Pas tout le corps, bien sûr, la majorité fait son travail honnêtement, comme partout. Mais il suffit parfois d’une poignée pour abîmer l’uniforme. Une poignée qui a décidé que dans cette vallée reculée, la loi pouvait être flexible comme un pneu chinois : élastique pour certains, tranchante comme un couperet pour d’autres.
D’un côté, on laissait rouler en toute illégalité des transporteurs sans papiers, sans assurance, sans visite technique, sans même parfois un frein à main en état de marche.
De l’autre, on tombait avec une rigueur olympique sur ceux en règle : contrôle, contravention, immobilisation du véhicule, sermon façon père Fouettard… et surtout, surtout, ces « prix de passage » aussi inventifs que humiliants.
800 dirhams d’amende imaginaire, selon les dires monsieur Moha et, apothéose de l’absurdité bureaucratico-pastorale : la fourniture d’une chèvre…
Oui, une chèvre.
Une vraie.
Avec plein de poils et une barbichette…
La chèvre de Monsieur Moha, transporteur de son état, homme sans doute respecté, père de famille, citoyen modèle, jusqu’au jour où il a dû, pour éviter une contravention sortie des nuages, remettre une chèvre à un gendarme en guise de règlement de contravention et dont le sens de l’éthique tient manifestement dans une poche très extensible.
La pauvre bête, innocente, fut certainement embarquée comme preuve vivante d’un système archaïque qui ne dit pas son nom. Une monnaie animale. Une taxe sur pattes. Une humiliation ineffaçable…