L'ODJ Média



La morale politico-journalistique : entre transparence, responsabilité et éthique démocratique


Rédigé par le Mardi 10 Juin 2025

Une réflexion sur les tensions entre politiques et journalistes à l’ère des réseaux sociaux. Vers une nouvelle morale partagée fondée sur la responsabilité.



Politiques et journalistes : entre défiance et nécessité de dialogue

Image IA
Image IA
Il est temps de dépasser les malentendus persistants entre les acteurs politiques et les professionnels des médias. Non, un responsable politique n’est pas, par essence, l’adversaire du journaliste. Et non, un journaliste critique n’est pas nécessairement un militant déguisé. Pourtant, les tensions entre ces deux figures centrales de la démocratie sont récurrentes, parfois même structurelles. Il existe une forme de suspicion réciproque qui nuit à l’évolution d’une vie publique saine, éthique et transparente.

Du côté des politiques, la tentation de se soustraire à la critique est forte. Beaucoup supportent mal les enquêtes journalistiques qui révèlent les failles de leur gestion, les contradictions de leurs discours ou les abus de pouvoir. Certains voient dans toute forme de critique une attaque personnelle, voire une menace pour leur légitimité. Or, dans un système démocratique mature, la critique n’est pas une agression : elle est une composante naturelle de l’équilibre des pouvoirs. Elle permet au citoyen de comprendre, d’évaluer et, si nécessaire, de contester.

Du côté des journalistes, l’indépendance ne doit pas se transformer en impunité. Le droit d’informer est sacré, mais il s’accompagne d’un devoir de rigueur. Propager de fausses nouvelles, amalgamer les faits, jouer sur les émotions ou les insinuations peut détruire des réputations, manipuler l’opinion et décrédibiliser la presse elle-même. Un journaliste engagé dans la recherche de la vérité doit accepter d’être interpellé, corrigé, voire sanctionné, si ses propos enfreignent les règles de l’éthique ou du droit.

Dès lors, il convient de rappeler un principe fondamental : la responsabilité appelle la reddition de comptes. Celui qui exerce une autorité politique est comptable de ses actes, de ses décisions et de leur impact sur la société. Mais celui qui écrit, publie, commente ou enquête engage aussi sa responsabilité morale et professionnelle. Les deux doivent accepter de répondre de leurs actes devant l’opinion et, si besoin, devant la justice.

Ainsi, lorsqu’un responsable politique est mis en cause dans les médias pour corruption, clientélisme ou manquements éthiques, son silence peut être interprété comme un aveu. Refuser de répondre, de démentir ou de porter plainte, c’est laisser planer le doute sur sa probité. Un responsable sûr de son intégrité devrait saisir les voies légales pour défendre son honneur, rétablir les faits et, s’il le faut, réclamer réparation. De la même manière, un silence persistant face à des accusations lourdes devient une forme de démission morale.

À l’inverse, un responsable qui poursuit un journaliste en justice ne doit pas être perçu comme un ennemi de la liberté d’expression. Il exerce un droit légitime à la protection de son image et de sa réputation, à condition que sa démarche vise la vérité et non la vengeance. Dès lors qu’un journaliste s’excuse, rectifie ou précise ses propos, le bon sens voudrait que le responsable sache refermer la page, dans un esprit de réconciliation démocratique et de respect mutuel.

Ce dialogue, même tendu, entre la parole publique et la parole journalistique est au cœur de la vitalité démocratique. L’un pousse l’autre à plus de vigilance, de cohérence, d’intégrité. Le politique, en sentant le regard médiatique sur ses gestes, agit avec plus de prudence et de transparence. Le journaliste, conscient du risque judiciaire en cas d’erreur ou de diffamation, affine son enquête, vérifie ses sources, et évite les approximations. C’est cette dialectique, parfois inconfortable, qui fonde la qualité de nos démocraties.

Mais il y a un autre impératif, souvent négligé : le respect de la loi spécifique régissant les médias. Toute poursuite visant un journaliste, un blogueur ou un simple citoyen ayant diffusé une information, doit s’appuyer sur le cadre juridique de la loi sur la presse et l’édition, tant que le support est numérique ou imprimé. Le recours au droit pénal général pour traiter une publication, sans passer par les garanties prévues par la loi sur la presse, constitue un recul grave pour l’État de droit.

Cette loi prévoit, notamment dans son article 72, des sanctions claires contre la publication volontaire de fausses informations. Elle offre aussi aux personnes mises en cause un cadre pour faire valoir leurs droits, par le biais des articles 81 à 85. Ce cadre protège à la fois la liberté d’expression et la dignité des personnes. Il évite les dérives populistes comme les procès bâillons.

En fin de compte, une presse exigeante renforce la probité de l’action publique. Et des responsables capables d’assumer la confrontation médiatique sans verser dans la victimisation participent à la consolidation d’une culture politique moderne. Il n’y a pas de démocratie forte sans presse responsable. Et il n’y a pas de presse libre sans contrepoids institutionnel.

C’est pourquoi il est urgent d’instaurer une morale politico-journalistique qui soit fondée sur le respect réciproque, la responsabilité assumée, et la transparence dans le débat public. Ni la presse ni le pouvoir ne doivent chercher à faire taire l’autre. Ils doivent au contraire se considérer comme des partenaires critiques au service d’un bien commun : la vérité démocratique.

​À l’ère des réseaux sociaux, tout est à repenser

Il est vrai aussi que les réseaux sociaux, et plus particulièrement l’irruption massive de certains youtubeurs politiques, ont bouleversé tous les repères. Les frontières entre journalisme, militantisme, satire et désinformation sont devenues floues, mouvantes, parfois explosives. Des codes déontologiques construits en plusieurs décennies ont été balayés en quelques années par des formats bruts, émotionnels, viraux.

Certains de ces nouveaux acteurs jouent un rôle salutaire d’alerte et de veille citoyenne. D’autres, au contraire, abusent de leur influence pour diffuser des opinions extrêmes, des accusations sans preuve, voire des fake news dangereuses. Ils échappent souvent à la régulation classique et se retranchent derrière la liberté d’expression, tout en échappant à la responsabilité éditoriale.

Face à cette mutation rapide et profonde, il devient impératif de réécrire certaines lois, non pour restreindre la liberté, mais pour adapter les cadres existants à cette nouvelle réalité numérique. Il ne s’agit pas de censurer, mais de stabiliser la relation entre politique, journalisme et espace numérique, en replaçant l’éthique, la transparence et la responsabilité au cœur de l’expression publique, quel qu’en soit le canal.

politique et médias, responsabilité journalistique, liberté d’expression, presse et pouvoir, diffamation politique, justice et médias, youtubeurs politiques, loi sur la presse, régulation numérique, démocratie et information






Mardi 10 Juin 2025


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 13 Juin 2025 - 13:01 Israël allume la mèche de l’apocalypse

Breaking news | Analyses & Finance & Bourse | Communiqué de presse | Eco Business | Digital & Tech | Santé & Bien être | Lifestyle | Culture & Musique & Loisir | Sport | Auto-moto | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Last Conférences & Reportages | Bookcase | L'ODJ Média


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ








Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html











Santé & Dentaire
Explorer Santé & Dentaire →
Tech & Startups
Voir l'actualité tech →