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L’ordre public : équilibre fragile entre sécurité et liberté


Rédigé par La rédaction le Lundi 29 Septembre 2025

Des vidéos d’interpellations musclées ont circulé tout le week-end, déclenchant une vague d’indignation. Pourtant, les autorités affirment avoir agi selon des protocoles stricts, sans usage excessif de la force. Alors, simple préservation de l’ordre public ou dérive inquiétante face à une jeunesse en quête d’expression ?



​Un week-end sous tension

Samedi 27 et dimanche 28 septembre, plusieurs villes marocaines ont été le théâtre de rassemblements spontanés, convoqués via des messages anonymes circulant sur les réseaux sociaux et des messageries cryptées. Les autorités locales avaient pourtant interdit ces attroupements. L’argument officiel : absence de déclaration préalable et risque de trouble à l’ordre public.

Face à ces appels virtuels, les forces de l’ordre ont déployé un dispositif visible : agents en uniforme, renforts en civil portant des signes distinctifs, mais sans armes conventionnelles ni équipements lourds. Pas de matraques, pas de canons à eau, pas de gaz lacrymogène, assurent les autorités. L’objectif déclaré : sécuriser les lieux, empêcher les débordements et garantir la fluidité de la circulation.

La procédure semble avoir été respectée dans ses grandes lignes. Trois avertissements sonores ont été lancés au mégaphone avant toute tentative de dispersion, conformément aux règles en vigueur. La majorité des personnes présentes aurait quitté les lieux sans résistance. Pour les récalcitrants, les forces de l’ordre disent avoir privilégié l’éloignement pacifique plutôt que la confrontation directe.

Dans ce cadre, certains individus ont été conduits aux postes de police les plus proches pour contrôle d’identité, puis relâchés dans la foulée. Les autorités insistent : pas de violences signalées, pas de blessés, aucun dégât matériel recensé.

Des images qui racontent une autre histoire

Mais les vidéos partagées sur TikTok, X (ancien Twitter) ou encore Instagram racontent une tout autre réalité. On y voit des arrestations rapides, parfois brutales, des jeunes plaqués au sol ou traînés par les bras. De quoi alimenter la colère de nombreux internautes, qui dénoncent une disproportion entre la nature des rassemblements et la réaction des forces publiques.

« Même si ces manifestations n’étaient pas autorisées, la manière de traiter des jeunes qui expriment pacifiquement leur mécontentement pose question », estime une sociologue casablancaise, contactée par notre rédaction. Elle rappelle que les images, qu’elles soient isolées ou non, pèsent lourd dans l’opinion publique.

​La légalité contre la légitimité

Les autorités avancent un argument juridique solide : la loi impose une déclaration préalable pour tout rassemblement public. Dans ce cas, rien n’avait été déposé. De plus, les initiateurs des appels à manifester demeurent inconnus, un flou qui nourrit la méfiance des pouvoirs publics. « Comment tolérer des attroupements déclenchés par des appels anonymes, sans savoir qui tire les ficelles et avec quelles intentions ? », s’interroge un ancien haut responsable sécuritaire.

Pour lui, l’État se devait de réagir fermement, sous peine de voir se multiplier des mouvements incontrôlés.

Mais de l’autre côté, de nombreuses voix rappellent que le droit de manifester est une liberté fondamentale, protégée par la Constitution. Certes, l’absence d’autorisation fragilise la légalité des rassemblements, mais faut-il pour autant criminaliser l’expression spontanée d’une génération qui, faute de canaux officiels, choisit les réseaux sociaux pour se faire entendre ?

L’éternel dilemme : sécurité ou liberté ?

C’est tout le paradoxe de ces deux journées. D’un côté, un État soucieux de prévenir le désordre, de protéger biens et personnes. De l’autre, une jeunesse qui réclame de nouveaux espaces d’expression, hors des cadres classiques souvent perçus comme verrouillés.

Dans les cafés de Rabat comme dans les rues de Casablanca, les discussions s’animent : fallait-il intervenir vigoureusement alors que les mobilisations peinaient à rassembler des foules massives ? N’aurait-il pas été plus habile de laisser se dérouler quelques marches symboliques, quitte à encadrer le mouvement plutôt que de le contenir fermement ?

Les cas plus sensibles concernent quelques dizaines de personnes placées en garde à vue, notamment à Rabat et Casablanca. Selon les autorités, il s’agit de participants ayant commis des infractions constituant des crimes punissables par la loi. Ces mesures auraient été ordonnées par le parquet compétent, et non de manière arbitraire.

Les défenseurs des droits humains demandent néanmoins davantage de transparence. Ils appellent à rendre publics les motifs précis des gardes à vue et à garantir l’accès à l’assistance juridique dès les premières heures d’interrogatoire.

​Un rapport de force en mutation

L’affaire met en lumière une évolution du rapport de force entre l’État et une partie de la jeunesse marocaine. Cette génération connectée, souvent qualifiée de « Z », maîtrise l’art de la viralité. Quelques vidéos suffisent à déclencher une tempête médiatique, éclipsant les communiqués officiels, pourtant détaillés et calibrés.

Pour les autorités, ce nouvel environnement numérique complique la gestion de l’ordre public.

Chaque geste, chaque interpellation peut être filmée, découpée et diffusée hors contexte, donnant parfois l’image d’une violence généralisée alors qu’il ne s’agit que d’incidents isolés.

Vers une nécessaire refondation du dialogue

L’épisode du 27-28 septembre rappelle crûment l’urgence d’un dialogue rénové entre institutions et citoyens. Les jeunes ne se contentent plus des canaux traditionnels – syndicats, partis politiques, associations classiques. Ils créent leurs propres arènes d’expression, souvent virtuelles, et attendent une réponse rapide, claire, lisible.

Verrouiller ces espaces ne suffira pas. Le défi est de les encadrer sans les étouffer, d’inventer des passerelles entre le besoin d’ordre et l’aspiration à la liberté. C’est un chantier éminemment politique, qui dépasse la simple gestion sécuritaire.

L’intervention des forces de l’ordre, ce week-end, a révélé une double réalité.

D’un côté, un appareil sécuritaire qui revendique une action mesurée, sans excès, et qui insiste sur l’absence de blessés ou de dégâts. De l’autre, des images et des témoignages qui laissent planer un doute, et qui rappellent que la perception de la force peut parfois compter autant que son usage réel.

Entre ordre public et droit d’expression, le Maroc cherche encore la ligne de crête. L’avenir dépendra de la capacité de l’État à rassurer sans brutaliser, et de la société civile à organiser ses revendications dans le respect de la loi. Ce dialogue, s’il voit le jour, pourrait éviter que les prochains week-ends ne se transforment à nouveau en bras de fer.





Lundi 29 Septembre 2025

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