On est déjà demain, et ce demain est plus étrange que prévu.
Imaginez un ordinateur vivant. Pas une métaphore marketing, pas un gadget de science-fiction, mais une machine fonctionnelle composée de neurones humains cultivés en laboratoire. Ce qui ressemblait hier à un scénario de série dystopique est désormais une réalité commerciale. Le laboratoire australien Cortical Labs vient de franchir un seuil symbolique en mettant sur le marché le premier bio-ordinateur de l’histoire.
À première vue, l’idée dérange. Depuis soixante-dix ans, l’informatique repose sur le silicium, les transistors et des lignes de code exécutées mécaniquement. Or Cortical Labs propose une autre voie : utiliser des neurones biologiques, prélevés et cultivés in vitro, connectés à des systèmes électroniques capables de leur envoyer et de recevoir des signaux. Le résultat n’est ni un cerveau humain, ni une simple machine. C’est un hybride. Une intelligence biologique artificielle, capable d’apprendre, de s’adapter et de répondre à son environnement d’une manière radicalement différente des ordinateurs traditionnels.
Ce projet ne sort pas de nulle part. En 2022, Cortical Labs avait déjà fait parler de lui en présentant « DishBrain », un ensemble de neurones humains et murins entraînés à jouer au jeu vidéo Pong. L’expérience avait marqué les esprits : en quelques minutes, ces cellules vivantes apprenaient à anticiper la trajectoire de la balle, démontrant une capacité d’apprentissage rapide, avec une consommation énergétique dérisoire par rapport à un système d’intelligence artificielle classique. Là où un modèle numérique nécessite des centres de données gourmands en énergie, ces neurones biologiques fonctionnent avec une sobriété impressionnante. Aujourd’hui, le laboratoire va plus loin : il ne s’agit plus d’une simple démonstration scientifique, mais d’un produit commercial destiné à la recherche.
La promesse est immense. Les bio-ordinateurs pourraient bouleverser notre manière de concevoir le calcul et l’intelligence. Les neurones sont naturellement efficaces pour traiter l’information complexe, gérer l’incertitude et apprendre à partir de très peu de données. Là où les IA actuelles excellent dans des tâches bien définies mais restent fragiles face à l’imprévu, l’intelligence biologique possède une plasticité incomparable. Cortical Labs ne vend pas un ordinateur pour jouer à des jeux ou rédiger des textes, mais une plateforme expérimentale. L’objectif affiché est de mieux comprendre le cerveau humain, tester de nouveaux médicaments contre les maladies neurologiques et explorer des formes d’intelligence que le numérique peine à reproduire.
Pour autant, l’enthousiasme doit s’accompagner de prudence. Un ordinateur vivant pose des questions que la technologie classique n’avait jamais vraiment affrontées. D’abord, une question éthique. Utiliser des neurones humains, même cultivés en laboratoire, n’est pas anodin. À partir de quel seuil de complexité peut-on parler de sensibilité ? Ces réseaux cellulaires peuvent-ils ressentir quelque chose, aussi rudimentaire soit-il ? Les chercheurs assurent que non, que ces systèmes sont très loin de la conscience. Mais l’histoire des technologies nous apprend que les lignes rouges se déplacent souvent plus vite que les garde-fous juridiques et moraux.
Ensuite, une question politique et économique. Si ces bio-ordinateurs tiennent leurs promesses, ils pourraient devenir un atout stratégique majeur. Une technologie capable d’apprendre rapidement, de consommer très peu d’énergie et d’échapper aux limites du silicium attirerait inévitablement les grandes puissances et les géants industriels. Après la course aux semi-conducteurs et au quantique, assistera-t-on demain à une course aux neurones cultivés ? Le vivant deviendrait alors un nouveau terrain de compétition technologique, avec ses risques de dérives et d’appropriation.
Enfin, une question philosophique s’impose. Depuis des décennies, nous cherchons à imiter l’intelligence humaine par des modèles mathématiques. Avec les bio-ordinateurs, nous faisons presque l’inverse : nous intégrons directement le vivant dans la machine. La frontière entre l’homme et la technologie, déjà largement brouillée par les algorithmes, les implants et les interfaces cerveau-machine, devient encore plus floue. L’ordinateur n’est plus seulement un outil, il emprunte à la matière même de notre intelligence.
On est déjà demain, et ce demain est plus étrange que prévu. L’annonce de Cortical Labs ne signifie pas que nos ordinateurs personnels seront bientôt faits de neurones, ni que les machines vont « penser » comme des humains. Mais elle marque un tournant. Après l’intelligence artificielle logicielle et avant même que le quantique ne devienne pleinement opérationnel, une autre voie s’ouvre : celle de l’intelligence biologique artificielle. Une voie fascinante, prometteuse, mais profondément dérangeante. Comme souvent avec les grandes ruptures technologiques, la question n’est plus de savoir si cela arrivera, mais comment nous choisirons de l’encadrer.
