubstantielle au pouvoir, à la guerre, à la conquête des récits. Ce qui a changé, ce n’est pas la nature du mensonge, mais sa vitesse de propagation, sa mise en scène et son industrialisation.
Derrière la question des fake news se cache une interrogation plus profonde, presque philosophique : qui écrit la réalité collective ? Et au nom de quels intérêts ?
L’histoire est écrite par les vainqueurs : fake ou not fake ?
La formule est devenue un lieu commun, presque une évidence. Et pourtant, elle mérite d’être interrogée. L’histoire est-elle réellement écrite par les vainqueurs ? Oui, dans une large mesure. Mais surtout, elle est archivée, institutionnalisée et enseignée par eux.
Les exemples abondent. Les guerres coloniales ont longtemps été racontées comme des missions civilisatrices. Les révoltes populaires ont souvent été qualifiées de troubles à l’ordre public. Les résistants d’hier deviennent parfois les terroristes d’aujourd’hui, et inversement, selon le point de vue adopté. Ce n’est pas nécessairement un mensonge frontal. C’est souvent plus subtil : une sélection des faits, une hiérarchisation des souffrances, une invisibilisation des perdants.
Faut-il parler de fake news historiques ? Le terme est anachronique, mais l’intention existe. L’histoire officielle est rarement une falsification totale. Elle est plus souvent une vérité partielle, orientée, contextualisée dans un rapport de force. La fake news moderne, elle, procède par simplification brutale. L’histoire, elle, opère par omission lente.
Les agences de presse institutionnelles : neutralité proclamée, biais structurels ? fake ou not fake ?
AFP, Reuters, AP… Ces agences sont souvent présentées comme les piliers de l’information fiable, le socle factuel sur lequel repose le journalisme mondial. Elles disposent de réseaux, de méthodes, de chartes déontologiques solides. Dire qu’elles produisent des fake news serait caricatural. Mais dire qu’elles sont totalement neutres serait naïf.
Les agences institutionnelles fonctionnent dans des cadres politiques, économiques et géopolitiques précis. Elles choisissent leurs mots, leurs angles, leurs priorités. Un “conflit”, une “opération militaire”, une “riposte”, une “attaque terroriste” : chaque terme porte une charge narrative. Le lexique n’est jamais innocent.
Le biais n’est pas forcément idéologique au sens militant. Il est souvent systémique. Certaines régions du monde sont sur-couvertes, d’autres invisibles. Certaines victimes ont un visage, un prénom, une biographie. D’autres restent des chiffres. Est-ce du fake ? Non. Est-ce une vérité complète ? Pas davantage.
La crédibilité des agences repose sur leur rigueur factuelle. Mais la factualité n’épuise pas la vérité. Entre ce qui est vrai et ce qui est montré, il y a un espace politique.
Médias privés : capital, ligne éditoriale et publicité — la fabrique du récit. Fake ou not fake ?
La question devient plus délicate lorsqu’on aborde les médias privés. Qui possède le média ? Qui le finance ? Qui achète ses espaces publicitaires ? Ces questions ne relèvent pas du complotisme, mais de l’économie politique des médias.
Un média n’est jamais une entité abstraite. Il est une entreprise, avec des actionnaires, des contraintes économiques, des objectifs de rentabilité. Cela ne signifie pas mécaniquement qu’il ment. Mais cela influe sur ce qu’il choisit de traiter, sur la manière de le faire, sur ce qu’il évite soigneusement.
La ligne éditoriale n’est pas une invention malveillante. C’est un positionnement assumé. Le problème surgit lorsque cette ligne se présente comme une neutralité absolue, alors qu’elle est clairement située. Le public, lui, confond souvent opinion, analyse et information brute.
La publicité ajoute une autre couche de complexité. Un média très dépendant des revenus publicitaires développera, consciemment ou non, une prudence éditoriale à l’égard de certains annonceurs ou secteurs économiques. Là encore, pas besoin de fake news grossières. Il suffit parfois de ne pas enquêter.
Télévisions privées et polémique permanente, fake ou not fake ? : le cas CNEWS
CNEWS est devenu, en France, un symbole. Pour ses défenseurs, la chaîne brise le conformisme médiatique et offre une pluralité de voix. Pour ses détracteurs, elle incarne une machine à polarisation, où l’opinion prend le pas sur le fait.
