La plaque “Rabat_1-ب ” : ce petit bijou d'un pseudo préstige
On ne va pas se mentir. Dans l’imaginaire collectif marocain, avoir une voiture immatriculée à Rabat, c’est un peu comme porter une Rolex dans les quartiers populaires : ça inspire un respect immédiat. Ce bout de métal blanc et noir, estampillé 1-ب, agit comme un passe-droit psychologique auprès de la maréchaussée.
À force de les voir passer sans encombre, on se demande si les voitures immatriculées “1-A” ne bénéficient pas d’un label d’immunité routière. Même les motards de la gendarmerie, pourtant prompts à lever le bras à la vue d’un 45-B ou d’un 13-A, hésitent. On les entend presque chuchoter à leur collègue à l’oreillette : « Ah non… celle-là, elle est peut-être trop bien placée. Laisse passer. »
Une phrase qui en dit long sur l’inégalité symbolique qui gangrène encore les routes marocaines. Car pendant qu’on laisse filer les Rabat-plates, les matricules de Tétouan, d’Oujda, de Nador historiquement classés “suspects” ou “clandéstinos par défaut” continuent à servir de cibles privilégiées pour contrôles “préventifs”. Le réflexe reste tenace : la plaque de l’Est ou du Rif = arrestation en règle, fouille approfondie, soupçon automatique.
Cette malheuse culture routière , héritée d’une époque où la confiance administrative dépendait de la distance avec la Capitale, continue de sévir. Et l’État ? Il ne la corrige pas. Il l’institutionnalise. Pire : il laisse des réseaux mafieux profiter de cette inégalité symbolique pour vendre l’adresse de Rabat comme un passeport social routier.
Car derrière la fraude des faux certificats de résidence, récemment révélée par un scandale impliquant certains agents administratifs véreux, se cache une question bien plus gênante : l’administration fabrique-t-elle , elle-même, un prestige fictif autour de certaines plaques.
Le mythe a la peau dure, et tout le monde y croit presque : les voitures de Rabat sont plus propres, les PV plus doux, les contrôles plus tolérants, et les amendes plus rares. Alors évidemment, la demande monte. Et qui dit demande, dit offre. Et qui dit offre illégale, dit réseau mafieux administratif.
C’est donc dans cette douce ambiance que quatre agents administratifs zélés ont décidé de répondre à une mission patriotique : fournir des faux certificats de domiciliation à ceux qui, bien que résidant à Fqih Bensalah, Safi ou Sidi Slimane, rêvaient d’avoir leur voiture officiellement liée à la capitale.
En toute logique, les fonctionnaires n’ont fait qu’externaliser un service public en rade : rapide, flexible, sans prise de tête, avec une touche de baksheesh. Et soyons clairs : ils l’ont bien fait. Professionnels, efficaces, discrets... jusqu’à ce qu’on les prenne la main dans le sac, ou plutôt, le certificat dans la poche.
L’opération de démantèlement orchestrée par la police judiciaire et la DGST (quand même) a mené à la découverte d’un réseau bien huilé : des faux certificats, des fausses cartes grises, et même des reçus de dépôt en bonne et due forme. L’un des agents a même été arrêté devant un centre d’immatriculation avec huit cartes grises et un sourire de vendeur de rêves.
Les peines tombent : 8 mois pour l’un, 6 pour l’autre, 4 mois pour les moins performants. On leur reproche d’avoir porté atteinte à l’intégrité du système national d’immatriculation. Sérieusement ? Ce système avait encore une intégrité ?
Voici donc l’idée du siècle, et elle est gratuite et évidemment farfelue : que l’État lance une startup publique dédiée à la “location de domiciliation de prestige”. Appelez-la "PlaqaTech", ou "Minia Premium". Objectif : offrir aux Marocains le droit d’acheter, légalement et avec facture, une plaque de Rabat. Et pour les plus exigeants, un pack “Rabat +” avec autocollant “Fonctionnaire parlementaire” ou “Conseiller au Ministère de l’Intérieur”.