À première vue, l’idée dérange. Depuis soixante-dix ans, l’informatique repose sur le silicium, les transistors et des lignes de code exécutées mécaniquement. Or Cortical Labs propose une autre voie : utiliser des neurones biologiques, prélevés et cultivés in vitro, connectés à des systèmes électroniques capables de leur envoyer et de recevoir des signaux. Le résultat n’est ni un cerveau humain, ni une simple machine. C’est un hybride. Une intelligence biologique artificielle, capable d’apprendre, de s’adapter et de répondre à son environnement d’une manière radicalement différente des ordinateurs traditionnels.
Ce projet ne sort pas de nulle part. En 2022, Cortical Labs avait déjà fait parler de lui en présentant « DishBrain », un ensemble de neurones humains et murins entraînés à jouer au jeu vidéo Pong. L’expérience avait marqué les esprits : en quelques minutes, ces cellules vivantes apprenaient à anticiper la trajectoire de la balle, démontrant une capacité d’apprentissage rapide, avec une consommation énergétique dérisoire par rapport à un système d’intelligence artificielle classique. Là où un modèle numérique nécessite des centres de données gourmands en énergie, ces neurones biologiques fonctionnent avec une sobriété impressionnante. Aujourd’hui, le laboratoire va plus loin : il ne s’agit plus d’une simple démonstration scientifique, mais d’un produit commercial destiné à la recherche.
La promesse est immense. Les bio-ordinateurs pourraient bouleverser notre manière de concevoir le calcul et l’intelligence. Les neurones sont naturellement efficaces pour traiter l’information complexe, gérer l’incertitude et apprendre à partir de très peu de données. Là où les IA actuelles excellent dans des tâches bien définies mais restent fragiles face à l’imprévu, l’intelligence biologique possède une plasticité incomparable. Cortical Labs ne vend pas un ordinateur pour jouer à des jeux ou rédiger des textes, mais une plateforme expérimentale. L’objectif affiché est de mieux comprendre le cerveau humain, tester de nouveaux médicaments contre les maladies neurologiques et explorer des formes d’intelligence que le numérique peine à reproduire.
Pour autant, l’enthousiasme doit s’accompagner de prudence. Un ordinateur vivant pose des questions que la technologie classique n’avait jamais vraiment affrontées. D’abord, une question éthique. Utiliser des neurones humains, même cultivés en laboratoire, n’est pas anodin. À partir de quel seuil de complexité peut-on parler de sensibilité ? Ces réseaux cellulaires peuvent-ils ressentir quelque chose, aussi rudimentaire soit-il ? Les chercheurs assurent que non, que ces systèmes sont très loin de la conscience. Mais l’histoire des technologies nous apprend que les lignes rouges se déplacent souvent plus vite que les garde-fous juridiques et moraux.
Ensuite, une question politique et économique. Si ces bio-ordinateurs tiennent leurs promesses, ils pourraient devenir un atout stratégique majeur. Une technologie capable d’apprendre rapidement, de consommer très peu d’énergie et d’échapper aux limites du silicium attirerait inévitablement les grandes puissances et les géants industriels. Après la course aux semi-conducteurs et au quantique, assistera-t-on demain à une course aux neurones cultivés ? Le vivant deviendrait alors un nouveau terrain de compétition technologique, avec ses risques de dérives et d’appropriation.
Enfin, une question philosophique s’impose. Depuis des décennies, nous cherchons à imiter l’intelligence humaine par des modèles mathématiques. Avec les bio-ordinateurs, nous faisons presque l’inverse : nous intégrons directement le vivant dans la machine. La frontière entre l’homme et la technologie, déjà largement brouillée par les algorithmes, les implants et les interfaces cerveau-machine, devient encore plus floue. L’ordinateur n’est plus seulement un outil, il emprunte à la matière même de notre intelligence.
On est déjà demain, et ce demain est plus étrange que prévu. L’annonce de Cortical Labs ne signifie pas que nos ordinateurs personnels seront bientôt faits de neurones, ni que les machines vont « penser » comme des humains. Mais elle marque un tournant. Après l’intelligence artificielle logicielle et avant même que le quantique ne devienne pleinement opérationnel, une autre voie s’ouvre : celle de l’intelligence biologique artificielle. Une voie fascinante, prometteuse, mais profondément dérangeante. Comme souvent avec les grandes ruptures technologiques, la question n’est plus de savoir si cela arrivera, mais comment nous choisirons de l’encadrer.












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