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Non, je n’ai pas été invité aux premières assises de l’intelligence artificielle au Maroc


Rédigé par La rédaction le Mercredi 25 Juin 2025

Je ne suis pas (trop) vexé, mais voilà ce que j’aurais aimé partager avec les participants à ces assises que j'applaudie d'un autre côté.



A lire ou à écouter en podcast :


Par Adnane Benchakroun – Économiste, stratège et senior marocain libre de ton et d’esprit

Non, je ne serais pas dans la salle. Pas de badge, pas de programme, pas même un lien Zoom égaré. Et pourtant, je suis resté aux aguets. J’aurai écouter sagement ce qui se disait, j’aurais lu entre les lignes. J’aurais observé ce que notre pays commence – ou hésite encore – à faire avec cette grande affaire du siècle : l’intelligence artificielle.

Je ne suis pas amer. Les assises sont ce qu’elles sont : un premier pas, un signal. Mais puisque je n’ai pas été convié, permettez-moi de prendre la parole ici. Pour dire ce que j’aurais dit là-bas, sans filtres, sans cirage de bottes, sans techno-blabla.

​L’IA n’est pas une technologie. C’est un changement d’échelle.

Ce qu’on appelle IA ou plus précisement les IA n’est pas un gadget de plus dans l’histoire de la technique. C’est une bascule d’échelle. Elle rend l’intelligence – ou du moins sa simulation – massive, rapide et presque gratuite. Un juriste peut résumer mille contrats en cinq minutes. Un fraudeur peut fabriquer une fausse vidéo de ministre en deux clics. Un pays peut anticiper une crise alimentaire avant même que la sécheresse n’atteigne ses greniers.

Ce n’est pas tant le progrès qui pose question, que la vitesse à laquelle il dissout les repères. Et dans cette vitesse, les pays qui n’ont pas de stratégie deviennent les variables d’ajustement des puissants. Le Maroc n’a pas droit à cette naïveté.

​Trois illusions dangereuses à dissiper au plus vite

1. "L’IA ne va pas remplacer l’humain." Peut-être pas. Mais elle va le marginaliser. Elle va redéfinir ce qu’est une compétence, une utilité, un savoir. Et dans ce nouveau monde, le travail humain sera d’abord jugé sur sa rareté, non sur sa noblesse.

2. "L’IA est un outil neutre." Non. Elle est façonnée par les biais de ceux qui la programment, entraînée avec les données de ceux qui dominent, et orientée par les finalités de ceux qui la financent. Elle n’est pas neutre : elle est stratégique.

3. "Le Maroc a encore le temps." C’est faux. Le monde ne nous attendra pas. L’IA est un champ de bataille silencieux : les pays qui n’investissent pas aujourd’hui seront les utilisateurs passifs de demain. Comme ceux qui ont découvert trop tard la colonisation du cloud, des smartphones, puis des plateformes.

​Si j’avais eu cinq minutes de micro face aux décideurs…

…voici ce que j’aurais recommandé, très simplement :

1. Bâtir une souveraineté cognitive
Former des penseurs, pas seulement des codeurs. L’avenir appartient à ceux qui comprennent les fondements éthiques, philosophiques et politiques de l’IA. Il ne s’agit pas d’aligner des ingénieurs, mais de forger des stratèges.

2. Créer une zone pilote marocaine de l’IA
Imaginez une ville – pourquoi pas Benguerir, Dakhla ou un territoire rural – où l’on teste, en conditions réelles, l’usage de l’IA dans les services publics : santé, éducation, transport, gouvernance locale. Une zone d’innovation éthique, 100 % marocaine.

3. Contrôler nos données comme un bien public
Les données sont notre ressource la plus précieuse. Nos sols, nos gènes, nos langues, nos flux énergétiques, nos habitudes de consommation. Sans souveraineté sur les données, il n’y aura pas d’IA marocaine – juste un Maroc servile à l’IA des autres.

4. Adopter un principe de non-alignement algorithmique
Ni Chine, ni GAFAM : penser une voie marocaine, adaptée à nos valeurs, à notre culture, à nos priorités. Refuser l’IA de surveillance à outrance comme celle de la marchandisation sans frein. Inventer une éthique hybride : africaine, islamique, méditerranéenne.

Une alerte éthique avant de conclure

Le vrai danger, ce n’est pas que l’IA devienne plus intelligente que nous. C’est qu’on lui délègue nos responsabilités humaines sans même s’en rendre compte. Gouverner, éduquer, juger, soigner : voilà des actes qui engagent l’âme, pas juste des algorithmes.

Le Maroc, dans ce XXIe siècle chahuté, a une rare opportunité : il peut devenir un modèle de gouvernance intelligente de l’IA pour l’Afrique et le monde arabe. Mais à une condition : cesser d’imiter les autres et commencer à penser par soi-même.

​Une image pour finir

Je vous laisse avec cette image que j’aurais projetée à la fin de mon intervention, si j’avais été là :
Un berger dans le Haut Atlas, tenant une tablette solaire dans une main, et une branche d’olivier dans l’autre. Entre la mémoire du sol et l’intelligence du ciel.

À vous maintenant de choisir ce que vous voulez semer.





Mercredi 25 Juin 2025

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