Une tentative de démystification d’un examen médical enrobé de tabous
Il y a des gestes qui sauvent, et d’autres qui rassurent.
Le toucher rectal, en tant qu’examen médical, fait les deux à la fois.
Souvent redouté, parfois moqué, il reste dans l’imaginaire collectif ce geste que l’on évite d’évoquer, comme s’il appartenait à un monde interdit.
Pourtant, il est l’un des outils les plus précieux entre les mains du médecin.
Un geste silencieux, mais éloquent.
Un geste de chair et de savoir.
Le TR selon l’urologue : une porte vers la prostate
Pour l’urologue, le toucher rectal (TR) est une fenêtre tactile sur la prostate.
Ce petit organe, souvent oublié, caché derrière le rectum, peut au fil des années devenir le siège d’un cancer silencieux.
Et c’est là que tout commence.
Le médecin glisse un doigt ganté, lubrifié, dans le canal rectal, avec tact, respect et expérience.
Ce geste de quelques secondes permet de sentir une prostate lisse ou rugueuse, souple ou dure, régulière ou bosselée.
Parfois, une simple anomalie au bout du doigt peut déclencher une série d’examens qui sauvera une vie, précise Dr Sami BEKKALI, médecin urologue.
Comme le souligne le Pr Claus Roehrborn, chef du département d’urologie au Southwestern Medical Center (Texas, USA) :
« Le toucher rectal reste, malgré les progrès technologiques, l’un des examens cliniques les plus simples, les plus rapides et les plus utiles pour détecter un cancer de la prostate à un stade précoce. »
Le TR selon le gastro-entérologue : un détective du rectum
Le gastro-entérologue, lui, ne cherche pas la prostate.
Il cherche l’ombre d’un saignement, la trace d’un polype, la fermeté d’une masse, la sensibilité d’une muqueuse.
Le rectum est pour lui un terrain d’exploration.
Un monde souterrain où les premiers signes du cancer colorectal, de la fissure anale, ou de l’abcès peuvent s’annoncer… au bout du doigt, indique Dr Ghizlane DRISSI, Médecin Gastro-entérologue et proctologue.
Le TR est ici un prélude, une ouverture, un premier chapitre avant la coloscopie, le scanner ou l’IRM.
Il renseigne sur la douleur, la consistance, la localisation, il alerte sur l’urgence ou la chronicité.
Pour le Pr Jean-François Rey, ancien président de la Société Française d’Endoscopie Digestive :
« Le doigt du médecin est parfois plus précieux qu’un endoscope. Un simple toucher rectal peut révéler un cancer rectal que ni le patient ni les examens sanguins ne soupçonnaient. »
Un geste simple, un tabou complexe
Et pourtant, que de malentendus…
Le TR souffre d’un déficit d’image, victime d’une fausse pudeur, d’une peur mal placée, de rires nerveux dans les salles d’attente.
Comme si la médecine ne pouvait franchir certaines frontières.
Comme si la dignité du patient se perdait dans ce simple toucher.
Or, c’est l’inverse.
Le médecin qui pratique un TR protège la dignité en préservant la santé.
Victor Hugo disait :
« L’œil écoute, le doigt interroge, et le silence répond. »
Dans le TR, c’est le doigt qui interroge le corps.
Et parfois, le corps murmure une vérité qu’aucune machine ne sait encore capter.
Éduquer pour apaiser
Le TR ne doit plus être un sujet de gêne.
Il doit être expliqué, partagé, respecté.
Il fait partie d’un examen médical rigoureux, encadré, codifié, intégré dans les recommandations internationales pour le dépistage du cancer de la prostate chez l’homme, ou du cancer colorectal.
Ce geste, aussi discret soit-il, peut être le premier pas vers un diagnostic précoce, donc une guérison.
Alors, la prochaine fois que votre médecin vous propose un toucher rectal, souvenez-vous :
ce n’est ni un affront, ni une humiliation,
c’est un acte de vigilance,
un geste d’écoute,
et une main tendue entre la médecine et la vie.












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