Parler de “fake news permanente” serait excessif et juridiquement fragile. Mais parler de déséquilibre structurel, de confusion entretenue entre information et commentaire, est légitime. Le modèle économique de certaines chaînes repose sur l’attention continue, l’indignation, la conflictualité. Le clash devient une ressource.
Dans ce cadre, la vérité n’est pas toujours falsifiée. Elle est mise en scène, fragmentée, instrumentalisée. Un fait isolé devient une tendance générale. Une anecdote devient une preuve. Une émotion remplace une démonstration.
Le danger n’est pas tant le mensonge que la saturation cognitive. À force de commenter tout, en permanence, on ne hiérarchise plus rien. Le public ne sait plus ce qui relève du fait établi, de l’interprétation ou de la provocation rhétorique.
Fake news : mensonge, récit ou symptôme ?
La fake news n’est pas toujours une information fausse. Elle est souvent une information vraie, sortie de son contexte, exagérée, instrumentalisée ou répétée jusqu’à devenir toxique. Elle prospère sur la défiance généralisée : défiance envers les institutions, les élites, les médias traditionnels.
Dans ce sens, la fake news est moins la cause que le symptôme d’une crise de confiance. Une société qui ne croit plus ses médiateurs d’information devient vulnérable aux récits simplistes, aux explications totales, aux ennemis désignés.
Opposer “médias traditionnels” et “réseaux sociaux” est une erreur. Les uns alimentent souvent les autres. La frontière est poreuse. La responsabilité est collective : journalistes, propriétaires de médias, plateformes, mais aussi citoyens-consommateurs d’information.
La vérité n’est jamais pure. Mais elle peut être honnête ou relativement honnête. Et dans un monde saturé de récits concurrents, cette honnêteté devient un acte politique au sens noble.
Derrière la question des fake news se cache une interrogation plus profonde, presque philosophique : qui écrit la réalité collective ? Et au nom de quels intérêts ?
L’histoire est écrite par les vainqueurs : fake ou not fake ?
La formule est devenue un lieu commun, presque une évidence. Et pourtant, elle mérite d’être interrogée. L’histoire est-elle réellement écrite par les vainqueurs ? Oui, dans une large mesure. Mais surtout, elle est archivée, institutionnalisée et enseignée par eux.
Les exemples abondent. Les guerres coloniales ont longtemps été racontées comme des missions civilisatrices. Les révoltes populaires ont souvent été qualifiées de troubles à l’ordre public. Les résistants d’hier deviennent parfois les terroristes d’aujourd’hui, et inversement, selon le point de vue adopté. Ce n’est pas nécessairement un mensonge frontal. C’est souvent plus subtil : une sélection des faits, une hiérarchisation des souffrances, une invisibilisation des perdants.
Faut-il parler de fake news historiques ? Le terme est anachronique, mais l’intention existe. L’histoire officielle est rarement une falsification totale. Elle est plus souvent une vérité partielle, orientée, contextualisée dans un rapport de force. La fake news moderne, elle, procède par simplification brutale. L’histoire, elle, opère par omission lente.
Les agences de presse institutionnelles : neutralité proclamée, biais structurels ? fake ou not fake ?
AFP, Reuters, AP… Ces agences sont souvent présentées comme les piliers de l’information fiable, le socle factuel sur lequel repose le journalisme mondial. Elles disposent de réseaux, de méthodes, de chartes déontologiques solides. Dire qu’elles produisent des fake news serait caricatural. Mais dire qu’elles sont totalement neutres serait naïf.
Les agences institutionnelles fonctionnent dans des cadres politiques, économiques et géopolitiques précis. Elles choisissent leurs mots, leurs angles, leurs priorités. Un “conflit”, une “opération militaire”, une “riposte”, une “attaque terroriste” : chaque terme porte une charge narrative. Le lexique n’est jamais innocent.
Le biais n’est pas forcément idéologique au sens militant. Il est souvent systémique. Certaines régions du monde sont sur-couvertes, d’autres invisibles. Certaines victimes ont un visage, un prénom, une biographie. D’autres restent des chiffres. Est-ce du fake ? Non. Est-ce une vérité complète ? Pas davantage.