Pourquoi pas ? Cela créerait de l’emploi, renforcerait les recettes de l’État, et surtout, permettrait de réguler un marché qui existe déjà. Comme le disait Milton Friedman (ou était-ce un douanier marocain ?) : "Quand une activité illégale devient structurelle, il faut l’intégrer".
Mais au fond, cette affaire dit bien plus qu’elle n’en a l’air. Elle parle de notre obsession du paraître, de cette société marocaine où la valeur d’une voiture n’est pas dans sa motorisation, mais dans le code de la ville qui l’a vue naître administrativement.
Rabat n’est pas seulement une capitale : c’est un label social, une carte VIP, un fantasme de distinction. Et ceux qui ne peuvent pas s’y inscrire officiellement sont prêts à frauder pour y exister symboliquement.
C’est aussi un miroir de notre hypocrisie collective : on condamne les faussaires, mais on leur passe commande. On réprime, mais on inspire la demande. Tout le monde sait, tout le monde se tait… jusqu’à ce qu’un lampiste se fasse pincer.
👏 Bravo la justice… et maintenant ?
La justice a fait son travail, les policiers aussi. Mais à l’échelle du problème, ces condamnations ressemblent à un pansement sur une fracture ouverte. Le vrai chantier, ce n’est pas de punir les petits intermédiaires, mais de remettre du sens, de la transparence et de l’égalité dans l’accès aux services publics.
Tant que les citoyens percevront les services de Rabat comme plus rapides, plus fiables, mieux traités, ils continueront à tricher pour en faire partie. L’administration crée la frustration, et certains agents corrompus n’en sont que le symptôme.
Et si on arrêtait de faire semblant, c'est mieux ?
À force de vouloir des plaques de Rabat, c’est le Maroc entier qui veut être un peu plus Rabatien. Un peu plus proche du centre, du pouvoir, de l’image flatteuse. Mais cette centralisation symbolique est aussi une violence. Une violence envers ceux qu’on laisse à la périphérie, loin de tout même des illusions.
Alors oui, on peut rire. On peut écrire un édito sarcastique. Mais la vérité, c’est que tant qu’on ne réforme pas l’idée même d’égalité territoriale, la fraude sera toujours une voie parallèle pour atteindre un centre qui exclut.
À force de les voir passer sans encombre, on se demande si les voitures immatriculées “1-A” ne bénéficient pas d’un label d’immunité routière. Même les motards de la gendarmerie, pourtant prompts à lever le bras à la vue d’un 45-B ou d’un 13-A, hésitent. On les entend presque chuchoter à leur collègue à l’oreillette : « Ah non… celle-là, elle est peut-être trop bien placée. Laisse passer. »
Une phrase qui en dit long sur l’inégalité symbolique qui gangrène encore les routes marocaines. Car pendant qu’on laisse filer les Rabat-plates, les matricules de Tétouan, d’Oujda, de Nador historiquement classés “suspects” ou “clandéstinos par défaut” continuent à servir de cibles privilégiées pour contrôles “préventifs”. Le réflexe reste tenace : la plaque de l’Est ou du Rif = arrestation en règle, fouille approfondie, soupçon automatique.
Cette malheuse culture routière , héritée d’une époque où la confiance administrative dépendait de la distance avec la Capitale, continue de sévir. Et l’État ? Il ne la corrige pas. Il l’institutionnalise. Pire : il laisse des réseaux mafieux profiter de cette inégalité symbolique pour vendre l’adresse de Rabat comme un passeport social routier.
Car derrière la fraude des faux certificats de résidence, récemment révélée par un scandale impliquant certains agents administratifs véreux, se cache une question bien plus gênante : l’administration fabrique-t-elle , elle-même, un prestige fictif autour de certaines plaques.
Le mythe a la peau dure, et tout le monde y croit presque : les voitures de Rabat sont plus propres, les PV plus doux, les contrôles plus tolérants, et les amendes plus rares. Alors évidemment, la demande monte. Et qui dit demande, dit offre. Et qui dit offre illégale, dit réseau mafieux administratif.
