Depuis quelques décennies, les systèmes de retraite par répartition dans le monde vacillent sous le poids de pressions économiques, démographiques et sociales. Conçus dans une période où la population active était largement supérieure à celle des retraités, ces systèmes peinent désormais à maintenir un équilibre financier. À l'échelle mondiale, le capitalisme et le libéralisme semblent attendre patiemment leur heure, prêts à s’imposer comme les solutions de repli lorsque ces modèles deviendront insoutenables. Le Maroc, en pleine réforme annoncée de son propre système de retraite, n’échappe pas à cette dynamique globale.


Le système de retraite marocain repose majoritairement sur un modèle par répartition, où les cotisations des actifs financent directement les pensions des retraités. Ce modèle, en théorie solidaire, est aujourd’hui menacé par plusieurs facteurs :
 

• Vieillissement démographique : L’augmentation de l’espérance de vie, combinée à un ralentissement de la croissance démographique, réduit la proportion d’actifs cotisants par rapport aux retraités.
• Taux de chômage élevé : Une part importante de la population marocaine en âge de travailler est exclue du marché formel, ce qui limite la base contributive.
• Économie informelle : Une grande partie des travailleurs ne cotise pas aux régimes de retraite, laissant un vide béant dans les recettes.

Ces défis s’inscrivent dans un contexte où les déficits des caisses de retraite se creusent inexorablement. Selon les projections, si des réformes structurelles ne sont pas entreprises, le système actuel pourrait s’effondrer à moyen terme.

Dans ce contexte, le capitalisme et le libéralisme économique apparaissent comme des alternatives prêtes à capitaliser sur l’effondrement des systèmes publics de retraite. La transition vers des régimes par capitalisation – où chaque individu épargne pour sa propre retraite – est souvent présentée comme une solution inévitable.

Cependant, cette approche soulève de nombreuses interrogations :

Inégalités sociales : Les individus aux revenus modestes auront des difficultés à épargner suffisamment pour garantir une retraite digne.
Vulnérabilité face aux marchés financiers : Les retraites par capitalisation sont exposées aux fluctuations des marchés, augmentant les risques pour les épargnants.
Affaiblissement de la solidarité intergénérationnelle : Le passage à un système individuel fragilise l’idée même de solidarité nationale.

La réforme des retraites au Maroc, bien que nécessaire, s’annonce particulièrement douloureuse. Elle devra concilier des impératifs financiers avec des exigences sociales, dans un pays où une large part de la population vit dans la précarité.

Parmi les pistes évoquées figurent :

Une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite, déjà impopulaire.
Une hausse des cotisations pour les actifs et les employeurs, risquant de peser sur le pouvoir d’achat et la compétitivité économique.
Une réduction des prestations, ce qui pourrait accentuer la pauvreté chez les retraités.

Pour éviter que la réforme ne se transforme en un transfert pur et simple vers des modèles libéraux, le Maroc devra innover. Une piste serait de diversifier les sources de financement des retraites, en intégrant par exemple des contributions issues de la fiscalité générale ou des revenus de l’économie informelle. Par ailleurs, une meilleure inclusion des jeunes et des femmes sur le marché du travail pourrait élargir la base contributive.

Enfin, il est essentiel que cette réforme s’inscrive dans une vision plus large de justice sociale et de solidarité intergénérationnelle. Sans cela, le risque est grand de voir s’aggraver les inégalités et d’entraîner une perte de confiance dans les institutions publiques.

La crise des systèmes de retraite est un enjeu global qui reflète les contradictions profondes des modèles économiques actuels. Au Maroc, comme ailleurs, les réformes nécessaires devront se faire avec courage, mais aussi avec une vision à long terme qui privilégie la solidarité sur la simple logique de profit. C’est à ce prix que l’on pourra éviter que le capitalisme ne devienne la seule réponse à un problème complexe.

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