La crédibilité des agences repose sur leur rigueur factuelle. Mais la factualité n’épuise pas la vérité. Entre ce qui est vrai et ce qui est montré, il y a un espace politique.
Médias privés : capital, ligne éditoriale et publicité — la fabrique du récit. Fake ou not fake ?
La question devient plus délicate lorsqu’on aborde les médias privés. Qui possède le média ? Qui le finance ? Qui achète ses espaces publicitaires ? Ces questions ne relèvent pas du complotisme, mais de l’économie politique des médias.
Un média n’est jamais une entité abstraite. Il est une entreprise, avec des actionnaires, des contraintes économiques, des objectifs de rentabilité. Cela ne signifie pas mécaniquement qu’il ment. Mais cela influe sur ce qu’il choisit de traiter, sur la manière de le faire, sur ce qu’il évite soigneusement.
La ligne éditoriale n’est pas une invention malveillante. C’est un positionnement assumé. Le problème surgit lorsque cette ligne se présente comme une neutralité absolue, alors qu’elle est clairement située. Le public, lui, confond souvent opinion, analyse et information brute.
La publicité ajoute une autre couche de complexité. Un média très dépendant des revenus publicitaires développera, consciemment ou non, une prudence éditoriale à l’égard de certains annonceurs ou secteurs économiques. Là encore, pas besoin de fake news grossières. Il suffit parfois de ne pas enquêter.
Télévisions privées et polémique permanente, fake ou not fake ? : le cas CNEWS
CNEWS est devenu, en France, un symbole. Pour ses défenseurs, la chaîne brise le conformisme médiatique et offre une pluralité de voix. Pour ses détracteurs, elle incarne une machine à polarisation, où l’opinion prend le pas sur le fait.
Parler de “fake news permanente” serait excessif et juridiquement fragile. Mais parler de déséquilibre structurel, de confusion entretenue entre information et commentaire, est légitime. Le modèle économique de certaines chaînes repose sur l’attention continue, l’indignation, la conflictualité. Le clash devient une ressource.
Dans ce cadre, la vérité n’est pas toujours falsifiée. Elle est mise en scène, fragmentée, instrumentalisée. Un fait isolé devient une tendance générale. Une anecdote devient une preuve. Une émotion remplace une démonstration.
Le danger n’est pas tant le mensonge que la saturation cognitive. À force de commenter tout, en permanence, on ne hiérarchise plus rien. Le public ne sait plus ce qui relève du fait établi, de l’interprétation ou de la provocation rhétorique.
Fake news : mensonge, récit ou symptôme ?
La fake news n’est pas toujours une information fausse. Elle est souvent une information vraie, sortie de son contexte, exagérée, instrumentalisée ou répétée jusqu’à devenir toxique. Elle prospère sur la défiance généralisée : défiance envers les institutions, les élites, les médias traditionnels.
Dans ce sens, la fake news est moins la cause que le symptôme d’une crise de confiance. Une société qui ne croit plus ses médiateurs d’information devient vulnérable aux récits simplistes, aux explications totales, aux ennemis désignés.
Opposer “médias traditionnels” et “réseaux sociaux” est une erreur. Les uns alimentent souvent les autres. La frontière est poreuse. La responsabilité est collective : journalistes, propriétaires de médias, plateformes, mais aussi citoyens-consommateurs d’information.
La vérité n’est jamais pure. Mais elle peut être honnête ou relativement honnête. Et dans un monde saturé de récits concurrents, cette honnêteté devient un acte politique au sens noble.
Vers une écologie de l’information
La question n’est donc pas simplement : fake ou not fake ? Elle est plus exigeante : qui parle, depuis où, pour dire quoi, et à qui ? Apprendre à lire l’information, c’est apprendre à lire le monde, ses rapports de force, ses angles morts.
La solution ne réside ni dans la censure, ni dans la nostalgie d’un âge d’or médiatique qui n’a jamais existé. Elle passe par l’éducation critique, la transparence sur les intérêts en jeu, et une exigence renouvelée de rigueur journalistique.
La solution ne réside ni dans la censure, ni dans la nostalgie d’un âge d’or médiatique qui n’a jamais existé. Elle passe par l’éducation critique, la transparence sur les intérêts en jeu, et une exigence renouvelée de rigueur journalistique.












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