C’est donc dans cette douce ambiance que quatre agents administratifs zélés ont décidé de répondre à une mission patriotique : fournir des faux certificats de domiciliation à ceux qui, bien que résidant à Fqih Bensalah, Safi ou Sidi Slimane, rêvaient d’avoir leur voiture officiellement liée à la capitale.
En toute logique, les fonctionnaires n’ont fait qu’externaliser un service public en rade : rapide, flexible, sans prise de tête, avec une touche de baksheesh. Et soyons clairs : ils l’ont bien fait. Professionnels, efficaces, discrets... jusqu’à ce qu’on les prenne la main dans le sac, ou plutôt, le certificat dans la poche.
L’opération de démantèlement orchestrée par la police judiciaire et la DGST (quand même) a mené à la découverte d’un réseau bien huilé : des faux certificats, des fausses cartes grises, et même des reçus de dépôt en bonne et due forme. L’un des agents a même été arrêté devant un centre d’immatriculation avec huit cartes grises et un sourire de vendeur de rêves.
Les peines tombent : 8 mois pour l’un, 6 pour l’autre, 4 mois pour les moins performants. On leur reproche d’avoir porté atteinte à l’intégrité du système national d’immatriculation. Sérieusement ? Ce système avait encore une intégrité ?
Voici donc l’idée du siècle, et elle est gratuite et évidemment farfelue : que l’État lance une startup publique dédiée à la “location de domiciliation de prestige”. Appelez-la "PlaqaTech", ou "Minia Premium". Objectif : offrir aux Marocains le droit d’acheter, légalement et avec facture, une plaque de Rabat. Et pour les plus exigeants, un pack “Rabat +” avec autocollant “Fonctionnaire parlementaire” ou “Conseiller au Ministère de l’Intérieur”.
Pourquoi pas ? Cela créerait de l’emploi, renforcerait les recettes de l’État, et surtout, permettrait de réguler un marché qui existe déjà. Comme le disait Milton Friedman (ou était-ce un douanier marocain ?) : "Quand une activité illégale devient structurelle, il faut l’intégrer".
Mais au fond, cette affaire dit bien plus qu’elle n’en a l’air. Elle parle de notre obsession du paraître, de cette société marocaine où la valeur d’une voiture n’est pas dans sa motorisation, mais dans le code de la ville qui l’a vue naître administrativement.
Rabat n’est pas seulement une capitale : c’est un label social, une carte VIP, un fantasme de distinction. Et ceux qui ne peuvent pas s’y inscrire officiellement sont prêts à frauder pour y exister symboliquement.
C’est aussi un miroir de notre hypocrisie collective : on condamne les faussaires, mais on leur passe commande. On réprime, mais on inspire la demande. Tout le monde sait, tout le monde se tait… jusqu’à ce qu’un lampiste se fasse pincer.
👏 Bravo la justice… et maintenant ?
La justice a fait son travail, les policiers aussi. Mais à l’échelle du problème, ces condamnations ressemblent à un pansement sur une fracture ouverte. Le vrai chantier, ce n’est pas de punir les petits intermédiaires, mais de remettre du sens, de la transparence et de l’égalité dans l’accès aux services publics.
Tant que les citoyens percevront les services de Rabat comme plus rapides, plus fiables, mieux traités, ils continueront à tricher pour en faire partie. L’administration crée la frustration, et certains agents corrompus n’en sont que le symptôme.
Et si on arrêtait de faire semblant, c'est mieux ?
À force de vouloir des plaques de Rabat, c’est le Maroc entier qui veut être un peu plus Rabatien. Un peu plus proche du centre, du pouvoir, de l’image flatteuse. Mais cette centralisation symbolique est aussi une violence. Une violence envers ceux qu’on laisse à la périphérie, loin de tout même des illusions.
Alors oui, on peut rire. On peut écrire un édito sarcastique. Mais la vérité, c’est que tant qu’on ne réforme pas l’idée même d’égalité territoriale, la fraude sera toujours une voie parallèle pour atteindre un centre qui exclut.
Et vous ? Quelle serait votre prochaine idée de startup légalisée à partir d’un business illégal déjà bien implanté ?












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