C’est clair. C’est net. C’est d’une droiture presque tranchante. Une invitation à l’honnêteté, à la cohérence, à l’alignement entre ce que l’on pense, ce que l’on dit, et ce que l’on fait.
Et pourtant… regardons autour de nous. Ou regardons-nous, simplement.
Aujourd’hui, le "oui" ne signifie plus vraiment oui. Il veut parfois dire peut-être, si tout va bien, ou encore oui, mais seulement si ça ne me dérange pas trop. Parfois même, il est dit par politesse, par peur de déplaire, sans aucune intention derrière. Et le "non" ? Il est devenu provisoire, stratégique, temporaire. Un non pour l’instant, un non à moitié, un non sauf si tu insistes un peu.
Le langage s’est brouillé. Le courage de la parole vraie s’est effacé derrière les écrans tactiles, les "vu" sans réponse, les "on se tient au courant" qui n’engagent à rien. On vit dans une époque où dire vraiment ce qu’on pense est devenu presque subversif. Où affirmer un oui sincère ou un non franc peut paraître rude, voire agressif.
Moi, je suis perdu. Et vous ?
Je ne sais plus toujours comment décoder les autres, ni même comment me décoder moi-même. Est-ce que je dis oui parce que j’en ai envie, ou parce que je n’ose pas dire non ? Est-ce que je dis non par peur d’un engagement trop grand, ou parce que j’ai appris à me protéger derrière le flou ? Parfois je m’entends dire des choses que je ne pense pas tout à fait, comme si j’étais devenu un diplomate de mon propre cœur, à force de concessions.
Ce n’est pas qu’une question de morale. C’est une question de lien. Quand les mots perdent leur poids, les relations perdent leur solidité. Comment se faire confiance, comment bâtir une parole commune, si chacun parle en demi-teinte, en sous-entendu, en hypothèse ?
Je rêve d’un monde plus simple, pas au sens naïf, mais au sens authentique. Un monde où l’on pourrait dire "oui" les yeux dans les yeux, et que cela suffise. Un monde où dire "non" ne serait pas vu comme une offense, mais comme un acte de clarté. Un monde où notre parole nous engage autant qu’un serment, pas parce que la loi l’exige, mais parce que notre dignité le commande.
Peut-être qu’il nous faut réapprendre à parler. À parler vrai. À écouter aussi, vraiment. Sans arrière-pensées. Sans stratégie. Avec cette forme de noblesse discrète que cette parole de la Bible nous propose.
Je ne suis pas chrétien, non. Mais je crois que dans ce "que votre oui soit oui, et votre non soit non", il y a quelque chose qui dépasse les croyances. Quelque chose de profondément humain. Quelque chose de précieux qu’on a peut-être trop vite laissé filer.
Et vous ? Est-ce que vous aussi, parfois, vous vous sentez un peu perdus dans ce brouillard de mots incertains ?
Peut-être qu’il est temps, doucement, chacun à notre manière, de rallumer la lanterne de la clarté. Pour nous. Pour les autres. Pour les liens qu’on mérite de construire sans se mentir.