Par Adnan Debbarh
Nos échanges ont d’ailleurs montré que les divergences apparentes n’empêchent pas les convergences de fond. Comme plusieurs l’ont relevé, nos positions ne s’excluent pas : elles se complètent.
Vous rappelez avec raison qu’un projet de Loi de Finances n’est pas une réforme institutionnelle ni un traité de gouvernance, mais un instrument budgétaire et fiscal à horizon annuel.
J’entends cette précision, et je comprends que l’Alliance des économistes istiqlaliens ait choisi de se concentrer sur des mesures économiques et sociales tangibles. Mais c’est précisément parce que le PLF est un outil budgétaire que la question de l’exécution devient incontournable : chaque dirham inscrit dans la loi est un test de gouvernance.
Nous sommes d’accord : le Maroc ne manque pas de stratégies. Il souffre d’un déficit d’exécution. Vous le reconnaissez vous-même. Or, si tel est le diagnostic partagé, il ne me paraît pas possible de repousser le débat sur la gouvernance à « d’autres canaux et d’autres temporalités ».
Le PLF est l’unique moment où les ambitions stratégiques se traduisent en allocations chiffrées et en arbitrages opérationnels. S’il existe un lieu pour interroger la capacité d’exécution de l’État, c’est bien celui-là.
Vous soulignez que certaines de vos propositions impliquent déjà, implicitement, une exigence de gouvernance : un meilleur ciblage pour le RSU, une transparence accrue dans la gestion de l’IR, un suivi renforcé pour les PME. Je vous l’accorde.
Mais c’est là, à mon sens, la limite de l’implicite. L’expérience marocaine nous a montré que les intentions, même chiffrées, ne suffisent pas. Ce qui manque, c’est la mise en visibilité de la chaîne de responsabilité, l’assignation claire des moyens et des délais, et l’instauration de mécanismes de suivi publics. Sans cet explicite, l’implicite se dissout dans le quotidien bureaucratique.
Les comparaisons internationales sont éclairantes. En Asie, la vision économique a certes été décisive, mais elle n’aurait jamais produit ses effets sans des administrations capables de délivrer, de mesurer et de corriger en continu. La cohérence économique se nourrit de la discipline institutionnelle. Le Maroc ne franchira pas le palier de souveraineté, de justice sociale et de compétitivité que vous appelez de vos vœux sans cette articulation claire entre choix budgétaires et gouvernance.
Je ne vous demande pas de transformer un mémorandum budgétaire en une réforme constitutionnelle. Mais je plaide pour que la gouvernance soit assumée, frontalement, comme le fil conducteur du PLF 2026. Non comme un chapitre annexe, mais comme une exigence transversale qui conditionne la réussite de toutes les mesures. C’est le seul moyen de restaurer la confiance, qui est, vous l’avez rappelé, le ciment du contrat social. Je crois d’ailleurs que c’est là le sens de nos complémentarités.
L’AEI apporte des propositions précises pour orienter les choix budgétaires. Mon insistance vise à rappeler qu’un choix budgétaire n’a de valeur que s’il est exécutable. Le Maroc a besoin des deux : de la clarté des mesures et de l’exigence de gouvernance. Un économiste peut s’arrêter au « quoi faire ». Un militant politique, lui, doit assumer aussi le « comment faire ».
Pour ma part je demeure convaincu que l’avenir de notre pays dépendra de ceux qui auront le courage de tenir ensemble ces deux dimensions.
Je vous remercie donc encore pour cet échange, que j’espère voir prolongé. Si nos deux voix se rencontrent aujourd’hui, c’est moins par hasard que par nécessité : celle d’un pays qui ne peut plus se permettre de séparer le « quoi faire » du « comment le faire ».
À l’heure du PLF 2026, dernier budget de cette législature, le débat sur la gouvernance n’est plus une option : il est le cœur de la crédibilité de l’action publique.
Avec toute ma considération amicale,
Adnan Debbarh
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Adnan Debbarh salue dans cette chronique l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) pour avoir mis sur la table huit séries de propositions pour le PLF 2026, dans la lignée du patriotisme social du parti de l’Istiqlal. Mais derrière la pertinence des intentions se dessine un angle mort majeur que Adnan Debbarh met en lumière : la gouvernance. Sans administration performante, sans transparence et sans mécanismes de redevabilité, les mesures risquent de demeurer inopérantes. Le Maroc ne manque pas de stratégies ni de diagnostics, écrit-il, mais de capacité d’exécution. L’enjeu est donc aujourd’hui plus sur le second volet que sur le premier........................
Adnane Benchakroun, vice-président de l’AEI VS Adnan Debbarh
Vous avez eu la courtoisie de lire attentivement notre mémorandum et d’en saluer l’esprit, ce qui mérite d’être souligné. Nous partageons en effet la conviction qu’un parti comme l’Istiqlal doit mettre sur la table des propositions structurantes pour éclairer le débat budgétaire. Nous vous remercions donc pour cet échange, car la confrontation des idées est toujours salutaire pour enrichir la réflexion nationale.....................












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