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Santé mentale au Maroc : une réforme qui se perd dans les méandres du désert

Le Maroc promet une réforme de la santé mentale, mais sur le terrain, patients et soignants affrontent un désert de moyens et de reconnaissance.


Les chiffres de la santé mentale au Maroc révèlent une profonde crise structurelle.
Derrière les projets 2030, une réalité faite de tabous, de manque de moyens et d’isolement.
Sans stratégie transversale, la réforme risque de rester un vœu pieux.



Par Dr Anwar CHERKAOUI

En apparence, tout est prêt. Sur les estrades des congrès, dans les salles feutrées des ministères, les mots résonnent fort : refonte structurelle, justice territoriale, horizon 2030. Le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, brandit ses chiffres comme autant de preuves de bonne volonté. Le Maroc, dit-on, aurait enfin levé le voile sur la santé mentale.
Mais sur le terrain, c’est une autre mélodie : une sorte de blues anxieux entonné par des familles épuisées, des professionnels débordés, des patients oubliés.

Combien de psychiatres pour toute une nation ? À peine 600. Soit un pour 60 000 habitants. Le chiffre a beau être écrit en toutes lettres, il reste impensable. Pour les pédopsychiatres, c’est encore plus grave : ils se comptent sur les doigts d’une main par région, invisibles comme les pluies printanières promises mais jamais venues. Et pourtant, les troubles mentaux, eux, pleuvent. Anxiété, dépression, addictions, troubles du comportement — ils frappent partout, des villes aux campagnes, sans distinction de classe ou de genre.

La réforme, si elle existe, avance à petits pas. En 2025, on évoque 123 nouveaux postes. On annonce fièrement l’ouverture de nouveaux ISPITS et CHU. Très bien. Mais ces annonces ne suffisent plus à masquer l’ampleur du gouffre. Car ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que cette souffrance est silencieuse, invisible, et profondément marginalisée.

Dans les zones rurales, l’esprit malade est un tabou. On l’exorcise à coups d’amulettes, on l’isole dans des chambres sombres, on en parle à voix basse. Aucun psychiatre dans des kilomètres à la ronde, aucun centre, aucun espoir. À la ville, ce n’est guère mieux : des files d’attente interminables, des consultations réduites à 10 minutes chrono, des urgences psychiatriques qui fonctionnent comme des garages improvisés.

Et la psychiatrie privée ? Un luxe. Pour une infime minorité. Pour les autres, c’est l’errance, la honte ou l’abandon. Les jeunes sombrent sans bruit. Les femmes souffrent dans le silence. Les seniors, eux, s’isolent jusqu’à disparaître socialement.

Pendant ce temps, les budgets dédiés à la santé mentale restent dérisoires. Pas de grandes campagnes de prévention. Aucune émission de grande écoute. Pas même un programme éducatif à l’école. Le tabou tient bon, protégé par des décennies d’ignorance et de peur.

Alors oui, le Maroc a enclenché une réforme. Mais sans une véritable accélération, sans un effort transversal (éducation, justice, emploi, médias), elle restera un mirage bureaucratique. La santé mentale ne peut plus être ce “parent pauvre” du système de santé. Parce que la souffrance psychique n’attend pas. Et parce qu’un pays qui n’écoute pas ses âmes blessées prépare, sans le savoir, la déchirure de son tissu social.

Comme le rappelait récemment un professionnel lors d’un colloque à Marrakech :

“On peut construire des hôpitaux, mais si on ne répare pas la honte, on ne soignera personne.”

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Vendredi 2 Mai 2025


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