Au Maroc, la famille occupe une place centrale dans l’organisation sociale. Elle est à la fois un espace de solidarité et de transmission des valeurs, mais aussi un cadre où peuvent naître des tensions et des conflits profonds. Dans ce contexte, la thérapie brève, issue de l’École de Palo-Alto, représente une approche innovante pour résoudre ces conflits sans s’enliser dans des analyses interminables du passé. Adaptée aux dynamiques familiales marocaines, elle offre des solutions concrètes et rapides aux problèmes relationnels, permettant aux individus de retrouver un équilibre sans remettre en question l’ensemble du cadre culturel.

La famille marocaine est souvent marquée par des structures hiérarchiques rigides où l’autorité parentale, le poids des traditions et la pression sociale influencent fortement les relations. Dans ce contexte, les conflits intergénérationnels, les tensions conjugales ou encore les problèmes de communication entre frères et sœurs peuvent se transformer en crises profondes.

Contrairement aux approches psychanalytiques qui cherchent à analyser les causes profondes des troubles, la thérapie brève se concentre sur le "comment" plutôt que sur le "pourquoi". Son objectif est de modifier les interactions présentes pour créer un changement durable. Au lieu d’explorer un passé souvent chargé de non-dits et de tabous, elle agit directement sur les comportements et les perceptions des membres de la famille pour instaurer un dialogue plus fluide.

La thérapie brève repose sur plusieurs idées clés qui résonnent particulièrement dans le contexte marocain :

La réalité est une construction subjective
Chaque individu interprète la réalité à travers le prisme de son vécu et de ses croyances. Or, au sein des familles marocaines, cette diversité de perceptions peut être source de tensions, notamment entre générations. Un père qui considère que son autorité est absolue et un fils qui revendique plus d’autonomie peuvent être enfermés dans des visions opposées de la réalité, rendant la communication difficile.

Le changement passe par l'action immédiate
Dans la culture marocaine, la patience et l’endurance face aux difficultés familiales sont souvent valorisées, ce qui peut mener à une stagnation des conflits. La thérapie brève propose une approche plus dynamique : plutôt que d’attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes, elle encourage les changements concrets et rapides.

Se focaliser sur les solutions plutôt que sur les causes
Beaucoup de familles marocaines sont réticentes à l’idée d’une thérapie longue, perçue comme un aveu de faiblesse ou une intrusion extérieure. La thérapie brève contourne cet obstacle en mettant l’accent sur des résultats visibles en quelques séances, ce qui correspond à un besoin d’efficacité souvent recherché.

Une méthode concrète pour débloquer les conflits

Les thérapeutes brèves au Maroc utilisent plusieurs outils adaptés aux réalités locales. Parmi eux :

Le recadrage des perceptions : Il s’agit de modifier la façon dont un individu perçoit une situation conflictuelle. Par exemple, un mari qui voit sa femme comme "désobéissante" peut être amené à la percevoir comme une partenaire ayant des besoins légitimes.

Les prescriptions paradoxales : Pour déstabiliser un schéma relationnel rigide, le thérapeute peut donner un conseil inattendu. Par exemple, demander à une mère qui se plaint du comportement rebelle de son fils d’accentuer volontairement ses critiques. Ce type d’intervention permet de briser les automatismes et d’ouvrir de nouvelles perspectives.

L'intervention systémique : Plutôt que de traiter un individu isolé, la thérapie brève prend en compte l’ensemble du système familial. En modifiant une seule interaction, l’ensemble des relations peut évoluer de manière positive.

Un outil prometteur mais encore peu connu

Malgré ses nombreux atouts, la thérapie brève reste encore méconnue au Maroc. Le recours à un psychologue est souvent perçu comme un dernier recours, voire comme une honte sociale. Pourtant, cette approche pourrait répondre aux défis actuels des familles marocaines, notamment face aux mutations sociétales qui bousculent les modèles traditionnels.

Des initiatives commencent à voir le jour, avec des praticiens qui adaptent la thérapie brève aux spécificités culturelles du pays. En intégrant des références issues du patrimoine marocain, des exemples concrets et des exercices adaptés, ces professionnels contribuent à démocratiser une approche qui pourrait transformer la gestion des conflits familiaux.

Dans une société marocaine en pleine transition, où les tensions familiales sont exacerbées par des attentes contradictoires entre tradition et modernité, la thérapie brève offre une solution pragmatique, efficace et respectueuse des valeurs locales. En permettant aux individus de dépasser leurs blocages rapidement et sans remettre en question leurs croyances fondamentales, elle constitue une alternative prometteuse pour apaiser les relations et renforcer les liens familiaux. Reste maintenant à la faire connaître et à encourager son intégration dans les pratiques thérapeutiques au Maroc.