Par Hajar Dehane
Imaginez un théâtre de ruines où le rideau ne tombe jamais. Là, les enfants ne jouent plus, ils dépérissent. Les mères ne chantent plus, elles comptent les jours sans pain. Les pères ne travaillent plus, ils mendient de quoi tenir une nuit de plus. Et dans ce décor infernal, les hôpitaux deviennent des antichambres de la mort, où l’on soigne sans médicaments, où l’on opère sans anesthésie, et où l’on meurt dans le silence.
Ô monde éclairé, ô siècle des droits de l’homme ! Où donc est passée votre éloquence, vous qui jadis écriviez des déclarations en lettres dorées ? Aujourd’hui, ces lettres sont rouges. Rouges du sang des innocents et du feu que la faim allume dans les entrailles de tout un peuple. Gaza n’a plus de pain, mais elle a des martyrs. Elle n’a plus de voix, mais elle a des chiffres. Et ces chiffres, hélas, ne dérangent que les consciences encore capables de frémir.
On prétend que la faim ne fait pas de bruit. C’est faux. À Gaza, elle hurle. Elle tambourine contre les ventres. Elle griffe les visages. Elle décharne les bras. Et quand, par miracle, un convoi humanitaire fend les barbelés de l’indifférence, il est reçu non par des mains tendues, mais par des balles. Mourir en recevant un sac de farine : voilà ce que signifie désormais espérer.
Messieurs les philosophes de salon, messieurs les stratèges de bureau, mesdames les diplomates des beaux quartiers, dites-nous donc : quelle est la différence entre un champ de bataille et un champ de ruines affamées ? Quelle est la dignité d’un blocus sinon celle d’un meurtre qui prend son temps ?
Gaza meurt d’une mort lente, cruelle, préméditée. Et l’on ne pourra pas dire : « Nous ne savions pas. »
Non. Ce n’est pas seulement un peuple que l’on affame. C’est notre humanité qu’on assassine à la petite cuillère.
Et quand tout sera terminé, car tout finit toujours, même les massacres, que restera-t-il ? Des pierres et des os, des souvenirs qui hanteront les rares survivants, des visages d’enfants figés dans la maigreur, des cris que personne n’a voulu entendre, des hôpitaux réduits en poussière. Et sur les pages de l’Histoire, cette honte ineffaçable : celle d’avoir laissé mourir un peuple, non dans le fracas des armes, mais dans le silence de la faim.
Car un corps qu’on affame s’éteint, mais une conscience qui détourne le regard meurt à jamais. Et demain, lorsque nos petits-enfants nous demanderont : « Comment ont-ils pu mourir de faim sous vos yeux ? » que répondrons-nous ?












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